Les matadors y défiaient les torros les plus braves dans des corridas épiques que certains vieux Oranais gardent encore vivaces dans leur mémoire. Les avis des historiens, aussi bien algériens que français, divergent quand il s'agit de définir la date de construction de ce joyau, qui nécessite aujourd'hui une grande opération de réhabilitation. Dans son numéro 54, parue en 1954, la revue La vie de la municipalité indique que les arènes d'Oran ont été érigées entre 1910 et 1911. Des sources bibliographiques algériennes, par contre, révèlent que cet édifice a vu le jour en 1881, alors que Houari Chaïla, l'auteur du livre Oran, mémoire d'une ville, situe la construction des arènes d'Oran à l'année 1906. L'espace accueillait des foules bigarrées qui lançaient des retentissants « olé et viva » au rythme des pas tantôt hésitants, tantôt trépidants des picadors ou du toréador maniant à merveille la muleta ocre, avant de donner le coup de grâce au « torro », aux évents grands ouverts, reniflant son impuissance dans une bataille perdue malgré ses coups de cornes acérées et ses ruades désordonnées. Des matadors venus des quatre coins du monde s'y sont produits. Le plus doué était incontestablement Luis Miguel Dominguin — une gloire des arènes et de la presse du cœur — qui savait soulever l'enthousiasme de la foule avant de lui offrir les oreilles de la bête en offrande sous les airs envoûtant d'un paso doble. Quand les arènes n'accueillaient pas la corrida, elles s'ouvraient aux galas de musique ou aux combats du noble art. Des pugilistes comme Bob Omar, les frères Sebbane, Hocine Khafi, Pegasano, Young Perrez ou encore Moussa Abdelkader ont défendu, qui sa couronne, qui ses côtes ou son foie d'un uppercut bien ajusté ou d'un direct foudroyant. L'écho des voix de Blaoui Houari, d'Ahmed Wahbi ou du chanteur marocain Abdelhadi Belkhayat résonne encore dans l'espace clos et sur les murs, aujourd'hui décharnés des arènes d'Oran. Durant les années 1990, l'espace qui fut transformé en siège de l'office communal des sports a abrité des meetings politiques et des manifestations commerciales. Dans le cadre de la réhabilitation des sites historiques de la commune d'Oran, une étude réalisée par le contrôle technique de la construction (CTC) a révélé que les arènes, qui ne sont pas encore classées, « ont besoin d'un sérieux bain de jouvence ». Le rapport de l'expertise révèle que le site circulaire, qui peut accueillir jusqu'à 4000 spectateurs, doit subir en urgence des travaux de consolidation de ses voûtes, de ses gradins qui laissent apparaître de larges fissures et de son système de drainage et d'évacuation des eaux de pluie. Les pierres, qui font la beauté des arènes, ont été fragilisées par la salinité de l'atmosphère et l'acidité des eaux pluviales, et c'est pourquoi il est urgent d'inscrire un projet de réhabilitation des lieux. « Ces recommandations du CTC seront concrétisées », a indiqué une responsable technique de la commune d'Oran qui a précisé qu'« un bureau d'études spécialisé sera consulté pour définir la nature des travaux de réhabilitation à entreprendre et à établir un cahier des charges du projet ». En attendant « cette résurrection », qui nécessiterait des fonds importants, ceux qui passent par les arènes d'Oran ont l'impression d'entendre un lointain écho du paso doble ou un olé qui se répercutent sur les murs avant d'aller mourir dans le lointain horizon.