Pour sa première rencontre avec la presse, hier, au Centre international de presse (CIP), le ministre de la Communication, M. Boudjemaâ Haïchour, a adopté un discours conciliant avec, comme souhait, la refondation des relations entre les professionnels des médias et le pouvoir. Une refondation qui s'inscrit, selon le ministre, dans le cadre de la réconciliation nationale prônée par le président Abdelaziz Bouteflika. La rencontre d'hier s'est distinguée par un franc-parler, que ce soit de la part de la tutelle ou de la part des directeurs et des rédacteurs en chef des journaux privés qui ont clairement affiché leurs doutes quant à la volonté du pouvoir de respecter la liberté de la presse. Mais les priorités du ministre de la Communication ne sont pas forcément celles de la corporation. Le premier cité cherche principalement à accélérer l'élaboration de la loi organique relative à l'information, à propos de laquelle les discussions s'étaient terminées en queue de poisson en mai 2003. M. Haïchour a exprimé son souhait de voir ladite loi de même que celle relative à la publicité être adoptées par le Parlement avant la fin de l'année. Il entend, à cet effet, créer deux ateliers, l'un sur la loi relative à l'information et l'autre sur le Conseil de l'éthique et de la déontologie. Les propos du ministre n'ont toutefois pas balayé les appréhensions de l'assistance. « L'éthique et la déontologie intéressent la profession journalistique. Lintervention du pouvoir doit se limiter à fournir les moyens aux journalistes et non pas à définir ces notions. L'inverse est inacceptable », répliquera M. Mahmoud Belhimer du quotidien arabophone El Khabar, qui a également abordé les relations « tumultueuses » entre les éditeurs et les imprimeurs. « Il existe des pratiques sélectives et même politiques dans les rapports entre les imprimeries et les journaux », a-t-il ajouté, soulignant le fait que les imprimeries exigent de certains journaux le paiement de leurs factures rubis sur l'ongle, mais ne le font pas pour d'autres en raison de leur ligne « docile » à l'égard du pouvoir. Dans le même ordre d'idées, M. Belhimer a évoqué le problème de la publicité distribuée selon le même critère. « Y a-t-il réellement une volonté politique de régler ces problèmes ? Je n'en suis pas sûr », a-t-il répondu. Le ministre de la Communication a évité soigneusement d'aller sur le terrain politique. Il a affirmé que ces questions seront réglées avec l'adoption de la loi sur la publicité. « J'ai discuté samedi dernier avec les imprimeurs. Nous espérons trouver la meilleure formule afin de rendre la vision plus claire à ce sujet », a-t-il indiqué, précisant que les imprimeries relèvent à la fois d'une tutelle politique, le Conseil de participation en l'occurrence, et du pouvoir politique, le ministère de la Communication. S'agissant du Conseil de l'éthique et de la déontologie, le ministre a démenti avoir demandé sa dissolution. « Je me suis interrogé sur le nombre de saisines du Conseil de l'éthique et de la déontologie, à ma connaissance une ou deux », a-t-il tenu à rectifier, tout en lui reprochant de « ne pas prendre ses responsabilités », laissant des journalistes « dériver ». « Il ouvre une brèche à travers laquelle d'autres s'introduisent, la justice ou d'autres... J'aurais aimé que le conseil joue son rôle », a-t-il poursuivi, tout en l'appelant à renouveler ses structures. A travers les rounds de discussions qu'il compte lancer, M. Haïchour s'est défendu de vouloir chercher à domestiquer la presse. « Ce qui s'est produit avant le 8 avril est une chose, l'après-8 avril en est une autre (...). Nous ne cherchons pas une presse de béni-oui-oui. Le 8 avril n'est pas la fin de l'histoire. Il a donné des indices et que chacun les interprète comme il le souhaite », a-t-il tenté de rassurer. Pour de nombreux journalistes présents dans la salle, la crédibilité des assurances données par le ministre se vérifiera à l'épreuve du terrain.