Une semaine après l'arrivée du Ramadhan, l'animation culturelle n'a pas encore atteint son rythme de croisière. En effet, hormis la dynamique association du Nadi El Hillal, qui renouvelle la formule mise en place l'année dernière, les amateurs de soirées musicales sont restés sur leur faim. Pourtant, la cité ne manque ni d'associations culturelles ni de groupes musicaux. En effet, grâce à ses nombreuses associations et aux multiples ateliers qu'abrite la Maison de la culture Ould Abderrahmane Kaki, la ville est en mesure de monter un programme non-stop où pourraient se produire groupes folkloriques, troupes de théâtre et associations musicales -, notamment dans le domaine de la musique savante où l'on pourrait rassembler des centaines de musiciens formés essentiellement par le Nadi et l'association El Fen ou Nachat- à l'instar des années fastes durant lesquelles la ville s'enorgueillit de pas moins de 35 festivals étalés sur une seule saison. C'était pourtant durant la période où l'intégrisme faisait régner une véritable terreur sur les intellectuels, les hommes et les femmes de culture. Cette léthargie ne peut s'expliquer par la seule éclipse du défunt conseil culturel communal dont les démêlées avec l'APC ont abouti à la mise à l'écart de la plupart de ses membres. Car, nonobstant les reproches qui lui sont faits, il n'en demeure pas moins qu'en une seule année d'existence, ce conseil avait su trouver les ressorts d'une relance de l'action culturelle sur des bases perfectibles et prometteuses. Le divorce avec les élus étant définitivement consommé, son remplacement par un bureau composé en majorité d'élus n'a pas encore atteint les aboutissements escomptés. C'est dans cette morosité inhabituelle que les dirigeants du Nadi El Hillal, puisant dans leurs maigres ressources et confortés par le nombre considérable de leurs fidèles amis, ont concocté un programme à la mesure de leurs faibles moyens, mais répondant parfaitement à leur souci premier de permettre aux milliers d'amateurs de musique arabo-andalouse de retrouver leurs chanteurs et de se replonger dans ces inoubliables soirées durant lesquelles maîtres et disciples se partageaient l'immense scène constituée des quartiers de Tigditt, Raisinville, la Pépinière ou Beymouth. M'hamed Kerbab fera sensation C'était du temps où aucun mariage ne pouvait se passer d'un chanteur du cru qu'accompagnait un orchestre de son choix. C'est d'ailleurs l'un des aspects les plus captivants des soirées offertes par le Nadi, où chaque chanteur ramène au moins deux de ses anciens musiciens qui sont souvent ceux en charge du rythme sans lequel aucun interprète ne peut évoluer. Ainsi, le mélomane retrouvera avec plaisir ces maestros de la derbouka - que l'on avait perdus de vue depuis des lustres - se relayer avec une évidente jubilation aux cotés de leur maître. Aussi, durant les deux premières soirées qu'abritera le siège du Nadi, en face de la mythique place des Trois ponts, les invités auront droit à un petit récital de hawzi donné par le talentueux violoniste et néanmoins professeur de musique au niveau de l'association, le jeune Djillali Benbouziane que relayera l'ésotérique Cheikh Kherbab. En effet, alors que Benbouziane gratifiera son public de sublimes morceaux interprétés dans le mode ghrib, M'hamed Kerbab fera sensation en donnant en offrande sa formidable maîtrise d'une mandole domestiquée au point de ne jamais se lamenter sous l'effort. Interprétant, dans un style très particulier, les merveilleux poèmes de B'na M'saieb, Benkhlouf, Benslimane, El Maghraoui ou En-Nedjar, il ébahira un public sevré depuis plus d'une dizaine d'années d'éclipse de ce chanteur que tout Tigditt continue de sublimer malgré une longue et insoutenable bouderie. Dommage que l'audacieux Ahmed Zeguiche fera faux bond à la dernière minute. En effet, programmé en ouverture de ce cycle, l'inimitable épigone de Bouadjadj ne se présentera pas devant son public, laissant dans l'embarras les organisateurs. Heureusement qu'en matière de relève, il y a bousculade, comme le fera remarquer un invité qui égrènera plus d'une trentaine de noms dont une vingtaine figure au programme de ce Ramadhan. Grâce à un partenariat avec l'école des beaux-arts, le Nadi compte aussi consacrer un hommage particulier au chanteur Med Berraho qui, malgré une terrible paraplégie, n'en continue pas moins de s'adonner à la chanson avec une maestria quasi sacerdotale.