Ils sont déterminés. Aucune concession ne sera faite autour de la libération des journalistes injustement emprisonnés. Les éditeurs de la presse indépendante rencontrent aujourd'hui Boudjemaâ Haïchour, le ministre de la Communication au Centre international de presse (CIP). La décision de prendre part à cette réunion, la première du genre depuis la désignation de Boujemaâ Haïchour à la tête du département de la communication, le 26 avril dernier, a été prise à l'issue d'une réunion de concertation entre les directeurs de journaux regroupés en comité de défense des libertés, tenue hier à la maison de la presse Tahar-Djaout. Cette réunion, qui a eu pour seul ordre du jour le débat autour de l'acceptation ou le refus de répondre à l'invitation de Haïchour, a fait primer la première tendance sur la seconde. Les raisons ? “Il y a deux de nos confrères qui se trouvent en prison, les pouvoirs publics nous ont conviés à une rencontre, c'est l'occasion de parler de ces problèmes et d'avancer notre idée de défendre la libération de Mohamed Benchicou, le directeur du Matin et de Hafnaoui Ghoul, le correspondant de Djelfa. Nous allons à cette réunion sans préjugés et sans raison de faire un procès d'intention à quiconque”, nous a expliqué, hier, Fouad Boughanem, le directeur de la publication du Soir d'Algérie. C'est d'ailleurs les mêmes arguments mis en avant par l'ensemble des éditeurs de presse interrogés hier à ce sujet. Pour Ghania Khelifi, directrice de rédaction du Matin, “il est de tradition qu'un ministre nouvellement installé convie les éditeurs à une rencontre de prise de contact”. “La première réunion est toujours acceptée”, dit-elle tout en expliquant que “nous dirons au ministre ce que nous avons à dire par rapport aux problèmes de la presse et nous lui ferons un exposé détaillé sur nos inquiétudes concernant la libre expression en Algérie et surtout sur l'emprisonnement des journalistes”. Le directeur de la publication de Liberté, Ali Ouafek, explique, quant à lui, que “les éditeurs de journaux ont de tout temps été ouverts au débat, à la concertation et aux échanges de points de vue, c'est pour cela qu'en tant que professionnels et gens civilisés nous acceptons l'invitation”. Omar Belhouchet dira, quant à lui : “C'est une bonne initiative que le ministre de la Communication cherche le dialogue car, jusqu'à présent, les pouvoirs publics n'ont dialogué qu'avec la répression.” Si, par ailleurs, la rencontre qu'initie Haïchour avec les patrons de la presse n'a pas d'ordre du jour précis, il n'en demeure pas moins que la priorité des priorités dans les débats sera incontestablement la question de l'emprisonnement des journalistes : “Le premier des problèmes dont on parlera est l'emprisonnement des journalistes,” martèlera Ali Ouafek avant de préciser : “Nous dirons au ministre qu'on ne peut pas emprisonner les idées et dans ces condamnations contre Mohamed Benchicou et Hafnaoui Ghoul, il y a eu un abus d'autorité de la part des pouvoirs publics.” Et d'expliquer qu' “en démocratie, il ne doit y avoir d'abus ni d'un côté ni d'un autre et que c'est la loi qui préserve les droits des uns et des autres”. “La loi ne doit pas être sous influence”, conclut-il. Omar Belhouchet dira par ailleurs : “Nous comptons parler des relations tendues et conflictuelles entre les pouvoirs publics et la presse indépendante, mais nous aborderons en priorité la question de l'emprisonnement des journalistes.” Même état d'esprit chez Fouad Boughanem et Ghania Khelifi. Si pour le directeur du Soir d'Algérie, “la priorité est d'exposer le cas de nos confrères emprisonnés et d'évoquer les problèmes de la presse et des pressions qu'elle subit”, de l'avis de Ghania Khelifi “parler des journalistes emprisonnés est une question urgente”. Et si le ministre fait le black-out sur les journalistes emprisonnés, en balisant le débat autour de la loi sur l'information? “Ça va le desservir” , martèlera Ghania Khelifi avant de préciser : “Il faut d'abord libérer les journalistes emprisonnés pour parler ensuite de l'organisation de la presse.” C'est en somme la même réponse qu'a eue l'ensemble des éditeurs qui comptent juger aujourd'hui le ministre de la Communication sur pièces. N. M.