La mission des experts algériens chargés de gérer le dossier des deux diplomates algériens avant que la nouvelle de leur exécution ne tombât brutalement hier en début d'après-midi était-elle dès le départ une mission impossible ? Ou serait-il plus juste de parler de l'échec de la diplomatie algérienne devant le dénouement tragique qu'a connu cette affaire ? Dès la revendication par Al Qaîda de l'enlèvement de nos diplomates, les experts au fait des réalités de cette organisation ne donnaient pas cher de la vie de nos diplomates. Et les choses se sont encore davantage corsées pour la diplomatie algérienne lorsque le Gspc a mis son grain de sable en félicitant Al Qaîda pour l'enlèvement des diplomates algériens et en chargeant ces derniers de chefs d'inculpation qui ne leur laissaient aucune chance de s'en sortir. Pour les esprits pragmatiques et rationnels, la cause de la libération de nos diplomates était donc perdue à l'avance. Mais il fallait tout tenter et croire au miracle qui n'aura - hélas ! - pas eu lieu. Mais les conditions difficiles dans lesquelles les experts algériens ont eu à travailler pour exploiter la moindre piste pouvant conduire à la libération de nos diplomates dans un délai qui leur est compté, surtout après le communiqué des ravisseurs annonçant leur condamnation à mort, exonèrent-elles pour autant la diplomatie algérienne de certains hiatus, pour ne pas parler d'erreurs d'appréciation stratégiques dans la gestion politique et diplomatique de ce dossier ? Si on pouvait comprendre la prudence des autorités algériennes qui n'ont pas fait assaut de déclarations pour préserver la vie de nos diplomates et ne pas ajouter de l'huile sur le feu, on comprend moins, en revanche, le profil bas relevé par de nombreux observateurs face aux ravisseurs. Les autorités algériennes ont privilégié en effet, dans la gestion de ce dossier, le traitement diplomatique, alors que les réalités du terrain dominées par le chaos et un décor de théâtre d'ombres, où il est difficile de discerner les amis des ennemis, commandaient peut-être une autre démarche. Face à un mouvement radical et déterminé comme Al Qaîda qui situe son combat sur le terrain idéologique, les explications données par les responsables algériens, hommes politiques, chefs de partis et jusqu'au ministre des Affaires étrangères en focalisant le débat sur la présence « symbolique » de l'Algérie en Irak pour convaincre indirectement les ravisseurs que l'Algérie ne cautionne pas aveuglément le régime en place et ne lui donne pas un chèque en blanc, ces explications, donc, n'avaient aucune chance d'être entendues. S'en est suivie toute une litanie de déclarations officielles et partisanes sur le même ton et le même mode qui se voulaient autant de complaintes et d'interrogations sur ce qui est arrivé à notre pays et qui ne devait pas arriver selon les rares responsables qui se sont exprimés sur cette affaire. La situation confinait carrément au mur de lamentations : « L'Algérie ne méritait pas ça » ; « cela dépasse tout entendement », dixit Mohamed Bedjaoui ; « l'Algérie a pourtant dénoncé l'invasion de l'Irak et défendu le respect de sa souveraineté ». Et de rappeler l'aide apportée par l'Algérie pendant et après la guerre contre l'Irak. La boucle de la séduction sera bouclée avec la fermeture de l'ambassade d'Algérie à Baghdad et le rapatriement du dernier diplomate en poste sans que cette revendication ait été formulée par les ravisseurs après le rapt des deux diplomates algériens. Même si la décision est motivée par des raisons sécuritaires, le fait qu'elle intervienne en ce moment, au lendemain de l'enlèvement, ne manquera pas d'être interprété comme une concession politique de l'Etat algérien aux ravisseurs. Toutes ces déclarations et décisions qui engagent l'Etat algérien montrent bien que si pour la diplomatie algérienne la partie était perdue à l'avance, compte tenu de l'enjeu du dossier et du terrain miné sur lequel elle avait évolué, les autorités politiques algériennes ont péché par manque de lucidité politique, pour ne pas parler de cafouillage, en pensant naïvement toucher le cœur et la raison d'une organisation qui ne comprend pas le langage des diplomates, mais qui fonctionne avec une autre logique et d'autres référents, comme le confirme le communiqué rendu public hier après l'annonce de l'exécution des deux diplomates par les ravisseurs. La fermeté du communiqué rendu public hier par la présidence de la République lève publiquement le voile sur la nature terroriste de l'organisation d'Al Zarqaoui. Va-t-on assister à une clarification de la position algérienne par rapport à la résistance irakienne pour séparer ceux qui réellement luttent pour recouvrer la souveraineté de l'Irak de ceux qui prennent prétexte de l'occupation du pays pour poursuivre d'autres desseins : l'édification de « la oumma islamique par le djihad » ? Et y aura-t-il également une remise en ordre interne en Algérie qui se traduira par une qualification sans équivoque du terrorisme et une meilleure appréciation des enjeux du projet d'amnistie ?