Le législateur algérien qui a permis l'existence des banques privées a-t-il pensé au contrôle ? » s'est interrogé l'avocat de Bentayeb Mohamed (10 ans de prison requis), un des trois cadres de l'agence BEA de Sig. Oran. De notre bureau L'aspect contrôle a été évoqué lors des plaidoiries, mais lui va plus loin en suggérant de faire endosser la responsabilité aux instances qui ont la charge de veiller au bon fonctionnement des institutions financières. « Les principaux accusés sont les responsables de la BCIA et les personnes qui sont dehors et qui représentent l'autorité de contrôle à la Banque d'Algérie ou à l'instance chargée du crédit et de la monnaie, etc. », clame-t-il en pensant que « si ces gens-là avaient fait leur travail, on n'en serait pas là aujourd'hui. » Son évocation des responsables de la BCIA n'est pas fortuite, car il fera remarquer ensuite le fait que « les témoins qui ont eu à intervenir au procès, qu'ils soient à charge ou à décharge, ont déclaré à l'unanimité qu'une traite avalisée ne peut pas revenir impayée ». Revenant à son mandant, il déclarera à son sujet qu'« il n'a pas de chance du fait que son affaire coïncide avec ce qui est qualifié d'année du scandale Khalifa, du fait que les principaux accusés sont en fuite et du fait qu'il sera jugé ultérieurement à Mascara pour les mêmes faits ». UN « PORTEUR NEGLIGENT » Selmane Abderrahmane ayant présenté des bons de caisse d'une valeur de 24 milliards de centimes à l'agence de Sig, son nom a été évoqué, mais pour dire que « ces bons de caisse ne sont pas bidon ». Pour ce faire, il fera endosser la responsabilité à la BCIA au sujet de laquelle il dira encore une fois : « La banque qui a donné l'aval est obligée de payer. » Constitué également pour ce même prévenu, le deuxième avocat commencera d'abord par louer la cour qui, reconnaît-il, a respecté les droits de toutes les parties, y compris ceux de la défense, et veillé à préserver la dignité de tous les accusés. Il insistera à maintes reprises sur la crédibilité du jugement qui devra être rendu sur la base, a-t-il souhaité, d'une analyse précise des faits. Comme pour faire décliner toute responsabilité à son mandant, signataire de pièces litigieuses, il lira des passages d'un PV du juge d'instruction rapportant une déclaration de M. Ardjoum, ancien directeur de l'agence de Sig, impliqué dans cette affaire, mais décédé entre temps. « Que Dieu ait son âme », avait-on déclaré auparavant, mais pour dire que celui-ci avait enfoncé ces subalternes. La deuxième fois qu'il a été cité, c'était pour rapporter directement ses propos : « J'ai escompté et les clients n'avaient pas d'autorisation de crédit. J'en assume toute la responsabilité. » Un aveu de manquement aux règles qui sera transposé à son subalterne direct, car le même avocat reprendra la déclaration de cet accusé : « Lotfi Mohamed a dit : avant que le directeur ne parte vers les Lieux Saints, il m'a ordonné d'escompter au profit de ces clients. » Ces passages ont été mis en avant pour demander de la rigueur dans la définition des responsabilités de chacun. Il se référera également aux déclarations faites à la salle d'audience pour rappeler que « le mot BCIA revient à chaque fois », preuve selon lui qu'« elle est le pivot de cette affaire » et que « cette banque est une catastrophe, elle a induit en erreur les autres banques dont la BA, comme elle a induit en erreur toute la société ». Ce n'est pas exactement l'avis de l'avocat de Selmane Aderrahmane (10 ans de prison requis) qui a, avant tout, dans l'intérêt de son client et pas obligatoirement, laissera-t-il entendre, dans celui de la BCIA, qualifié la BEA de « porteur négligent » pour avoir mis du retard à présenter les traites de l'agence Yougoslavie. Il tentera plus tard de faire endosser, pour le même motif, une partie du préjudice aux responsables de la banque eux-mêmes pour ne pas avoir récupéré une partie de l'argent. Sa plaidoirie, ponctuée d'anecdotes puisées de sa longue expérience ou de réflexions du genre « Nous les Arabes, nous n'accordons pas de valeur à la notion du temps, nous dormons alors que l'avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt », devient difficile à suivre. Il se basera sur des articles du code du commerce pour, selon l'interprétation qu'il donne, tenter de minimiser le rôle de son mandant, particulièrement riche, car, toujours selon lui, « Dieu lui a donné ». La richesse (conditionnement de margarine à Misserghine, deux maisons) est brandie comme un argument de sa bonne foi. Au début de son intervention, ce même avocat pense, en annonçant qu'il allait le montrer ultérieurement, que « l'arrêt de renvoi a couvert la nullité de la procédure et d'autres choses encore ». Longtemps après, cette remarque n'a pas été démontrée, du moins de manière explicite. Il se dira par contre « fier qu'ici à Oran, une grande liberté de ton a été accordée aux intervenants ». En revenant sur les conditions qui ont entouré le début de cette affaire, en rappelant que les clients ordinaires de la BCIA se sont précipités dans la confusion pour récupérer leur argent, il évoquera ce qu'il pense être une déclaration du plaignant mandaté par sa hiérarchie : « Djamel Baghdadi a déclaré, ici devant vous, qu'il y avait un climat de psychose caractérisé par le fait que personne ne faisait confiance à l'autre. » En réalité, l'ancien directeur régional a juste parlé de lui-même en disant : « A ce moment-là, je ne faisais confiance à personne. » Pour replacer les choses dans leur contexte, celui-ci a eu à tenir ces propos après avoir explicitement déclaré auparavant que son subalterne, qui a été mis au courant du rejet des traites le 13 mai 2003, ne l'a informé que le 18 du même mois. « LA TOILE D'ARAIGNEE » L'avocat reviendra lui aussi sur le fait que son mandant allait être jugé ultérieurement à Mascara dont dépend territorialement Sig pour les mêmes faits. D'autres avocats ont eu à plaider des cas pour lesquels on a requis des peines moins importantes, comme Merabti El Hadj (6 ans) dont le compte bancaire est géré par procuration par Selmane Aderrahmane. Son avocat a axé son intervention sur le fait que, compte tenu que cette procuration n'a pas un caractère illégal, « la responsabilité dans la participation à la dilapidation de deniers publics est non fondée ». Une autre avocate est revenue sur le cas du DG de la BCIA, Benkadi Ahmed (7 ans de prison requis), qui a déjà fait l'objet d'une première séance au début des plaidoiries de la défense. « Nous ne pouvons pas juger le participant avant de juger le premier responsable », dira-t-elle avant de brandir comme argument qu'« au cas où le premier responsable (el faâl el assli) est innocenté, cela entraînerait automatiquement la relaxe des participants ». Par premier responsable, elle ne peut viser que les propriétaires de la BCIA, une banque pour laquelle le représentant du ministère public a prévu une bonne place dans la « toile d'araignée », le schéma sur lequel il s'est basé pour rendre lisibles les faits dont il s'agit dans cette affaire. Donc, inversement, au sujet de la deuxième déclaration, on peut se demander, puisque le procès a lieu : au cas où les participants sont accusés, quelle instance pourra innocenter celui ou ceux que l'avocate qualifie de premiers responsables ?