Interdit les 7 et 8 février dernier sous le soleil d'Alger, le séminaire « Pour la vérité, la justice et la conciliation » se tient depuis hier et pour deux jours sous le ciel gris et pluvieux de Bruxelles, en Belgique, avec le soutien, notamment, de la Fédération internationale des ligues des droits de l'homme (FIDH) et la participation de la majorité des ONG algériennes et des proches de victimes de la violence. Bruxelles : De notre envoyé spécial Les objectifs de cette rencontre sont d'abord de concrétiser la fédération des différentes associations de victimes, réfléchir autour de la création d'une commission Vérité en Algérie et ouvrir des voies de dialogue avec les pouvoirs publics. Sous le même toit bombardé par la pluie dominicale, étaient réunis Djazaïrouna, SOS Disparus, Somoud, l'Association nationale des familles de disparus (ANFD), le Comité des familles de disparus en Algérie (CFDA), des représentants de la LADDH, d'associations féministes, des avocats, des experts d'Afrique du Sud, du Chili, du Pérou, du Maroc, de France – empêchés d'assister au séminaire avorté à Alger faute de visa—l'historien Mohamed Harbi et le professeur Madjid Benchikh... « La véritable raison de l'interdiction du séminaire à Alger était que le pouvoir a paniqué en constatant l'union d'associations qui auparavant ne se parlaient même pas », confie une militante d'une association féministe. Mais la charte « en permettant au pouvoir d'imposer la qualité de victime ou d'innocent comme cela l'arrange », pour reprendre un des participants, a changé la donne. La charte pour la paix et la réconciliation nationale a réussi, en effet, à se mettre la majorité des proches de victimes à dos. Les familles de disparus refusent de « marchander » la vérité sur le sort de leurs proches en échange d'indemnités, réclament des enquêtes et exigent au moins des sépultures. « S'ils ont mangé nos enfants, qu'ils nous restituent les os », lâche Fatma Yous de SOS Disparus. Les familles de victimes du terrorisme, elles, réclament un statut pour leurs parents et non pas qu'ils soient noyés dans le magma de « victimes de la tragédie nationale » dans les procès-verbaux prévus par la charte. Les participants dénoncent, autant que la LADDH et les autres ONG, l'impunité dont jouissent désormais les éléments des groupes islamistes armés. « Il y a aujourd'hui alliance des proches de victimes parce qu'en face il y a une alliance du pouvoir et des islamistes », lance l'avocat Adlène Bouchaïb de l'association des proches de kidnappés par les groupes armés, Somoud, dont le père, bâtonnier de Médéa (sud d'Alger) a été enlevé par un groupe armé au début des années 1990. Il évoque ainsi la charte pour la paix et la réconciliation nationale, dont les textes d'application viennent de boucler une année fin février 2007. Cette charte est considérée par le professeur de droit, Madjid Benchikh, comme « une façade qui cache la réalité au lieu de la traiter ». « La charte, comme les Constitutions successives ou la loi sur les hydrocarbures, élaborées en comité restreint et imposées sans dialogue, renseignent sur la constante autoritaire du système politique algérien », indique encore le professeur Benchikh, également ancien président d'Amnesty International en Algérie.