Elles sont professeurs du supérieur ou du secondaire, médecins, juristes, vétérinaires, pharmaciennes, jeunes cadres dynamiques du secteur public ou privé ou chefs d'entreprise et ont toutes plus ou moins le même profil : elles font face à une vie professionnelle chargée et à une vie familiale bien remplie. Leur objectif est de trouver des solutions afin de coordonner ces deux responsabilités. Comment, en effet, concilier le four du ménage avec le moulin de l'entreprise quand on est femme cadre aux responsabilités multiples, épouse et mère de famille ? Une guerre où l'on s'use rapidement dans des batailles quotidiennes, mais une guerre que ces intellectuelles ont décidé de gagner en unissant leurs forces au sein d'une association avec un général que toutes reconnaissent en Mme Tlemçani, présidente d'Afac, leur association de femmes cadres. Ces battantes, bardées de diplômes, luttent sur tous les plans. Il faut regrouper les autres associations et participer à la résolution de multiples problèmes qui minent la société. « Tout est économique », dira Mme Baâ, l'une des fondatrices de l'association, « car lorsque la misère persiste, cela engendre beaucoup de tares ». Concrètement, cela consiste à créer des microentreprises pour les femmes, par exemple. Pour ces dames, l'émancipation de la femme passe forcément par son épanouissement sur le plan économique. A Boudjellil, le concret, on ne fait que ça. La quarantaine à peine entamée, Mme Aoudjit est une meneuse de femmes qui est arrivée, à force de persévérance, à créer une dynamique féminine nouvelle dans un village reconnu pour sa léthargie. En 2000, pour cause d'éloignement, cette enseignante du moyen a préféré rester à la maison, plutôt que de rejoindre le nouveau poste auquel on venait de l'affecter. Mais elle n'est pas femme à se cloîtrer dans son foyer. Au lieu de se contenter de mitonner des petits plats pour sa maisonnée, elle s'occupe de rattrapage scolaire, et apprend même à lire à une jeune illettrée de 22 ans. L'association Iqra de Béjaïa qui reçoit sa jeune protégée, au bout de six mois, est tellement ébahie par les progrès faits par la jeune femme qu'elle lui demande d'ouvrir une classe d'alphabétisation. Menant son combat seule plutôt que sous une quelconque chapelle, elle contacte ses amies et ses anciennes collègues et ouvre une classe d'alphabétisation dans l'ancien siège de la mairie de Boudjellil. Autour d'elle, le noyau de sa future association se constitue et s'étoffe. Les demandes affluent. Aujourd'hui, l'association gère une classe de maternelle, une autre de préscolaire, des cours de rattrapage, des cours d'examen, de couture, de coiffure, d'initiation à l'informatique, une formation en pâte chimique, et bientôt une autre en électronique si le problème de local est réglé. L'association gère également, sur les mêmes lieux, un cybercafé mixte de 14 postes, alors qu'une bibliothèque va ouvrir ses portes incessamment. A l'occasion, on visite aussi les vieux et les vieilles de Diar Errahma de Béjaïa, auxquels on apporte des gâteaux et des repas traditionnels ainsi qu'un peu de cette tendresse dont les a privés la vie. Même les vieilles du village sont parfois emmenées au hammam alors que les malades sans assurance sont pris en charge, dans les limites des moyens très modestes de l'association. Assirem, puisque tel est le nom de cette association porteuse d'espérance, fonctionne autour de ce triptyque : formation, éducation et solidarité. Tout le monde au sein de l'association met du cœur à l'ouvrage. Elles ont toutes retroussé leurs manches pour construire leurs locaux. Des locaux complètement délabrés et qui n'ont toujours pas fini d'être rafistolés. Bien entendu, une telle réussite, si elle fait la fierté des femmes du village qui sont nombreuses à se fédérer autour, suscite forcément des jalousies. Il est plus facile de voir Amine Zaoui, directeur de la Bibliothèque nationale, qui leur a donné un coup de main, qu'une quelconque autorité locale. Il a fallu également affronter les mentalités rétrogrades, les rumeurs malveillantes et toute l'adversité que l'on est en droit de supposer dans un milieu conservateur par nature. Heureusement que les bonnes volontés n'ont jamais manqué et ont continuellement pallié les manques d'argent et de moyens. Aujourd'hui, il reste encore à réaliser beaucoup de choses pour les femmes et les enfants. Mme Aoudjit, qui se définit elle-même comme un « TGV qui ne s'arrête pas sur sa lancée », profite de cette tribune pour lancer un appel à l'aide. Toutes les bonnes volontés où qu'elles se trouvent sont les bienvenues. Cela prouve que loin des salons mondains où l'on cultive des propos pompeux sur l'égalité des sexes, il y a des femmes qui activent loin des feux de la rampe et pour lesquelles, c'est chaque jour le 8 mars.