Le procès Khalifa a été marqué, hier, par la gêne de la défense quant aux déclarations du président de la Cour suprême, Kadour Berradja, faites à la presse. Ce haut responsable et à propos du rejet des pourvois en cassation introduits par les avocats dans le cadre de l'affaire Khalifa, a demandé aux journalistes de ne pas lui faire assumer « l'incapacité » de la défense. Ce qui, pour les robes noires, est considéré comme « une offense ». Une conférence de presse devait être organisée hier par le bâtonnier Chaâbane Abderrazak, juste après l'audience matinale, mais elle a été annulée à la dernière minute pour des raisons inconnues. La colère et les commentaires ont marqué le hall de la cour. La présidente insiste pour faire passer toutes les plaidoiries au plus tard, mercredi soir. Ce qui laisse supposer que le procès approche à sa fin. Me Khaled Bourayou, avocat de Akli Youcef, caissier principal d'El Khalifa Bank, et de Ouandjelli, directeur financier de la compagnie d'assurance, deux accusés contre lesquels le procureur général a requis, respectivement, 20 ans et 2 ans de réclusion criminelle, commence sa plaidoirie en rendant hommage au tribunal. Au procureur général, il déclare espérer que ses propos dans la presse ne sont pas circonstanciels. Il indique que cette affaire n'est pas ordinaire du fait qu'elle a causé un préjudice provisoire de 114 milliards de dinars et 1,5 milliard de dollars US, et a nécessité une dizaine de mandats d'arrêt internationaux. « A ce titre, nous voulons un jugement historique à la hauteur de cette affaire. » Pour lui, Khalifa est un génie qui a réussi à corrompre l'autorité et, eu égard au nombre de personnalités et ministres qui défilaient dans son bureau, l'affaire ne peut être que politique. Il reconnaît que c'est la première fois qu'un ministre de souveraineté et d'anciens ministres sont entendus par le tribunal, ce qui, selon lui, est une fierté pour la justice algérienne. « Dans de nombreuses affaires liées à la presse, nous avons à chaque fois demandé la présence des ministres qui déposent plainte, ou même leurs représentants et la demande a toujours essuyé le refus du tribunal. Mais dans cette affaire, nous avons vu un ministre de souveraineté témoigner avec la peur. » Me Bourayou estime que devant les graves dysfonctionnements qui ont caractérisé cette affaire, il a constaté que la Banque d'Algérie n'a fait que fuir ses responsabilités. « Mais qui paie à sa place ? Ceux qui sont là au boxe des accusés. » Il évoque la famille Keramane, en disant que « même si les absents ont souvent tort, cette famille mérite le plus grand respect et il est injuste de l'accabler ». Il relève que les failles ayant marqué l'instruction sont historiques. Il étaye ses propos en faisant un round-up sur l'affaire qui a débuté le 23 mars 2003, après le dépôt de la première plainte. Il constate que tous les cadres dirigeants de la banque ont été inculpés, sauf le plus jeune d'entre eux, Faouzi Baïchi (né en 1976), directeur général du marché des capitaux, donc de l'argent, actuellement en fuite, qui a été entendu en tant que témoin par le juge d'instruction. « Est-ce qu'il a des privilèges pour bénéficier d'un tel statut ? Pourquoi lui et pas les autres, alors qu'il avait reconnu avoir pris des sommes colossales sur ordre de Abdelmoumen, tout comme ceux qui ont été inculpés. Du statut de témoin, il réussit à prendre la fuite et quand on ne peut arrêter quelqu'un qui se cache à Alger, il ne faut pas s'attendre à ce que Abdelmoumen soit extradé de Londres ». Me Bourayou se demande pourquoi le directeur, son adjoint et le caissier de l'agence de Koléa ont bénéficié du non-lieu au niveau de la chambre d'accusation, alors que l'expert avait enregistré un préjudice de 14 millions de dinars, montant pris par Faouzi Baïchi, alors que pour un montant de 10 000 DA, les mêmes responsables de l'agence de Chéraga ont été mis en détention. Il exhibe un document sans entête qui s'apparente à une décharge signée le 20 août 2000 par Baïchi Faouzi, dans laquelle il indique avoir pris la somme pour la verser à la caisse principale. « Il n'y a pas d'en-tête parce que tout simplement Baïchi est venu le soir pour vider la caisse et il n'y a aucune preuve sur une quelconque instruction ou ordre de Abdelmoumen. Il n'a pas présenté de bout de papier, ou même une carte de visite, pour prendre cet argent. Qu'est-ce qu'il y a derrière cet énigme de Koléa ? Comment peut-il prendre 14 millions de dinars et être entendu en tant que témoin ? Pourquoi Akli n'a pas bénéficié d'un tel privilège ? Il faut réparer les injustices de ce dossier. Celui qui prend est en liberté et celui qui ne prend pas est mis en détention ? » Maître Bourayou s'est interrogé sur le fait que le procureur général s'est vu obligé de défendre des personnes non citées dans l'arrêt de renvoi, en notant que l'énigme de Koléa restera entière. « Rappelez-vous de Koléa et soyez juste envers Akli », dit-il au tribunal. « Le procès doit être celui de Khalifa, pas celui des cadres » L'avocat qualifie l'implication des cadres dans cette affaire de honteuse, il estime que ce procès ne doit pas être celui des cadres, mais de Khalifa seulement. Selon lui, dans la corruption, il faut qu'il y ait un pacte entre le corrupteur et le corrompu, avant le délit. Or, dit-il, dans cette affaire, les cartes et les avantages, s'il y a avantages, ont été donnés bien après le placement des avoirs des sociétés. Mieux, ces dépôts ont été bel et bien placés à des taux d'intérêt attractifs, qui avaient atteint 17%. « On aurait pu parler de corruption, si ces responsables avaient placé à des taux de 2 ou 3% pour bénéficier d'avantages après. C'est cela la corruption. La loi est claire concernant la corruption. Un cadeau est considéré comme étant une erreur administrative, s'il n'est pas sollicité. Ce qui est le cas pour tous les cadres qui sont poursuivis. » L'avocat affirme en outre que celui qui décide ne gère pas et celui qui gère ne décide pas. Le décideur utilise le téléphone et ne fait pas d'écrits, pour ne pas laisser de traces, « il est comme le ministère public intouchable ». Mais le gestionnaire exécute et accepte même d'être exécuté. Il n'implique jamais son responsable parce qu'il n'a pas de preuve. « Le système fonctionne par la loi de l'omerta. Ouandjeli et Akli Youcef ont exécuté ce que leurs chefs respectifs avaient décidé. C'est pour cela que je dis que cette affaire est historique. » Toutes les banques publiques qui fonctionnent selon les normes ont connu les tribunaux criminels. « Quelle est la différence entre un Abdelmoumen qui donne des ordres pour faire sortir de la caisse principale l'argent des déposants et les décideurs tapis dans l'ombre qui ordonnent l'octroi de crédits sans garantie au niveau des banques publiques ? », se demande Me Bourayou. Il affirme que le financier de Sonatrach qui avait refusé de placer les avoirs de la compagnie à Khalifa a été par la suite écarté de son poste et le ministre des Finances vient déclarer n'avoir pas été intelligent pour réagir. « Akli aussi n'a pas été intelligent pour savoir que son patron l'utilisait. S'il n'y avait pas de politiques corrompus, Khalifa n'aurait jamais pu faire ce qu'il a fait. En le jugeant, l'Etat s'est disqualifié. Ce même Etat qui lui a permis de prendre en charge toutes ses activités, des petits séminaires jusqu'aux voyages des personnalités. » Il revient sur la Banque d'Algérie, en affirmant qu'après le départ de Abdelwahab Keraman, en tant que gouverneur, les transferts ont triplé sous le règne de Laksaci. Il s'interroge comment un rapport de la Banque d'Algérie puisse se perdre dans le bureau d'un ministère de souveraineté, en affirmant que la fuite de responsabilités est devenue une marchandise en Algérie. Ce rapport, dit-il, faisait état dans son objet de la nécessité d'engager des poursuites contre Khalifa, alors que le ministre des Finances déclare devant le tribunal qu'il pensait l'avoir reçu pour information. « Comment peut-il disparaître de son bureau ? Ce qui est certain c'est que ce rapport ne peut redescendre, ne peut aller ni à gauche ni à droite. Il est parti plus haut. La copie est tronquée d'une page. Pourquoi ? Certainement pour que n'apparaît pas la nécessité de poursuites contre Khalifa. Désolé, mais on n'écrit pas au ministre pour l'informer, mais pour décider. » Maître Bourayou affirme qu'il est difficile de croire que Abdelmoumen ait pu faire ce qu'il a fait sans que les responsables ne soient informés. Pour preuve, ajoute-t-il, il avait transféré 23 millions de dollars, 5 millions d'euros et 12 millions de pesetas à cinq compagnies de transport aérien étrangères, alors qu'il n'avait signé aucun contrat avec elles. Il déclare ne pas vouloir citer de noms, même si chacun au tribunal sait qui est qui, mais « la loi de l'omerta l'a emporté ». Il révèle que l'administrateur provisoire, Mohamed Djellab, avait opéré un véritable nettoyage avant que le liquidateur n'arrive. Il explique qu'il avait trouvé une somme de 36 milliards de dinars dans les caisses, entre cette somme est celle laissée au liquidateur, il y a un manque de 17 milliards de dinars qu'il a distribués.« Tout le monde sait que des proches des décideurs savaient que la banque allait fermer et se sont précipités pour se faire rembourser. Nous savons que cette somme a permis de payer les banques dont le CPA, ainsi que des décideurs. Djellab a bénéficié après d'une promotion. Il est devenu le PDG du CPA, après avoir été le directeur général adjoint. » Il rend hommage au liquidateur qui tente de préserver les intérêts des créanciers. Il affirme qu'Akli Youcef habite à Staouéli, un quartier connu parce que se trouvant à proximité de Club des pins. « Mais il ne faut pas que Staouéli paye pour le Club des pins. Il n'a rien bénéficié, ni de cartes, ni de crédits, ni de voitures, ni de villas. Pourtant, tout le monde a profité de la manne de Abdelmoumen, même les avocats et les magistrats. » Selon maître Bourayou, Akli n'a fait qu'exécuter les ordres de son patron. Au sujet des écritures entre sièges, il rappelle que ces dernières ne sont pas de fausses écritures, elles ont été ordonnées par Abdelmoumen et n'engagent pas un acte comptable. Au sujet de l'association de malfaiteurs, il déclare qu'il est difficile de croire qu'une banque agréée qui paie les impôts et les cotisations sociales, qui a une armée de 900 agents convoyeurs, se soit constituée en association de malfaiteurs. Pour lui, « il faut chercher plus haut les responsables. Nous sommes dans un pays avec un drapeau, mais pas une maffia avec un drapeau ». Maîtres Djillali Hamani et Dilem se sont succédé après pour défendre le même accusé. Me Hamani estime que Abdelmoumen n'a pas créé une monarchie, mais une oligarchie. Pour lui, il faut arriver aux bénéficiaires de l'argent avant de juger les exécutants. Pour lui, Akli, et selon le liquidateur, n'a commis qu'une faute professionnelle. Maître Dilem déclare qu'Akli est victime d'une hogra et Abdelmoumen a abusé de sa naïveté. Il va plus loin en affirmant que l'accusé a joué le rôle de nègre de Abdelmoumen. Il n'a fait qu'exécuter les ordres de son patron. Il évoque sa situation sociale qui n'a pas évolué, ce qui prouve que l'argent qui sortait de la caisse n'est pas parti dans sa poche. La défense de Ighil évoque un acharnement du parquet général Me Bouabdellah Rachid, prend la parole le premier pour défendre Lynda Benouis, directrice de la monétique, et Ighil Meziane Ali, directeur des sports au niveau de Khalifa. Il soulève de « graves violations » de la procédure par la Cour suprême et explique que sur les 135 pourvois en cassation introduits, aucun n'a été accepté. Il indique avoir vécu un épisode inédit dans les annales de la justice. Il reçoit un acte de notification de la Cour suprême, le 27 novembre 2006, dans lequel il est précisé que le délai d'un mois ne peut être prolongé. Selon lui, la loi lui donne jusqu'au 28 décembre 2006 pour déposer son mémoire, et il l'a fait en date du 24 décembre. « Or la Cour suprême avait déjà rendu son arrêt, le 20 décembre 2006, et deux avocats ont connu le même sort. Leur pourvoi était jugé irrecevable. C'est une violation flagrante du droit à la défense. Si vous voulez condamner Abdelmoumen, respectez au moins les formes et la procédure. Respectez tout simplement la loi. » Me Bouabdellah estime que la défense est sacrée et l'égalité des citoyens devant la loi est consacrée par l'article 29 de la Constitution ainsi que son préambule. « Mais nous assistons à une justice sélective puisque l'instruction a procédé non pas à un lifting, mais à un rinçage pour enlever les impuretés. On vous a remis un dossier débridé et tronqué puisque ceux qui ont trempé dans cette affaire ne sont pas là. C'est un procès inédit avec des chefs d'inculpation inédits », déclare maître Bouabdellah. Il explique à propos de la directrice de la monétique qu'elle avait présenté une lettre signée par le PDG de Khalifa qui prouve que ce dernier lui a octroyé un prêt sur ses fonds propres. Prêt qu'elle a remboursé en lui remettant la somme en main propre, avant de lui faire une lettre de remerciements dans laquelle elle parle du montant. L'avocat relève que la question subsidiaire relative à la participation à abus de confiance a été ajoutée après qu'un des accusés a affirmé que le montant a été versé de compte à compte. « Comment peut-elle donc être complice si elle-même n'était pas au courant que Abdelmoumen utilisait l'argent des déposants ? » s'est demandé l'avocat. A propos de Ighil Meziane Ali, contre lequel le parquet a demandé une peine de 15 ans, il s'interroge sur les motivations des accusations portées contre ce dernier, notamment l'association de malfaiteurs et vol qualifié. « A-t-il braqué une banque ? A-t-il volé des biens appartenant à autrui ? Aucun des éléments constitutifs de ces accusations n'existe. Je n'ai jamais vu un arrêt de renvoi d'un incohérence aussi flagrante que celui de cette affaire. »Il note que l'intention doit résulter de la connaissance du délit. Or, ajoute-t-il, Ighil Méziane n'a jamais su ce que prévoyait Abdelmoumen. « Le juge n'a pas le pouvoir d'arbitraire. Il ne peut qualifier des faits d'une façon arbitraire. Ce qui a été le cas dans cette affaire. » Selon lui, le fait qu'Ighil Méziane n'a pas de contrat de travail avec Abdelmoumen n'est pas de sa responsabilité. C'est à son employeur, explique-t-il de s'en inquiéter. Il évoque son compte à découvert, en affirmant que c'est une situation que connaissent tous les commerçants. « Mais il est solvable et la banque lui fait confiance. » Il indique à propos du sponsoring que toutes les grandes sociétés consacrent des fonds colossaux à cette activité, qui entre dans le cadre de la publicité, citant en exemple le cas de Coca Cola, qui dépense un milliard de dollars par an pour ces opérations. Pour lui, il n'y a rien d'illégal à ce que Khalifa accepte de financer l'achat des équipements au profit des clubs sportifs auprès d'Ighil Méziane. D'ailleurs, ajoute-t-il, c'est parce que les factures n'étaient pas honorées à temps qu'Ighil a eu un découvert bancaire. Il affirme au sujet de son salaire de 100 000 DA/mois, qu'il le percevait comme toutes les autres personnalités sportives qui travaillaient avec Khalifa, comme par exemple Belloumi ou encore Madjer. Il s'est interrogé si le liquidateur est allé poursuivre, en France, les dirigeants de l'Olympique de Marseille (OM) qui ont pris une somme de 1,8 milliard de francs français, ou encore l'équipe de rugby de Bordeaux. « Pourquoi de tous les présidents de club qui ont bénéficié de sponsors, seulement Ighil Méziane est poursuivi ? Vous savez tous que ces gens sont des lampistes. Est-ce que c'est Ighil qui prenait les sachets de milliards ? Les vrais responsables ont été éloignés de l'instruction. » Le procureur général lui lance : « Videz votre cœur ! » et la présidente lui demande de ne pas interrompre la plaidoirie. L'avocat continue dans sa percée et déclare au magistrat qu'il est là pour vider son cœur. « Le procureur général, fût-il procureur, ne doit en aucun cas être l'instrument de répression judiciaire », dit-il avant que la présidente ne lui fasse remarquer que le représentant du ministère public est libre dans ses demandes. Me Bouabdellah se demande pourquoi « on accepte le ‘'je n'ai pas été intelligent'' d'un ministre, le ‘'j'assume'' de Sidi Saïd et l'ignorance de la loi par certains responsables, alors que les accusés sont poursuivis. Il précise que le tribunal a le droit de demander l'ouverture d'une information judiciaire au parquet si un des témoins déclare avoir commis un fait délictueux. Pour lui, c'est la Banque d'Algérie qui est responsable de cette catastrophe, du fait qu'elle n'a pas réagi. « Des milliards et des milliards sortaient et entraient du pays et personne ne bougeait le doigt. Où sommes-nous ? L'Algérie est en train de marcher sur sa tête », dit-il avant de demander l'acquittement de son client. Me Boulefrad se demande pourquoi Ighil est le seul sportif en détention Me Boulefrad Djamel, plaidant également pour Ighil Méziane et Si Amour Saïd, PDG de l'Endimed, contre lequel le parquet a requis 2 ans, consacre la plus grande partie de son intervention à Ighil Méziane, qui reste pour lui une victime tout autant que les caisses sociales qui ont perdu leurs fonds. Il déclare que même Air Algérie a failli être engloutie par Khalifa Airways, n'étaient l'obstination et le refus de son premier responsable. « Qui sont ces responsables et où sont-ils ? », se demande-t-il. Il s'appuie sur des articles de presse pour révéler des chiffres importants sur les scandales financiers qui ont touché les banques publiques ces dernières années, au point où le ministre des Finances, Benachenhou, avait déclaré que les banques publiques telles qu'elles fonctionnent constituent une menace pour la sécurité publique. L'avocat affirme qu'en 2005, 231 milliards de dinars et 4 millions d'euros ont été détournés de ces établissements. S'il y avait un contrôle, révèle Me Boulefrad, aucun de ces scandales n'aurait lieu. « Durant ce procès, nous avons vu des responsables se renvoyer la balle et, à ce jour, nous ne sommes pas arrivés à lever le voile sur les vrais coupables. Dans cette grande anarchie et de confusion, l'article 119 du code pénal (qui criminalise les affaires économiques) a été abrogé, pour être remplacé par la loi 06-01 sur la lutte contre la corruption, laquelle a adouci les peines. Pourquoi ? Dans quel but et pour le compte de qui cette loi a été faite ? La réaction de l'Etat n'a pas été à la hauteur au moment où les empires financiers se sont multipliés pour défier ce même Etat. » Me Boulefrad déclare que la responsabilité de ce texte incombe aux hommes de loi qui doivent ouvrir le débat sur la question. Il revient à la gestion du dossier de son mandant par la chambre d'accusation, en affirmant que celle-ci l'a laissé sur sa faim. Elle avait, le jour du passage de Ighil Meziane, une cinquantaine de dossiers à examiner, ce qui probablement explique la précipitation. Il lance au tribunal qu'il a entre les mains un cadeau empoisonné. « J'ai vu dans vos yeux que vous n'étiez pas d'accord que des témoins épargnés de l'association de malfaiteurs viennent faire des déclarations ahurissantes au procès. » Il s'attaque avec virulence au procureur général, qui selon lui, fait une fixation sur son client. Il déclare qu'il n'a pas le droit, du point de vue juridique, de demander une peine de 15 ans de réclusion criminelle alors que le maximum de la sanction prévue pour les accusations qui reposent sur lui, est de 10 ans. Il explique que le maximum pour le vol qualifié est de 10 ans, pour association de malfaiteurs 10 ans, et pour l'abus de confiance 3 ans. « Comment donner 15 ans alors ? C'est trop. Nous sommes là pour appliquer la loi, rien que la loi », déclare l'avocat. Le procureur général intervient : « Relisez l'article 759 du code pénal. » L'avocat : « Ne m'interrompez pas ! » La présidente lance au magistrat : « N'intervenez pas ! » et précise à l'avocat que le procureur général « ne donne pas de peine mais la demande ». L'avocat : « Il n'a pas le droit de demander plus que prévoit la loi. » Me Boulefrad estime que si le liquidateur déclare n'être pas encore arrivé aux bénéficiaires des fonds détournés, pourquoi s'empresser d'aller vers le procès. Il aurait fallu, précise-t-il, arriver d'abord à ceux qui ont pris l'argent. C'est une opération très longue, complexe et difficile, qui nécessite la décortication de 30 millions d'opérations bancaires, de 30 containers de documents et de 1000 armoires de pièces et de papiers. Lui aussi demande que soit accordé aux accusés le privilège du ministre des Finances, qui avait déclaré n'avoir pas été intelligent pour comprendre rapidement. Il revient au sponsoring, il se demande comment un responsable du sponsoring, Maâmar Djebbour, qui signe toutes les conventions de sponsors et se fait payer en devises à l'étranger, n'est pas poursuivi, tandis que son client, qui n'a jamais apposé sa signature sur un document, se retrouve en prison. C'est la politique des deux poids, deux mesures. Trouvez-moi une seule convention de sponsoring signée par Ighil Meziane », déclare Me Boulefrad. Il insiste pour expliquer les circonstances de l'élection de Raouraoua à la tête de la FAF, que son client a refusé d'évoquer lors des auditions par le tribunal. Il explique qu'à cette époque, Berchiche, alors ministre de la Jeunesse et des Sports, avait eu vent qu'il y avait un concurrent de Mohamed Raouraoua, il a sorti une carte du fameux match lors des éliminatoires de la coupe d'Afrique. « En 1992, avec l'élimination de l'équipe nationale de la coupe d'Afrique au premier tour, Kermali qui était entraîneur a été suspendu par Leïla Aslaoui, qui lui a dit qu'il était responsable de cet échec. Ighil Meziane a été nommé à sa place. Il a réussi à reprendre le dessus. En 1994, lors des éliminatoires de la coupe d'Afrique, un joueur suspendu a été aligné. Ighil Meziane s'est défendu en affirmant que ce n'était qu'une erreur administrative. Il a été écarté de l'équipe nationale. Lorsque les élections pour la FAF sont arrivées, le groupe adverse lui a tiré cette affaire, il a préféré laisser place à Raouoraoua, auquel il vouait beaucoup de respect. La FAF a signé une convention avec Khalifa, renouvelée une seconde fois. Elle a bénéficié de 7 voitures, d'un bus et des prises en charge pour les différents clubs des deux divisions, est-ce qu'on a poursuivi ceux qui ont été payés ? » L'avocat termine en demandant l'acquittement et la restitution de ses deux biens, un terrain et une villa mis sous séquestre par la justice. Les plaidoiries se sont poursuivies très tard dans la soirée.