La convention sur la diversité biologique des Nations unies s'attache depuis des années à alerter les parties concernées sur les dangers qui planent. Bonn (Allemagne). De notre envoyé spécial La perte de diversité biologique et les changements climatiques constituent les faits marquants de ces dernières décennies. Le climat qui se détériore et se détraque a un effet dévastateur sur la diversité des espèces. Le péril est imminent, nous dit-on. La convention sur la diversité biologique des Nations unies s'attache depuis des années à alerter les parties concernées sur les dangers qui planent. Elle est encore sur la brèche à Bonn où les questions de vie et de subsistance sur Terre sont débattues depuis quelques jours. Pratiquement tous les gouvernements du monde sont présents afin de négocier, en espérant pouvoir s'engager dans des actions décisives envers la vie tant des humains que d'autres espèces sur Terre. Déjà les spécialistes tirent la sonnette d'alarme et préviennent : « D'ici à 2010, nous pouvons nous attendre de voir s'accélérer les perturbations liées aux changements climatiques ainsi qu'une augmentation des taux de perte de biodiversité et non le contraire tant désiré. » Une allusion à peine voilée en direction des deux premiers pays pollueurs de la planète, les Etats-Unis et la Chine, qui ne semblent pas prêter une oreille attentive aux doléances de la communauté internationale. Pour le Dr Ahmed Djoghlaf, secrétaire exécutif de la convention onusienne et maître de cérémonie, le constat est sans appel. « Au cours des dernières décennies, les êtres humains ont modifié les écosystèmes mondiaux à un rythme plus rapide et sur une plus vaste étendue que dans n'importe quelle période de temps comparable de l'histoire de l'humanité donnant lieu à un appauvrissement constant de la diversité biologique sans précédent. » Un constat effrayant L'ancien cadre des affaires étrangères, aujourd'hui haut fonctionnaire de l'ONU, travaille sur le sujet depuis des années. Il est arrivé à la conclusion que « les écosystèmes, à l'exemple des forêts tropicales et des zones humides, ont d'ores et déjà diminué de façon spectaculaire et dramatique, ou deviennent de plus en plus fragmentés avec des effets désastreux pour la diversité biologique ». Le constat alarmant fait froid dans le dos. Selon l'expert algérien, « le rythme d'extinction des espèces est 1000 fois supérieur aux taux typiques historiques ». D'éminents scientifiques parlent de sixième vague d'extinction vécue par la Terre au cours de son histoire. C'est pourquoi les centaines d'écolos venus à Bonn attendent du concret. L'objectif visé est de parvenir d'ici à 2010 à une réduction notable du rythme actuel d'appauvrissement de la diversité biologique aux niveaux mondial, régional et national. « Atteindre cet objectif est ambitieux, mais capital pour la diversité biologique comme contribution à la réduction de la pauvreté et pour le plus grand bénéfice de toute forme de vie sur Terre. » A Bonn, parée de couleurs vertes, la société civile est venue en force apporter l'expertise et les voix de ceux qui ne sont pas toujours représentés aux conférences gouvernementales. Les mises en garde Des indiens incas du Pérou, venus avec leur accoutrement traditionnel, aux fermiers de Malaisie, en passant par les chasseurs d'Amazonie, les pêcheurs d'Oman ou les agriculteurs du Nigeria, la palette est large et colorée. Ceux-là et bien d'autres sont ici pour témoigner avec des histoires à raconter sur la dévastation écologique, l'escroquerie des grandes multinationales, les politiques gouvernementales mal pensées et le déclin en spirale d'une bonne partie de la biodiversité biologique et culturale. Des centaines de regroupements de la société civile provenant de tout l'hémisphère sud et nord sont là non seulement pour témoigner, mais aussi pour mettre en garde les grands décideurs peu enclins à trouver des solutions justes et équitables. Les sujets phares discutés en ateliers donnent un aperçu des déficits enregistrés. « La faim et la biodiversité agricole » avec comme credo la souveraineté alimentaire en tant que préoccupation centrale. « La mauvaise énergie de l'agrocarburant ». L'appel est lancé pour mettre fin au saccage et procéder à un contrôle des marchés des denrées pour les aliments, le fourrage et les agroaliments. « La diversité biologique de la forêt » qui est en train d'être détruite à un rythme effarant. « Les arbres génétiquement modifiés » qui font peser une menace sans précédent sur la globalité des écosystèmes forestiers. « Les solutions technologiques dommageables pour le climat » préconisées par les multinationales qui veulent ensemencer les océans avec du fer. « L'appropriation du vivant », les gènes, les semences, les organismes et le savoir dont les pauvres de ce monde dépendent sont en train d'être volés, privatisés et fréquemment brevetés. « Les aires protégées » ne le sont plus en fait. Dans ce chapitre, le bilan est loin d'être idyllique ! La conclusion est sans équivoque : jusqu'à maintenant, la protection des écosystèmes tant marins que terrestres n'a pas été réalisée. Du pain sur la planche en somme pour ceux qui n'ont jamais cessé de prévenir, mais qui risquent encore une fois de se heurter à la puissance de feu de ceux qui détiennent les leviers de l'économie mondiale et dont la préservation de la nature est le moindre des soucis. Si M. Djoghlaf s'affaire avec le sentiment du devoir accompli, avec la prouesse d'avoir réussi ce rassemblement planétaire, Meghar Hocine, ambassadeur d'Algérie à Bonn, n'a pas manqué de son côté de marquer symboliquement cet événement. En plantant un arbre dans l'une des places publiques de la ville. Un geste hautement apprécié !