Au regard de l'importance des contrats conclus par les grandes entreprises françaises, tout porte à croire que le courant d'affaires entre l'Algérie et la France connaîtra dès le début de l'année prochaine un développement sans précédent. Les signes avant-coureurs du regain d'intérêt des grandes firmes de l'Hexagone pour le marché algérien sont parfaitement résumés par Pierre Mourlevat, chef de la mission économique auprès de l'ambassade de France en Algérie, qui constate que depuis quelques mois les avions en partance pour l'Algérie ne désemplissent pas d'hommes d'affaires français et que les sociétés françaises sont de plus en plus nombreuses à ouvrir des bureaux de liaison à Alger. Les contacts bien souvent noués au plus haut sommet de l'Etat ont également permis à bon nombre de ces firmes (Suez, Bouygues, Airbus, Danone, ADP, RATP, ASF, etc.) d'entrer par la grande porte pour le grand bien des deux pays. A travers les contrats déjà engagés par les sociétés françaises, on note un changement radical de stratégie économique. Le tout commercial qui avait jusque-là prévalu est abandonné au profit de partenariat et alliances industriels avec les entreprises algériennes, le but étant de produire et de vendre ensemble. Les échanges qui avaient pris au cours de ces dernières années une tournure résolument commerciale devraient de ce fait évoluer positivement vers la création de joint ventures et autres formes de partenariats innovants générateurs d'emplois et de savoir-faire. Les sociétés françaises y trouveraient leur compte en se taillant une place de choix sur le marché algérien. Les entreprises algériennes bénéficieraient quant à elles des retombées positives de leurs alliances avec des firmes disposant d'un savoir-faire managérial, d'équipements performants et d'une parfaite connaissance du marché international. Si l'engouement des hommes d'affaires français pour l'Algérie ne fait plus de doute, comme l'a affirmé chiffres à l'appui Pierre Mourlevat, un des principaux artisans du réchauffement des relations économiques entre nos deux pays, force est de constater qu'il reste beaucoup à faire pour hisser le partenariat souhaité à un niveau satisfaisant. En effet, si les exportations de produits manufacturés français vers l'Algérie sont importantes (environ 4 milliards d'euros), les investissements directs français (700 millions d'euros environ) paraissent par contre dérisoires au regard de l'importance économique mais aussi stratégique du pays. En dehors des secteurs des hydrocarbures et du médicament qui ont capté l'essentiel de ces capitaux, force est de constater que le reste de l'économie algérienne a connu une relative sécheresse en la matière. L'Algérie, loin derrière Les chiffres en notre possession ne sont guère réjouissants. Ils classent l'Algérie loin derrière le Maroc et la Tunisie qui n'ont pourtant capté à eux trois qu'environ 2,5 milliards d'euros d'investissements directs étrangers au cours de ces trois dernières années. Les chiffres relatifs à l'implantation de sociétés françaises en Algérie publiés par l'ambassade de France en Algérie en 2002 corroborent la modicité des résultats d'investissement : 92 sociétés françaises (59 filiales commerciales, 4 filiales de production et 29 bureaux de liaison) s'étaient installées en Algérie offrant environ 6000 emplois, ce qui paraît bien faible comparé au Maroc qui compte 450 sociétés françaises qui emploient 65 000 personne et à la Tunisie qui en compte 770 avec 60 000 emplois offerts. Un constat que déplorent beaucoup d'Algériens qui ne comprennent pas pourquoi les sociétés françaises préfèrent investir en Tunisie ou au Maroc alors que l'Algérie est de loin leur plus gros client. Le nombre des sociétés françaises présentes dans notre pays a certes évolué (elles seraient environ 160) mais, nous dit-on, avec le même niveau d'emplois, ce qui montre à l'évidence que ce sont les bureaux de liaison qui constituent l'essentiel des nouvelles installations. A la faveur de la visite que nous avons effectuée au sein de grandes firmes françaises, nous avons constaté une réelle volonté de développer au plus vite des affaires en Algérie. L'attentisme qui avait longtemps prévalu a laissé place à une politique commerciale beaucoup plus volontariste consistant à ne pas attendre que l'Algérie achève ses réformes structurelles pour s'y installer. Il faut dire que les concurrents comme la Chine, mais aussi la Turquie qui arrive en force sur le marché algérien, ne laissent pas le choix. La France, comme les autres puissances industrielles, est forcée de se ranger derrière le principe " premier arrivé, premier servi " en essayant toutefois de faire valoir des liens historiques et géographiques privilégiés, pour être retenue comme partenaire de choix. Depuis la réélection du président Bouteflika, le gouvernement français et le Medef encouragent les firmes françaises à prendre langue avec les entreprises et institutions algériennes en quête de partenariat. Le vice-président du Medef International, Thierry Courtaigne, nous a affirmé que la question de l'investissement des entreprises françaises, mais également européennes en Algérie est devenue une des principales préoccupations de l'association patronale qu'il préside et le sujet est souvent évoqué aussi bien à l'occasion des rencontres patronales ordinaires que lors de réunions à l'échelle européenne. Suez, bouygues, accor... Les résultats de l'intérêt particulier porté à l'Algérie, dit-il, sont là puisque de grandes firmes comme Suez, Bouygues, Accor, Carrefour, Danone, RATP, ASF pour ne citer que celles-là, seront bientôt, si elles ne le sont pas déjà, en Algérie pour concrétiser ou renforcer d'authentiques partenariats. Si les entrepreneurs français sont globalement acquis au principe du partenariat avec des sociétés algériennes, leur souhait est de voir le gouvernement algérien aller plus rapidement en besogne pour améliorer le climat des affaires. Parmi les situations qu'ils souhaiteraient voir évoluer positivement, il y a l'instauration d'un Etat de droit avec notamment l'émergence d'un droit des contrats qui leur permettrait d'obtenir réparation au cas où ils seraient lésés dans leurs droits, l'accès rapide au foncier industriel et à la propriété immobilière, la modernisation du système bancaire et bien entendu une lutte ferme contre la corruption, la contrefaçon et la concurrence déloyale. Autant de chantiers auxquels le gouvernement algérien semble s'atteler depuis quelques mois avec beaucoup plus de détermination que par le passé. Des hommes d'affaires français qui ont pu constater, à la faveur d'une visite en Algérie, une nette amélioration du climat sécuritaire nous ont affirmé avoir du mal à comprendre pourquoi les autorités algériennes concernées ne font rien pour améliorer l'image de marque du pays ou en informant convenablement les investisseurs sur les avantages qu'ils pourraient tirer en investissant dans ce pays qui a retrouvé la quiétude et qui de surcroît dispose de nombreux atouts. Ils citent le cas du Maroc et de la Tunisie où les autorités politiques ont fait preuve d'une grande qualité de communication pour sécuriser les investisseurs après les attentats terroristes qui avaient frappé certaines de leurs villes. Le volet communication doit être impérativement pris en charge car, affirment-ils, il pénalise fortement par sa carence l'investissement français en Algérie.