Ils étaient plus de 1000 personnes ce 28 mars. Une heure avant le début du spectacle, la cour de la maison de la culture Mouloud Mammeri est déjà noire de monde. Des jeunes, des vieux mais surtout des femmes. A chaque passage, Farid Ferragui draine les foules. 15h15, lever de rideau. Saïd Boudiaf, un chanteur en herbe ouvre le bal. La salle est pleine. Même les travées sont occupées. Les minutes s'égrènent. Le public piaffe d'impatience pour son idole. « Farid, Farid ! », scandent en chœur des spectateurs déchaînés. C'est à sa fille Lynda, 8 ans, qu'échoit l'honneur d'annoncer son entrée sur scène. Armé de son instrument fétiche, le luth, l'hôte de Tizi Ouzou fait son apparition dans une salle en délire. « Je ne pense pas qu'on puisse se séparer. Il y a un véritable amour entre nous. Un homme politique sans la population derrière lui ne gravira aucun échelon. L'artiste aussi », lance-t-il de prime à bord. « Akdhim,akdhim » (anciennes chansons), réclament déjà des voix du fond de la salle. Journaliste de formation, Ferragui hésite un moment, puis choisit le « meilleur angle d'attaque ». Il entame avec tafsut n'Massinissa, (Le printemps de Massinissa), un hommage appuyé à Guermah Massinissa, première victime des événements de Kabylie. S'en suit tabrat (la lettre), un autre chef-d'œuvre qui l'a propulsé au firmament. De l'amour platonique, il bifurque vers le politique pour pleurer la mort absurde de Abane, Krim, Boudiaf et Matoub dans ouratruth felli. Chaque chanson est saluée par une salve d'applaudissements. Envoûté par la voix du maître, le public demande plus d'enivrement. Farid acquiesce avec un inlassable sourire. Magistralement, il revisite le « best of » de son riche répertoire entamé il y a 27 ans. Soudain, il éclate en sanglots : « C'est la première fois que ma mère vient me voir chanter. Avant, tout était tabou », confesse l'artiste face à son public, la gorge nouée. D'un geste machinal, il saute de la scène pour aller l'embrasser. Emue, la salle ovationne. Ferragui réplique en entonnant ougadegh ayemma (j'ai peur, ô mère).Touché par le propos, un jeune tout en larmes monte sur les planches pour l'enlacer. Deuxième tranche du spectacle. Place aux chansons d'amour et à la communion. Silence. On écoute religieusement. Usant presque du style de Farid El Atrach, l'indétrônable icône orientale de la chanson sentimentale, Ferragui subjugue. La voix est envoûtante, la poésie est « nucléaire ». Il a tout pour séduire. Il n'en fallait pas plus pour déclencher une avalanche lacrymale dans la salle. Sexe « fort » y compris. L'enfant de Taka (Tizi Ouzou) compatit merveilleusement aux peines et à la « cause » d'une jeunesse assoiffée d'amour. De vie tout simplement. C'est le mur des lamentations des tourtereaux. Rencontré dans sa loge à la fin du récital, Farid Ferragui se dit ravi par l'accueil qui lui a été réservé par le public. « C'était un gala réussi. Je suis satisfait à tous les niveaux. La sonorisation était impeccable. J'ai chanté de bon cœur. C'est un public sage comme d'habitude. C'était émouvant. J'ai vécu un moment extraordinaire. Une osmose sur scène. Des moments que je n'oublierai jamais. » Dehors, des dizaines de fans guettaient sa sortie pour des autographes et des photos souvenirs.