Vous avez participé à Paris, en tant qu'expert algérien, à la conférence mondiale sur le climat, quelles étaient les conclusions du rapport final ? Il a ainsi été constaté une augmentation de la vapeur d'eau atmosphérique depuis l'année 1980 au-dessus de la terre et des océans, bien que l'humidité absolue n'a pas varié. Ce qui induit une augmentation des précipitations dans les régions Nord. Plus bas, c'est la diminution des précipitations et la désertification. Concernant le niveau de la mer et des océans, il a été constaté une élévation de 8 mm par an. L'autre facteur pris en compte est la sécheresse. Un phénomène extrême qui affecte particulièrement l'Afrique. Et c'est justement dans ce continent que les premières sécheresses liées au réchauffement climatique ont débuté et persistent jusqu'à présent avec un assèchement des zones arides et semi-arides et désertiques. La salinité de l'eau de mer a augmenté aussi. Les courants marins, qui conditionnent la machine de l'océan, faiblissent et les courants amènent donc moins de chaleur des régions intertropicales vers le Nord. L'étendue du pergélisol - une zone du sol ou du sous-sol gelée en permanence et complètement imperméable, dans les régions arctiques ou subarctiques - se rétrécie et libère ainsi du CO2 et du méthane, stockés dans le sol, augmentant les gaz à effet de serre d'une façon significative. Il est a été observé une élévation très forte de la température dans les régions boréales. En 30 ans, les hivers d'Alaska ont gagné en moyenne 2 à 3 °C. Les glaciers sont en train de fondre à un rythme sans précèdent. En Afrique, le mont Kenya a fondu complètement, tandis que le mont Kilimandjaro a perdu 90% de sa calotte. Les températures moyennes ont augmenté deux fois plus vite que la moyenne et que celles prévues dans le troisième rapport d'évaluation du Giec en 2001. Les dix dernières années ont été les plus chaudes de tout le siècle. En Algérie, pour les années 1999, 2004, 2005, il a été constaté une augmentation de 1 à 2 degrés par rapport à la normale dans les régions du Nord et des Hauts-Plateaux par rapport à la normale. En octobre et novembre 2006, l'augmentation a été de 3 à 4 degrés par rapport à la moyenne de la période 1961-1990. Ce qui est inquiétant, c'est qu'il ne s'agit pas de variabilité naturelle mais d'augmentation s'étalant sur des années successives. Et chaque année est plus chaude que la précédente. Par ailleurs, il a été constaté une multiplication des phénomènes extrêmes, des cyclones, vagues de chaleur, tempêtes, qui augmenteront en intensité et en nombre. L'Algérie est-elle exposée à ces phénomènes ? Oui, nous connaîtrons des phénomènes du type inondations dans des délais très courts, avec des chutes de pluies très intenses. Des tempêtes le long des ports, comme celle qu'a connue Alger, il y a deux ans. Les régions du littoral seront les plus exposées, selon moi, mais il faudrait réaliser une étude plus approfondie pour donner des éclairages sur les secteurs concernés. Je reviens aux observations prises en compte, je cite aussi les données paléoclimatologiques. Le projet Epica 2004, un projet européen sur l'Antarctique, a mis en évidence la rapidité du réchauffement climatique actuel. L'étude avait porté sur l'examen des 740 000 dernières années du climat réalisé pour la première fois grâce aux forages au fond de l'Antarctique. Depuis la révolution industrielle, la concentration du Co2 est passée de 280 à 380 ppm (partie par molécule) et le Méthane de 650 à 1750 ppb. Ce qui est considérable. Il apparaît ainsi que les GES (gaz à effet de serre), dus aux activités de l'homme, ont augmenté d'une manière significative depuis l'année 1900, avec une accélération rapide depuis les 50 dernières années. La communauté scientifique qui retient la fourchette d'augmentation de la température de 1,8 à 4 °C donnée par les modèles climatiques d'ici la fin du XXIe siècle a conclu à l'influence humaine et à la responsabilité de l'homme dans le réchauffement climatique. Le rapport de ce groupe interpelle les politiques sur les menaces sérieuses qui pèsent sur la planète, si rien n'est fait pour limiter les émissions des GES. Des émissions qu'il faudrait réduire de plus d'un tiers. En marge de la conférence de Paris, plus de 100 pays ont signé le texte du rapport final, dont les délégués des USA, la Russie, la Chine, le Brésil et l'Arabie Saoudite. Comment le phénomène du réchauffement climatique se présente-t-il chez nous, quelles étaient vos observations ? Les résultats du 4e rapport du Giec confortent les études faites par le ministère de l'Environnement. L'augmentation des émissions des GES bouleverse le climat, la biosphère et le milieu marin avec ses impacts négatifs sur l'Algérie. L'analyse des séries climatologiques et pluviométriques montre les résultats suivants. D'abord sur l'évolution de la température. L'examen de celle-ci pour les périodes 1931-1960 et 1960-1990 met en évidence une hausse de température moyenne du pays au cours des saisons d'hiver et d'automne et une hausse nette des températures minimales sur l'ensemble des stations de l'Algérie du Nord depuis la décennie 1970 et se prolongeant jusqu'à présent. Durant ces 20 dernières années, les températures maximales moyennes mensuelles ont augmenté plus que les minimales. Cette augmentation est de 2° C environ. Pour ce qui est de l'examen des précipitations pour les mêmes périodes, elles montrent qu'en automne et en hiver, il y a diminution des pluies sur le Nord et qu'au printemps, la pluviométrie est plus importante à l'ouest, au centre et au sud du pays et qu'il y a diminution à l'Est. L'étude montre aussi une baisse de 50% des précipitations nivales. Durant ces 20 dernières années, les précipitations ont chuté d'environs 10%, entraînant un dérèglement du calendrier agricole. Cela s'ajoute aux effets de la variabilité naturelle du climat qui peuvent atteindre certaines années une diminution de 50% de pluie. Tenons compte de l'ensemble de ces considérations, l'Algérie est menacée à l'horizon 2025 et au-delà d'une pénurie d'eau douce, d'autant plus qu'à cet horizon la population sera de 45 millions d'habitants.