Dans les deux cafés maures de Rahmania, la discussion tourne inlassablement autour de cette maudite clôture entourant le village qui interdit toute velléité d'extension urbaine. Ici, dans cette modeste localité perchée sur les collines du Sahel algérois, il est pratiquement impossible de construire, du fait de l'inexistence de terrains à bâtir. Toutes les terres alentour, y compris les exploitations agricoles, sont la propriété de l'ANSA, l'agence chargée de la création de la nouvelle ville de Sidi Abdallah. Sur ces terrains immenses qui enserrent Rahmania, l'ANSA prévoit l'édification d'un ensemble de structures économiques, d'industries et d'équipements mais point de logements. Si Hamdane, un vieux militant du FLN, installé à Rahmania depuis l'indépendance, nous dit qu'à terme, « non seulement, il n'y aura plus de nouvelles gens qui vont s'installer chez nous, mais même les natifs devront penser à s'installer ailleurs ». « S'ils le peuvent », réplique un enseignant qui dit attendre vainement la livraison d'un logement social participatif auquel il a souscrit en 2001. Si Amar, appelons-le ainsi, n'est pas le seul dans ce cas. 49 autres citoyens de Rahmania sont concernés par le projet de logements LSP initié par la commune et dont la réalisation est confiée à l'ANSA. Si Amar nous précise que le chantier a démarré à la fin du mois de décembre 2004... pour s'arrêter brusquement en juillet 2005. « Et il n'est pas certain qu'il va redémarrer », explique un élu, précisant que le projet bute sur un problème d'acte de propriété. « L'ANSA, ajoute-t-il, a préféré construire sur les terres d'une exploitation agricole au lieu de le faire sur ses propres terrains. » Aujourd'hui, le blocage est total et les souscripteurs, tous de condition modeste, ne savent plus à quel saint se vouer, car toutes leurs doléances ont buté sur l'incompréhension des autorités. Toutefois, ils prévoient d'organiser un sit-in devant le siège de la wilaya d'Alger « si, d'ici-là, le projet ne redémarre pas ». Pour d'autres élus, des solutions existent pour le développement du village. Le P/APC aurait proposé de raser la cité de recasement construite du temps de la SAS, en 1958, dans laquelle vivent dans la promiscuité près de 250 familles. « C'est une question d'honneur », nous dit le premier magistrat de la commune, ajoutant qu'il est impensable que ce genre de constructions puisse encore exister. « Le terrain que l'on dégagera peut accueillir plusieurs blocs de 3 à 4 niveaux ; soit plusieurs dizaines de logements qui permettront aux occupants de profiter des bienfaits du progrès ». Mais pour raser ces affreuses bâtisses, il faut reloger leurs occupants. Difficile dilemme qui ne peut être résolu dans l'immédiat, à moins d'opter provisoirement pour des chalets préfabriqués... Des poches urbaines peuvent également être récupérées, en particulier à la sortie nord du village, sur la route de Souidania où il existe un espace non exploité et susceptible d'être urbanisé. Un jeune responsable local nous fait savoir, en outre, que plusieurs terrains communaux sont accaparés de façon illicite par quelques individus. « Mais les élus préfèrent fermer les yeux sur les squatters, car tout le monde ici, à Rahmania, est plus ou moins parent », révèle-t-il. Des réponses urgentes doivent être apportées à cette question qui taraude les élus, car la demande en logements ne cesse d'augmenter.« Il nous faut en plus répondre aux besoins sociaux éducatifs et de loisirs de la jeunesse », nous dit-on à l'APC. C'est un jeune cadre natif de Rahmania qui nous souffle la solution : selon lui, il est indispensable de développer les agglomérations secondaires où les terrains, semble-t-il, ne font pas défaut.