La dimension spectaculaire des attentats, leur simultanéité, le fait qu'ils aient visé des cibles symboliques de la capitale algérienne donneront du grain à moudre à ceux qui craignent une reprise des années noires et la contagion des violences terroristes qui embrasent tout le Proche-Orient. Les dérives islamistes, au Maroc comme en Algérie, se nourrissent du désespoir de jeunes générations abandonnées à elles-mêmes, sans repères familiaux, sans perspective sociale, terreau fertile pour le recrutement des extrémistes. Juste de l'autre côté de la Méditerranée, si proche de nous qu'on ne peut pas les ignorer », remarque Dominique Quinio de La Croix. Pour sa part, Jules Clauwaert, (Nord Eclair), note que « la paix civile au Maghreb, elle aussi passe par Jérusalem ». Ne pas confondre musulman et terroriste, explique Jean Levallois (La presse de la Manche) dans son éditorial : « Al Qaïda a su habilement fédérer tout un tas de mouvements extrémistes terroristes dans les trois pays du Maghreb, pour constituer vraisemblablement une plate-forme solide, capable d'actes nombreux et meurtriers, en Algérie, au Maroc et en Tunisie. C'est une donnée quelque peu inquiétante pour nous, car nous sommes sur les bords de la mer Méditerranée, c'est-à-dire à quelques encablures de l'Union européenne, qui pourra être attaquée plus facilement. Convenons que la situation n'est pas bonne et que les gouvernements européens ne devront pas relâcher leur vigilance. Mais, dans le même temps, il devient indispensable, plus que jamais, de ne pas tout confondre. Un musulman n'est pas un terroriste parce qu'il a l'Islam pour religion. L'Islam est respectable en tant que religion, et les croyants en tant que croyants. Les attentats qui exigent la plus grande fermeté à l'égard des terroristes sont le piège tendu pour provoquer un conflit culturel qui n'a pas lieu d'être. » Dans une formidable analyse, Florence Beaugé note dans Le Monde que les kamikazes de mercredi dernier sont une nouvelle race de terroristes. « Ceux qui ont choisi de se faire exploser devant le palais du gouvernement et à Bab Ezzouar, mercredi, sont de nouvelles recrues. Ces combattants d'un nouveau type n'appartiennent pas à la génération du Front islamique de salut (FIS) et de son bras armé, l'AIS. Ils n'ont pas grand-chose à voir avec ceux qui se sont battus contre les forces de sécurité algériennes lors des ‘'années de sang''. Jeunes pour la plupart, les kamikazes algériens du 11 avril sont le pur produit des chaînes de télévision satellitaires du Golfe. Nourris des images de guerre d'Irak, de Palestine, du sud Liban et d'Afghanistan, ils n'ont pas de repères. Ils se moquent des anciens moudjahidine algériens. Loin de voir en eux les héros de la guerre de Libération de leur pays, ils les tiennent pour des rentiers et des mafieux. Les seuls qui trouvent la grâce à leurs yeux sont morts. Leurs modèles ? Des hommes capables de tenir tête à la toute puissante Amérique, tels Ben Laden ou Nasrallah (le chef du Hezbollah au Liban), qu'ils admirent autant qu'ils exècrent George Bush et les responsables algériens, coupables à leurs yeux de ‘'multiplier les courbettes'' envers la Maison Blanche. » Dans son édito signé le lendemain des attentats, Gérard Dupuy se veut résolument optimiste et ne croit pas au retour des années noires. « En rejoignant la nébuleuse d'Al Qaïda, les terroristes de l'ex-GSPC n'en ont pas moins gardé leur cible favorite : les autorités de leur propre pays. Pourtant, la plupart des actions se revendiquant de la mouvance benladenienne gardent une connotation internationale, conformément aux buts d'une organisation vouée au « djihad contre les juifs et les croisés ». Le GSPC privilégie sa propre guerre civile. Le mode opératoire des nouveaux attentats montre toutefois un tournant vers des méthodes empruntées au répertoire al qaïdiste. S'il faut voir là la reconnaissance implicite par ce mouvement de sa situation ultraminoritaire, il est possible que ses nouvelles actions, malgré leur caractère spectaculaire, ne présagent pas un retour à la sorte de guerre civile larvée dont les Algériens s'étaient si péniblement extraits ».