Le trou de la couche d'ozone ralentit l'absorption du CO2 atmosphérique, la fonte des glaciers entraîne la montée irréversible du niveau de la mer, le climat se déchaîne et ébranle d'ores et déjà la stabilité politique et la sécurité des pays les plus pauvres. Holistique, la climatologie implique autant la terre et n'épargnera pas les hommes. La rencontre de Copenhague, c'est dans deux mois. Faut-il en attendre un miracle ? En attendant qu'asperatus, une immense mer cotonneuse et ondoyante, selon les météorologues, vienne s'ajouter au bestiaire des nuages, reconsidérons pour l'heure la troisième conférence mondiale sur la météo tenue récemment à Genève dont la problématique générale a tourné autour de l'amélioration des modèles de prévision du climat. Faut-il avoir foi en la bonne volonté affichée par les participants lors de cette rencontre ? Quel intérêt pour l'Algérie ? M. Boucherf, directeur du service climat à l'Office national de la météorologie, était à Genève. Il nous apprend aujourd'hui davantage sur les enjeux de cette rencontre qui interpelle les Etats sans exclusive et nous en explique l'intérêt, celui de l'Algérie d'abord. Car “le climat peut être source de risques, mais aussi ouvrir des perspectives”, souligne notre interlocuteur. Faut-il encore savoir que la CMC-3 (troisième conférence mondiale sur le climat) a tourné autour de l'élaboration de produits et services climatologiques tenant compte des besoins spécifiques des populations auxquelles ils s'adressent. Par ailleurs, explique-t-il, “pour améliorer la surveillance et la prévision du climat et mettre au point des stratégies adaptées, il est primordial que les pays collaborent”. Nonobstant le fait que bons nombre de cataclysmes (sécheresses, inondations, vagues de froid et de chaleur) soit d'origine climatique, le système climatique de la planète qui redistribue la chaleur, l'énergie et les autres constituants atmosphériques et océaniques est “un et indivisible”. D'où, une fois de plus, l'intérêt d'une collaboration internationale en vue d'améliorer les services d'information et de prévisions climatologiques, mais également de parfaire la surveillance de ce système devant être à même de détecter à temps ces phénomènes dangereux qui se jouent des frontières, argue notre interlocuteur. L'autre but de la rencontre de Genève est la mise en application effective du Plan d'action de Bali relatif à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques. Autre fait nouveau : les participants se sont particulièrement appuyés sur les progrès de la connaissance et de la prévision climatique pour chercher à améliorer le bien-être des populations. Il ne faut pas l'occulter, en effet : les changements climatiques sont susceptibles de provoquer des changements géopolitiques de grande ampleur. “Ils affecteront de plus en plus les décisions de tous les pays en matière de politique étrangère”, ajoute le climatologue. Pour faire face aux millions de réfugiés du climat, à l'épuisement irréversible des ressources que les cataclysmes et autres phénomènes engendreront, pour parer à la famine, à la sécheresse et aux maladies liées au climat, c'est plus qu'une stratégie internationale qu'il faudra. C'est à juste titre que le thème général de la conférence de Genève s'est axé autour de “La prévision et l'information climatologiques au service de la prise de décisions”. L'usage judicieux de l'information climatique, la prise en compte des prévisions à l'échelle pluridécennale, l'appui et la référence des gouvernements sur les rapports d'évaluation du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec) dépassent l'échelle des recommandations, martèlent les climatologues. Les séances parallèles ont eu lieu en marge de la rencontre en vue précisément de mieux recentrer les intérêts des secteurs contribuant à un développement socioéconomique durable (l'agriculture, la sécurité alimentaire, l'énergie, l'eau, la santé, la gestion des catastrophes et le tourisme, les transports). Interrogé quant aux répercussions matérielles de la CMC-3 sur l'Algérie, M. Boucherf nous a expliqué, une fois de plus, que l'Algérie est particulièrement vulnérable à la variabilité climatique inter et intra-annuelle. “Notre pays est très sensible à une variété de processus physique, chimique et biologique de dégradation.” “Et le changement climatique, ajoute-t-il, peut accentuer les problèmes existants d'érosion, de salinité des sols, de dégradation des terres, de perte de la biodiversité, de rareté de l'eau, etc.” Plus encore, les préoccupations des scientifiques sont liées à une augmentation de la fréquence et de l'intensification des conditions plus sèches pouvant être accompagnées d'une expansion vers le nord de la désertification. Les répercussions économiques de ces changements et leur potentialité de désorganisation seraient sans appel. Pour étayer ses dires, M. Boucherf rappelle qu'en plus de sa vulnérabilité à la variabilité climatique, l'Algérie est en proie aux changements climatiques dont les effets se font de plus en plus ressentir ces dernières années : la sécheresse observée au début des années 90 ayant eu pour conséquences les mauvaises récoltes, la vague de chaleur de l'été 2003 (événement météorologique exceptionnel par sa durée : 4 semaines), la vague de froid du mois de janvier 2005 (chutes de neige sur le littoral et même sur les dunes de Béchar et d'In Amenas), les inondations de novembre 2001 et celles d'octobre et de novembre 2008 à Ghardaïa et sur les Hauts-Plateaux. La récurrence de phénomènes climatiques et leur survenue à intervalles réduits font dire aux climatologues qu'il est aujourd'hui incontournable de renforcer et de développer les systèmes d'observation et d'accéder à un niveau élevé de modélisation du climat régional et de renforcer les liens avec les secteurs utilisateurs. Le sommet de Copenhague, prévu dans deux mois, est qualifié à juste titre de défi diplomatique. Car il faudra rallier par les faits et non plus par des discours creux les pays de l'OCDE, les pays émergents et ceux du tiers-monde. Et si le réchauffement planétaire sape déjà les efforts de développement des pays les plus pauvres, les pays émergents ne semblent hélas pas faire cas de ces risques réels qui affectent la planète dans sa globalité. En effet, les dernières statistiques (2008) de la British Petroleum ont révélé que “ces pays sont devenus les plus énergétivores, dépassant de loin celles de l'OCDE qui réunit les 30 pays les plus riches”, dit le rapport. Ces nations — sont citées la chine (qui enregistre une augmentation de 7%), l'Inde et le Brésil — ont été responsables de 51,2% de la consommation mondiale en pétrole, charbon, gaz naturel, hydro-électricité nucléaire, etc. en 2008. Ces énergies polluantes constituent une véritable menace pour l'environnement. Accablant, ce rapport donne d'ores et déjà un aperçu peu prometteur sur la prochaine rencontre sur le climat. Nahla Rif