Les élections françaises suscitent-elles l'intérêt des Algériens ? Si près de 4 millions de personnes établies dans l'Hexagone se sentent directement concernées du fait de leur statut d'immigré ou d'électeur, la présidentielle française semble être aussi une affaire algérienne. Souvenons-nous qu'un certain 10 mai 1981, qui avait porté le socialiste François Mitterrand à la magistrature suprême, les Algériens n'avaient pas manqué de « fêter » en grande pompe la victoire de la gauche. Sous le parti unique, le FLN, l'Algérie socialiste et tiers-mondiste de l'époque s'était même payé le luxe d'étaler publiquement ses sentiments envers le nouveau locataire de l'Elysée. François Mitterand, le ministre de l'Intérieur, qui avait déclaré le 1er novembre 1954 que l'Algérie ne quittera jamais la mère patrie et que les « attentats » de la veille étaient l'œuvre de « quelques bandits », était perçu différemment. Il ne s'agissait plus d'un ministre « colonialiste », mais d'un chef d'Etat de la Ve République. Le choix d'Alger sur François Mitterrand était dicté par les similitudes et les convergences de vue sur le programme de celui qui a créé la SFIO (ancêtre du PS). Vingt-six ans plus tard, les Algériens se donnent encore la peine de s'« ingérer » dans la présidentielle française. « La France fait partie de l'Algérie et vice-versa », résume un professionnel de la communication. On peut aimer la France ou haïr ce beau pays, la relation envers le patrie de Robespierre demeurera inéluctablement passionnelle. Autrement dit, on en veut à la France d'avoir commis des actes ignobles durant sa présence en Algérie. On lui exige, à juste titre d'ailleurs, de faire sa repentance au peuple algérien. Reste que ce pays ne laisse aucun Algérien indifférent. La « rue » algérienne se dit soucieuse de « repenser » les relations algéro-françaises. « Nous sommes un Etat indépendant, jaloux de son indépendance et de sa glorieuse révolution. C'est pour ces raisons que la France doit nous respecter », résume Tayeb B., économiste. La tendance est la même chez cet universitaire qui, à l'instar de beaucoup d'Algériens, dit « voter » pour Ségolène Royal. « C'est une dame très respectable. Ségo met en avant les valeurs humaines tout en critiquant courageusement l'ultralibéralisme et la mondialisation », explique-t-il. Du côté des partis politiques, pour ce qui est du choix du candidat, la réserve est de mise. Saïd Bouhadja, porte-parole du FLN, nous confie : « C'est vrai que le FLN entretient des relations étroites avec le PS, le parti de Ségolène Royal, mais ce qui importe c'est que le futur président de la République française devra travailler dans le sens d'une coopération bénéfique aux deux pays. L'Algérie et la France sont deux Etats souverains. Les relations doivent être empreintes de respect mutuel. » Pour Abdelmadjid Menasra, porte-parole du MSP : « Le MSP ne soutient aucun candidat ». « Toutefois, le futur locataire de l'Elysée, M. Sarkozy ou Mme Ségolène Royal, est tenu de considérer l'Algérie comme un partenaire important, sans aucun préjugé. Au MSP, nous souhaitons que le futur président de la République française se penche davantage sur les préoccupations de notre communauté immigrée », ajoute l'ancien ministre de l'Industrie. Les syndicalistes, eux, ne s'embarrassent pas d'afficher leur préférence. Celle de soutenir la candidate de gauche, « si l'on veut être conséquent avec ses idées », indique Malik Rahmani, coordinateur national du Syndicat des enseignants universitaires (CNES). On peut carrément opter pour Sarkosy « si l'on veut mettre au goût du jour les fameuses ingérences du PS dans nos affaires intérieures », comme il est souligné par Kamel Amarni, président du Syndicat des journalistes.