Le retour des attentats à la voiture piégée qui ont ciblé dans la nuit de dimanche à lundi les commissariats de Réghaïa et de Dergana a contribué à semer encore davantage le doute dans les esprits des citoyens peu ou pas assez convaincus par la démarche de la politique de réconciliation nationale telle que pensée et mise en œuvre par le pouvoir. Après les attentats individuels ou collectifs perpétrés contre des éléments des services de sécurité et des personnalités comme celui ayant visé le président d'APW de Tizi Ouzou, les groupes terroristes passent à une autre phase de leur stratégie de harcèlement du pouvoir en s'attaquant à des sites sécuritaires censés être fortement protégés : les commissariats de police. Le choix de ces cibles parlantes est politiquement signé. Le GSPCcherche à travers ces attentats terroristes spectaculaires à faire passer le message, selon lequel cette organisation se porte bien et qu'elle n'a rien perdu de sa puissance de feu contrairement aux informations relayées par des sources officielles qui assurent que ses activités se réduisent à quelques poches de nuisance qui ne représentent aucune menace pour les fondements de l'Etat républicain. Au plan politique, il est difficile de ne pas établir un lien entre la pression terroriste et son redéploiement dans les attentats en milieu urbain avec cette nouvelle donne qui consiste à cibler des sites sécuritaires pour la recherche de l'impact médiatique et l'activisme des milieux islamistes depuis la mise en œuvre de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale. Confiné depuis ces dernières années à certains maquis, le centre de l'activité terroriste se déplace en milieu urbain où l'impact sur la population est autrement plus grand. La panique qui s'est emparée des riverains des commissariats soufflés par les deux déflagrations à Réghaïa et Dergana et les dégâts occasionnés dans les quartiers concernés n'entrent pas uniquement dans le registre des dommages collatéraux qui absoudraient les groupes terroristes de leurs crimes. Le « modèle » de terrorisme à visage humain ciblant l'Etat et ses institutions et épargnant la population que le GSPCcherche à cultiver pour se rallier la population aura survécu il y a longtemps déjà. Les opérations de racket du GSPCen mal de financement ont contribué à discréditer cette organisation terroriste auprès des populations rurales qui auraient pu, pour une raison ou une autre, conclure un deal tacite de non agression avec les terroristes, voire même auprès des sympathisants et des militants islamistes qui se sont retrouvés un jour pris dans les filets d'un faux barrage ou qui vivent avec cette crainte à chaque fois qu'ils traversent les zones infestées par le terrorisme. Au plan donc purement stratégique, le fait que le GSPCait entrepris de porter ses actions terroristes en milieu urbain, dans des zones d'habitations, même si la cible première est sécuritaire, avec toutes les conséquences politiques sur l'opinion publique qu'une telle « politique » suicidaire implique, est la preuve que cette organisation est entrée dans une phase de radicalisation de ses actions terroristes. En recadrant sa stratégie, le GSPCrejoint dans ses fondements doctrinaux son rival d'hier, le GIA, duquel il s'était démarqué de manière parfois violente se revendiquant comme une organisation en guerre contre l'Etat et non contre le peuple algérien. Le redéploiement du GSPCdans le terrorisme urbain et de masse qui n'entre pas théoriquement dans sa spécialité signifie-t-il que l'organisation et ses relais dans les milieux islamistes radicaux, qui rêvent d'un retour aux années 90, ont perdu la bataille politique avec le repositionnement qui s'opère sur la scène politique et dans la mouvance islamique dans le sillage de la politique de réconciliation nationale qui disqualifie théoriquement les apôtres de la violence ? C'est du moins la lecture qui s'impose après ces deux attentats dans les faubourgs de la capitale. Sentant l'étau se resserrer autour de lui avec le nouveau contexte politique et ayant perdu ses réseaux de soutien actifs et passifs qui faisaient hier sa « force », le Gspc, comme hier le GIA, en fin de parcours, est-il tenté par la politique du pire qui consiste à faire payer à la population par des attentats de masse, comme ceux de ce dimanche, son refus d'abdiquer à son diktat ?