La stratégie économique du gouvernement Driss Djettou peut se targuer de « bons résultats » en ayant mis la promotion des investissements directs étrangers au cœur de son dispositif », cet avis d'un expert européen en marge d'une réunion euromed à Rabat la semaine dernière est conforté par les chiffres. Le Maroc a réalisé, avec 8,1%, le taux de croissance du PIB le plus fort au Maghreb en 2006. Il est aussi le pays de la région qui a capté le plus d'investissements directs étrangers (IDE) en 2005, et sans doute aussi en 2006 compte tenu des tendances après 9 mois de l'année. Le dynamisme retrouvé en 2006 succède certes à une année 2005 calamiteuse marquée en particulier par la crise du secteur du textile sinistré par la fin de l'accord multifibre levant les contraintes sur les exportations chinoises dans le monde. La forte reprise marocaine rend compte toutefois et de manière de moins en moins contestable que l'amélioration de l'environnement des investissements ces dernières années au Maroc, a commencé à donner des fruits. Le flux des IDE est donc demeuré haut en 2006 et participe de plus en plus lourdement à la bonne tenue de la conjoncture marocaine. Un pari sur les IDE que les résultats confortent La présence du capital étranger au Maroc est, toutes enseignes dehors, de plus en plus visible dans les artères des villes du royaume et dans leurs périphéries industrielles. Casablanca a déjà capté une bonne partie des délocalisations dans le domaine des services (centres d'appel, assurances, bureaux d'études, etc.) et la remontée technologique dans la sous-traitance industrielle se poursuit lentement mais sûrement. A Rabat, il est beaucoup question des grands projets de modernisation de la capitale avec l'aménagement de la vallée du fleuve Bouregreg dont l'embouchure sépare Rabat de Salé. Sama Dubaï, où des groupes français, espagnols ont présenté des offres tandis que l'autre émirati Emaar a signé avec le royaume une convention d'un montant de 27 milliards de dirhams (environ 2,4 milliards d'euros) pour la valorisation de la corniche de Rabat. Des investisseurs étrangers s'engagent tous les mois à développer une activité au Maroc dans des domaines aussi variés que le textile, le tourisme ou l'agroalimentaire. Le rapport mondial sur les IDE en 2006 situe le Maroc à la quatrième place africaine dans la réception de capitaux étrangers. Certes, les fluctuations des IDE d'année en année peuvent être importantes, modifiées par la taille d'un ou deux investissements majeurs qui ne rendent pas compte de la régularité des flux d'affaires. Il n'en reste pas moins que la performance marocaine rassure les officiels à Rabat car elle repose sur une plus grande diversité des secteurs d'activités qui arrivent à capter des engagements étrangers. Ainsi les flux des IDE en faveur de l'Egypte (5,4 milliards de dollars) et du Nigeria (3,4 milliards de dollars) qui précédent le Maroc au classement 2005 concernent dans une large part les investissements dans le secteur pétrolier en raison de la forte demande sur les produits pétroliers. Le Maroc a capté 2,9 milliards de dollars d'IDE en 2005 et devrait sensiblement améliorer sa performance en 2006. On l'aura compris, la vertu de flux d'affaires créées au Maroc est de ne plus être captif d'un ou deux secteurs exclusifs. Les flux des entrées en 2005 s'étaient concentrés en priorité sur cinq secteurs : les télécommunications, avec 59 % du total grâce à l'acquisition par Vivendi de 16 % de Maroc Telecom ; le tourisme, qui a profité de la dynamique enclenchée par le plan Azur avec 11,7 % ; l'immobilier, avec 9,1 % ; l'industrie, avec 8,7 % et enfin, les assurances, avec 4,4 % notamment en raison de la prise de participation de 10 % du groupe Crédit Mutuel dans la RMA. Cette ventilation large des investissements s'est poursuivie globalement en 2006 – les détails chiffrés ne sont pas encore disponibles- avec une montée en puissance des délocalisation européennes dans le secteur des services au profit du Maroc. Quelle est la recette marocaine dans l'attrait des IDE ? Les officiels marocains considèrent la Tunisie en premier lieu puis l'Egypte comme leurs concurrents principaux dans l'attrait des IDE dans la région. Ont-ils tort d'en exclure l'Algérie ? Jusque-là pas vraiment. L'avance prise par le Maroc dans la qualité d'accueil des investissements étrangers est considérable. Mais quelle est donc la recette de cette efficacité qui ne se dément pas dans l'attrait des capitaux étrangers ? Des fondamentaux macro-économiques meilleurs ? Sans doute pas, l'inflation est quasi-équivalente entre les deux pays, les déficits publics mieux maîtrisés en Algérie, la pression sur les salaires voisine avec un taux de chômage moins ample au Maroc où il est officiellement passé sous les 10% en 2006. Selon cet expert européen, « la différence est tout simplement qu'au Maroc il existe un consensus politique large selon lequel la rareté du capital national doit être obligatoirement compensée par l'afflux des investissements étrangers. Tout l'environnement s'est organisé depuis plusieurs années autour de l'incitation à investir pour tous bien sûr mais encore plus pour les non résidents ». L'immobilier d'affaires est une bonne illustration de la démarche… et des retards algériens dans l'accueil de l'investissement. Lors de récente seconde édition d'Immo Pro (salon de l'immobilier professionnel), les investisseurs ont pu mesurer l'effort public d'aménagement d'un parc professionnel renouvelé et fonctionnel. Face à une demande en locaux industriels qui explose, l'offre est arrivée à s'adapter en créant de nouvelles zones d'accueil dans le grand Casablanca, et en attirant dans cette filière spécifique des aménageurs de renom mondial. La performance marocaine dans l'attrait des IDE est-elle menacée par la perspective d'une victoire électorale du PJD, le parti islamiste modéré marocain, favori des législatives de l'été prochain ? Rien n'est moins sur. « Le PJD est déjà aux affaires à la tête de grandes municipalités dans le royaume. Ses cadres et ses élus savent que le Maroc a besoin des investissements étrangers. Il n'y aura pas de chamboulement de ce côté-là dans le cas de l'avènement d'un gouvernement conduit par le PJD », rassure un chercheur marocain du GERM (Groupement d'études et de recherche pour la Méditerranée). Les investisseurs étrangers sont-ils aussi tranquilles devant une telle évolution politique ? « Ils hésiteront peut-être un moment mais ils verront que le flux d'affaires ne retombera pas. Il ne faut pas oublier que deux tiers des investissements étrangers est tout de même encore le fait de Marocains non résidents ». Un autre volet sur lequel l'Algérie a des leçons à prendre.