Photo : Riad Par Salah Benreguia Le secteur économique public reste un levier incontournable dans le paysage industriel national. La volonté de lui donner un nouveau souffle, est, entre autres, l'un des objectifs que s'est fixés le gouvernement, notamment depuis le retour d'Ouyahia au Palais du Dr Saadane. Ainsi, le chef du gouvernement, un habitué des dossiers lourds comme celui-là, a annoncé une panoplie de mesures ayant pour but final de booster l'économie nationale, et surtout de mettre fin aux pratiques de certaines entreprises privées étrangères qui ne font que transférer des dividendes, estimés à des milliards de dollars, sans pour autant créer, en contrepartie, des postes d'emploi ici en Algérie. Avoir, en effet, une économie performante et compétitive, sans dépendre exclusivement des entreprises privées, tel est, semble-t-il, le souci des pouvoirs publics ces derniers temps. Pour ce faire, l'exécutif est en train d'étudier la possibilité de créer de grandes sociétés publiques pour la promotion et la relance de l'investissement public dans le secteur industriel. L'annonce en a été faite récemment par le ministre de la l'Industrie et de la Promotion des investissements, Abdelhamid Temmar, devant le Conseil de la nation. «Nous allons créer treize nouvelles grandes sociétés nationales de dimension internationale, qui vont permettre à notre pays de promouvoir son économie», a encore fait savoir, le ministre de l'Industrie et de la Promotion des investissements, en marge d'un séminaire sectoriel organisé à Zéralda. Il s'agit, pour la même source, de créer de nouvelles entreprises mais également de restructurer et de réorganiser les sociétés déjà existantes. Cette politique sera concrétisée par la fusion de plusieurs entreprises publiques. «Cette stratégie concerne même quelques entreprises activant déjà sur le terrain. C'est-à-dire que nous allons rassembler un bon nombre d'entreprises du même secteur autour d'une seule société de la même activité. Nous procéderons carrément à la création d'une nouvelle entreprise», a poursuivi «Monsieur privatisation». Et d'ajouter, soit dit au passage, que «le gouvernement a pensé à onze sociétés, mais je vais encore en proposer deux autres pour atteindre au total treize grandes entreprises». Quel est l'objectif visé par ce choix ? En plus de la promotion de l'économie nationale, le but visé par le gouvernement à travers la mise en place de cette politique, a laissé entendre Temmar, c'est de créer de grandes entreprises rentables et de leur permettre d'être compétitives et concurrentielles à l'échelle internationale. Ce dernier a précisé que cette stratégie s'inscrit dans la politique générale menée par le gouvernement et, concernant le secteur économique, «le gouvernement envisage de faire émerger quelques entreprises publiques de très grande dimension pour faire face à la compétition internationale». Pour mémoire, le ministre avait suggéré, en 2007, d'aller vers la fusion entre les entreprises nationales spécialisées dans la production pharmaceutique pour mieux développer la filière. «L'objectif est d'aller vers l'émergence d'un géant pharmaceutique», avait indiqué le ministre. Environnement sain et favorable : une condition sine qua non… Au-delà de l'effet d'annonce, bon nombre de questionnements viennent à l'esprit. En effet, la création des «sociétés championnes», est-elle l'option tant recherchée par le gouvernement, permettant de booster notre économie nationale ? Avec 13 grandes sociétés publiques, l'Algérie aura-t-elle une économie plus performante et surtout compétitive ? Les réponses sont loin, cependant, d'être positives. Les avis des experts en la matière divergent. Abdelhak Lamiri voit cette option conditionnée par un certain nombre de paramètres micro-économiques. «Si l'on veut créer de grandes entreprises étatiques, à l'exemple des Sud-coréens, il faut, d'une part, ne pas omettre certaines réalités micro-économiques dans notre pays et, d'autre part, offrir un environnement qui permette la réussite d'une telle option», a déclaré d'emblée cet expert et consultant international. Il s'agit, selon la même source, de prendre en ligne de compte la nécessité, voire l'obligation, de posséder un environnement bancaire performant, mais surtout, investir, a priori, dans les ressources humaines, qui demeurent, selon Lamiri, le principal levier dans le cadre d'une éventuelle réussite. «Il faut, de prime abord, investir dans les ressources humaines. On doit disposer d'universités de haut niveau, de centres de formation professionnelle de qualité et, surtout, structurer les activités managériales de chaque entreprise pour pouvoir ensuite parler d'une probable réussite d'une telle option», explique-t-il plus loin. Pour Lotfi Halfaoui, expert industriel agréé, la constitution de 13 grandes entreprises publiques est conditionnée par la dotation de tous les outils nécessaires pour leur réussite. Il s'agit notamment de disposer de ressources humaines de haut niveau, d'équipements, de sources de financement ainsi que de moyens organisationnels et techniques. La pétrochimie, l'industrie mécanique, la sidérurgie et le transport aérien : les cibles de Temmar. Le ministre de l'Industrie et de la Promotion des investissements, a, par ailleurs, énuméré les secteurs touchés par cette création. Il s'agit, entre autres, des secteurs de l'activité industrielle qui sont «profitables à l'Algérie», tels que la pétrochimie, l'industrie mécanique, la sidérurgie et le transport aérien. «Rien n'empêche la création de sociétés économiques publiques suivant la capacité économique et les avantages qu'offrent nombre de secteurs, et ce, dans un contexte économique», a-t-il déclaré à ce propos. Sur ce point précis, si la façon dont a été évoquée cette annonce est la dernière pomme de discorde entre le ministère de tutelle et certains experts spécialistes, le pommier n'a pas manqué de fruits. En effet, ces derniers reprochent au gouvernement le choix de certains secteurs. Hormis la pétrochimie, qui a eu «le consensus» entre les deux parties, les autres secteurs choisis ne font pas l'unanimité. «Je ne vois pas comment le secteur aérien peut faire l'objet de la création d'une ou de plusieurs grandes entreprises étatiques», s'interroge Lamiri. Ce dernier préfère, en revanche, évoquer le secteur du tourisme, des services et surtout l'agroalimentaire. «On peut réaliser, via de grandes entreprises publiques, beaucoup de choses dans le secteur du tourisme. C'est un secteur qui a de l'avenir et l'Algérie possède d'excellents sites touristiques…», ajoutera-t-il plus loin. «Mais pour les autres secteurs, il faudra établir un plan Marshal et s'attendre à des résultats, au moins à moyen terme», souligne-t-il.