L'Algérie n'a pas vraiment une présence diplomatique à proprement parler en dehors des plaidoiries du président de la République sur les tribunes et autres forums internationaux. L'Algérie doit-elle réorienter ou carrément redéfinir sa stratégie diplomatique à la lumière des nouveaux enjeux économiques et géostratégiques ? La réponse à une telle question suppose d'abord qu'un état des lieux soit établi. La voix de l'Algérie de 2007 porte-t-elle aussi loin, au-delà de nos frontières ? Est-elle suffisamment relayée par nos chancelleries, mais surtout par nos partenaires ? Si par une overdose de narcissisme politique, les voix officielles sortent invariablement le joker du « retour de l'Algérie dans le concert des nations », cette incantation ne saurait masquer un manque de punch de la diplomatie algérienne. Ayant été un brillant diplomate, le président de la République — comme un retour du refoulé — a cru bon de garder les leviers de commandes dans ce secteur stratégique. En bon voyageur, Bouteflika aura sillonné le monde pour porter la voix de l'Algérie et casser l'embargo de 10 années de terrorisme. Ce fut sans doute utile, mais pas suffisant. Les diplomates chargés de relayer et de consolider cette option et à leur tête le ministre des Affaires étrangères n'ont pas vraiment brillé. Le président pense certainement que la diplomatie est une affaire trop sérieuse pour la laisser aux cadres qu'il a pourtant lui-même choisis. Le fait est que Bouteflika incarne la diplomatie algérienne. Il l'a façonnée à son image au point que les ministres qui se sont succédé à la chancellerie et les ambassadeurs algériens à l'étranger ne prennent plus d'initiatives aussi longtemps qu'ils n'ont pas été instruits d'Alger. Et ce n'est sûrement pas faute de compétence. Il est significatif de noter que nos représentants dans les différents pays au monde ne font acte d'existence qu'à l'occasion d'un voyage du président. L'agence officielle de presse se chargeant alors d'accompagner ce soudain activisme diplomatique par des « round-up » politique et économique. Il est en revanche rare d'entendre parler d'un séminaire organisé par la chancellerie algérienne à Pékin, à Rio ou à Jakarta sur les opportunités d'investissements offertes chez nous. Ce constat vaut également pour nos ambassades basées dans notre entourage immédiat au Maghreb et en Afrique. Résultat ? L'Algérie n'a pas vraiment une présence diplomatique à proprement parler en dehors des plaidoiries du président de la République sur les tribunes et autres forums internationaux. Et encore… Le verbe haut et le geste ample qui faisaient recette durant les années 1970 ne semblent plus convaincre grand monde à l'heure de l'enchevêtrement des intérêts, mais surtout de la fin des idéologies. Incantations Quand on observe la perte de l'influence sur des pays africains considérés il y a quelques années seulement quasiment comme des « départements algériens » tant l'osmose était totale, on mesure mieux les contrecoups d'une action diplomatique laissée en jachère. Pourtant, l'Algérie de 2007 possède tous les atouts pour rebondir. Pour charmer et convaincre. Le pétrole, le gaz et les milliards de dollars constituent à ce titre des instruments diplomatiques autrement plus efficaces que des kilomètres de discours, fussent-ils du président de la République. Quand un Gabonais, un Ivoirien ou un Capverdien doit transiter par Casablanca pour venir en Algérie, il réfléchira sans doute deux fois avant de se décider. L'Algérie a-t-elle donc une politique africaine ? Pour s'être résolue à regarder vers le Nord, la diplomatie algérienne a tourné le dos à l'Afrique, ce continent qui fait tourner la tête aux Chinois, aux Brésiliens, aux Coréens et bien sûr aux Japonais, aux Français et aux Américains. Pendant ce temps, le Maroc qui n'a pourtant rien à offrir se fait lentement une place au soleil. Et certains Etats africains, comme le Sénégal, le lui rendent bien sous forme d'un soutien sans réserve à la « marocanité » du Sahara. Le royaume semble avoir compris que la diplomatie est plus percutante quand elle n'est pas enfermée dans les salons et pas encombrée par le protocole. La nature ayant horreur du vide, nos voisins ont utilement investi les espaces vitaux en Afrique que l'Algérie a abandonnés, alors qu'ils n'ont pas de voix au chapitre, ni à l'Union africaine ni au Nepad. La désaffection de nombreux chefs d'Etat du continent au dernier sommet d'Alger est au demeurant un indice probant que la diplomatie, la vraie est à chercher ailleurs que dans les salons capitonnés. Au niveau arabe, force est de constater que l'Algérie est pratiquement hors-jeu. Le triumvirat formé par les deux rois d'Arabie Saoudite et de la Jordanie ainsi que le « raïs » Hosni Moubarak, monopolise toutes les initiatives sur les questions du Proche et du Moyen-Orient. Que dire alors des relations entre l'Algérie et l'Union européenne ou encore avec l'OTAN ? C'est tout juste si on est considéré comme un bouclier contre l'immigration clandestine et « un partenaire stratégique » dans la lutte contre le terrorisme. Cela semble apparemment suffire pour titiller notre ego…