En ces journées symboliques dédiées à la vieille Casbah, il semble établi que l'ancienne Alger, monument d'urbanisme et de culture, se dirige vers la disparition pure et simple à plus ou moins brève échéance. Il ne sert à rien de stigmatiser encore l'incapacité des dirigeants de faire ce que n'importe quel pays aurait fait pour l'un de ses cœurs, malgré les surplus financiers dont il se gargarise et la présence sur le territoire national de toutes les entreprises étrangères spécialisées dans la construction et la rénovation, venues avec leur savoir-faire. Non. La particularité de La Casbah réside dans son système collectif. Les maisons sont collées les unes aux autres et se tiennent entre elles. Si l'une vient à tomber, les autres suivent, l'absence de soutènement individuel efficace engendrant un cancer généralisé qui s'observe depuis longtemps et se voit tous les jours dans ce mouvement inéluctable où chaque nuit une bâtisse disparaît. La Casbah, ou le peu qu'il en reste, va donc finir comme un vieux cadre à la retraire, va mourir écrasée par son propre poids. C'est ce que l'on pourrait appeler « le poids de l'habitude », pour reprendre la formule de Sidi-Saïd au procès K., qui expliquait par là comment il a pu signer un faux pv antidaté. Ce tourneur-fraiseur de formation, dont la montée dans la hiérarchie officielle en a surpris plus d'un parmi les tourneurs-fraiseurs, va peut-être, selon les dernières déclarations du procureur général, être poursuivi pour faux et usage de faux. Et alors, pourrait faire remarquer un bon avocat ? La disparition de l'un des piliers du système entraînera-t-elle la disparition des autres piliers à l'instar de La Casbah dont les maisons se tiennent entre elles ? Rien n'est moins sûr. La Casbah n'est pas construite comme le système, en béton armé. Ce qui change tout. Une maison peut s'effondrer, le reste tiendra debout.