Ce 16 avril, célébration de Youm El Ilm, l'ambiance était à son comble au palais de la culture Mohamed Boudiaf où M. Brahim Benghayou, wali d'Annaba, a inauguré la grande exposition des arts et de l'habit traditionnels, œuvres d'art et des métiers artisanaux. La broderie a tenu la tête d'affiche. Avec ses robes en broderie en fil d'or et d'argent, le stand de Mme Malika S. avait le charme des anciennes cartes postales. Dans son atelier de la vieille ville, un peu jaunie par le temps et qui fleure bon le « bon vieux temps », cette femme, la soixantaine, a réussi à inculquer son savoir à plusieurs jeunes filles du filet social et de l'emploi des jeunes. Son atelier est un véritable espace de labeur et de vie de ces dizaines de jeunes ouvrières qui, passées par là, sont devenues couturières, stylistes, modélistes et même mannequins. Dans cette ruelle de la vieille ville, l'atelier de Mme Malika est chargé de mille et un secrets liés à la broderie et au sertissage. C'est aussi le lieu d'un savoir-faire artisanal qui, de fil en aiguille, au fil de l'imagination, a fait vivre, et il le fait toujours, avec éclat, le taffetas, les paillettes, le jais, le strass, la raphia, les fils d'or et d'argent. Dans la pénombre qu'offre un éclairage insuffisant, êtres vivants et objets s'animent pour faire éclore pétales délicats et savantes arabesques. C'est dans cette boutique-atelier que les femmes avaient appris à connaître le plaisir de se parer. C'est ici que les prémices d'une nouvelle expression artistique qu'est la broderie, ont trouvé leur application. Sous des doigts agiles de jeunes fées, cet art a trouvé toute sa signification. Actuellement, à Annaba, il reflète le rang économique et social de celles qui portent robes, gandouras et sarouels. Des créations uniques, comme les justaucorps « rat d'hôtel », entièrement rebrodées et vivement applaudies lors de cette exposition. Ou, encore, cette création étonnante d'originalité qu'est une robe brodée aux couleurs d'Annaba, avec tous ses symboles, la mer et Ras el Hamra. Cette exposition ouverte Youm El Ilm a été un véritable ravissement. L'ornement vestimentaire féminin constitue l'attraction principale avec une broderie décorative de fils d'or et d'argent exigeant que les concepteurs, d'authentiques artisans, recourent à la collecte des fibres tissées à l'aide d'outils nouveaux. « La broderie est un art. Jusqu'il y a quelques années, elle était considérée comme une parure de luxe. La clientèle payait le prix. Avec l'invasion de la broderie bon marché, en provenance des pays asiatiques, les particuliers ont préféré acheter des vêtements mal brodés à des prix plus accessibles..Cet art revient peu à peu. Je peux même dire que ces deux dernières années, il y a comme un engouement de nos femmes pour la broderie », commente Mme Malika. Dans son atelier, il y a tout un univers. Chaque tiroir renferme de multiples trésors soigneusement rangés et étiquetés : fuseaux, cônes de fils de soie, de lin, de coton laminé et nacré, pierres « clair de lune », coquillages, paillettes, galons, rubans, vestes et manteaux assortis de charmants accessoires. Un univers que la clientèle d'Annaba connaît bien. Mais cette tradition, ce noble métier que cette couturière de mère en fille, cherche à perpétuer, vont-ils survivre ?