La salle est déjà archicomble une heure avant le début du spectacle. Il est 14 heures. La grande salle de la Maison de la culture Mouloud-Mammeri s'apprête à abriter le premier des deux concerts que compte donner Farid Ferragui. Dans la loge, l'artiste accorde inlassablement son luth. «C'est un instrument très difficile. Normalement, il est destiné aux orchestres», nous confie-t-il, en proie à un stress visible mais gérable. Il ajoute: «C'est toujours une lourde responsabilité de se retrouver devant son public.» Les agents de sécurité ont du mal à empêcher les fans de Farid de pénétrer dans sa loge. Tout le monde veut l'approcher. «Il faudrait attendre la fin du spectacle», tentent d'expliquer les agents. Mais certains fans ne veulent pas quitter les lieux avant d'avoir salué leur idole. «Je veux juste le saluer», insiste un quadragénaire, accompagné de son petit fils. Le chanteur Belkheir Mohand Akli fait irruption dans la loge et échange quelques propos avec Farid, au sujet de souvenirs communs partagés au bon vieux temps. Dans la salle, les spectateurs affluent et s'entassent tant bien que mal. Les derniers arrivants n'ont pas trop de choix, ou bien suivre le spectacle debout ou bien s'asseoir à même le sol. Après l'annonce du spectacle par l'animateur Hamid Rebaïne, c'est au tour du poète Slimane Belharet de lire un poème en hommage à Farid Ferragui. Lynda, la fille de Farid, âgée de onze ans, vêtue d'une robe kabyle, d'une fouta et parée de bijoux d'argent fait son entrée sur scène. C'est la surprise du jour. En animatrice précoce et douée, elle fait les présentations de son père. La salle explose quand Farid Ferragui fait enfin son apparition. Malgré une grande expérience, Farid Ferragui est pris par le trac et il ne le cache pas. «J'ai le trac», avoue-t-il en direction du public qui l'encourage avec des acclamations et des youyous. Soudain, le silence s'empare de la salle, laissant place au luth et à la voix veloutée de Farid Ferragui. La première chanson interprétée est un message d'amour à son public resté fidèle malgré le poids des années et en dépit de l'éloignement. Farid Ferragui chante que, grâce à son public et à sa constance, il se sent toujours jeune. Teramiyid gher temzi (Vous m'avez rajeuni) est le titre de ce premier titre. Il est suivi par une interminable série de chansons d'amour. Contrairement à ses spectacles précédents, Farid Ferragui n'a pratiquement interprété que des chansons d'amour. Maradezi tafsut (Quand le printemps reviendra), est le premier titre offert à un public sensible et méditatif. Puis viennent les autres chefs-d'oeuvre de Farid: Agouni n tayri, Ayid, Khas laâqliw, Tin di yirhan, Akmedjegh, Takhatemt et la liste est encore longue. Durant l'entracte, la loge est envahie une fois de plus par les admirateurs de Farid Ferragui. Parmi les présents, on pouvait distinguer l'écrivain prolifique, Younès Adli en compagnie de son épouse, le militant de la cause berbère, Mohand Loukad, des députés mais surtout des jeunes enfants du peuple ravagés par les feux de l'amour et d'autres rescapés des liaisons dangereuses. Encore une fois, il a été difficile aux agents de sécurité de contenir la foule. La deuxième partie s'est déroulée dans la même ambiance. Farid Ferragui avait du mal à s'arrêter tant l'émotion dans la salle était à son comble. «C'est le meilleur spectacle de toute ma vie», s'est exprimé à chaud Farid Ferragui quelques minutes après la fin du gala. Des centaines de fans ont retenu l'artiste jusqu'à une heure tardive de la nuit. Les séances de photos ajoutées aux échanges d'amabilités ont fait de ce rendez-vous artistique une véritable fête familiale. Et rendez-vous fut pris pour le lendemain (hier Ndlr) pour d'autres rêves, pour d'autres larmes et d'autres moments suaves.