Il nous arrive, aujourd'hui, de lire dans une certaine presse, ou d'avoir des échos de ce qui se déclare dans certains cénacles se disant préoccupés par l'avenir de notre littérature, qu'un tel écrivain a eu accès à l'universalité, Waciny, en fait, vient de réaliser pour de vrai un tel score sans grand tintamarre sinon celui du vrai travail artistique et littéraire. Déjà, l'année dernière, les coups bas de certains membres du jury du prix Al Oueiss, autre prix non moins prestigieux, avaient déclassé, à tort, l'œuvre de Waciny pour des raisons personnelles. Il faut dire que les choses ne sont pas faciles dès qu'il est question de ces grands prix littéraires. Les Moyen-Orientaux font des pieds et des mains pour barrer la route aux auteurs maghrébins d'une manière générale. Primé, donc, pour son roman Le livre de l'Emir, traduit en langue française par Marcel Bois en collaboration avec l'auteur, Waciny fait son chemin vers la véritable universalité via le monde arabe. Ce roman, en une phrase, n'est pas tant une histoire narrativée de la vie de l'Emir seulement, il est, en même temps, une manière de considérer le réel algérien de nos jours à travers les problèmes rencontrés par l'Emir lui-même durant son long combat contre l'invasion française. Faut-il rappeler que Waciny avait cédé ses droits d'auteur pour ses deux derniers romans, Les balcons de la mer du nord et L'Emir, pour une fondation arabe spécialisée dans la lutte contre le cancer dans le monde des enfants. L'art ne va pas sans un côté profondément humain, c'est ce que Waciny vient de prendre à la lettre. Ce grand prix littéraire devrait interpeller les tenants de la culture dans l'Etat algérien : à quand la création d'un véritable prix littéraire qui récompenserait, annuellement, l'œuvre d'un auteur algérien plutôt que de laisser celui-ci rester sur sa faim à chaque fois qu'il prend connaissance de l'attribution d'un prix littéraire dans une capitale arabe ou dans une ville européenne ? Un Etat, au sens véritable du terme, bien ancré dans la modernité, se doit de balayer de son regard tout son entourage. Il n'y a pas que les choses de la politique ou de l'économie qui devraient primer. Un roman consolide les bases de l'Etat, une œuvre picturale en fait, de même, ainsi que pour toutes les créations artistiques. Un prix littéraire algérien, à notre sens, est beaucoup plus important que l'accession à l'Académie française ou l'obtention du prix Renaudot. C'est l'algérianité qui compte en premier lieu. Et, malheureusement, c'est ce qui manque âprement chez nous. Le prix obtenu par Waciny honore la littérature algérienne et remet les pendules à l'heure avec tout ce qui prend racine dans notre terroir. Félicitations donc à notre ami Waciny Laaredj.