La pollution de l'air, les maladies respiratoires, les allergies professionnelles et l'asthme professionnel ont fait, mercredi et jeudi, l'objet d'un débat à l'occasion du deuxième forum du praticien d'entreprise organisé par la revue médicopharmaceutique(RMP), à l'hôtel Eriadh à Sidi Fredj et dédié à feu Mourad Merad Boudia. A propos du tabagisme, qui reste la première cause de l'évolution des maladies cardiovasculaires, les spécialistes ont mis l'accent sur une lutte acharnée en appliquant les textes de loi en vigueur. Aucune statistique ne peut être avancée, soulignent les spécialistes, pour évaluer l'ampleur du tabagisme en Algérie. « Il est tout aussi impossible d'estimer l'ampleur du tabagisme passif qui, pourtant, fait des ravages », souligne le Dr Kadi de la clinique des maladies respiratoires à l'hôpital Mustapha Bacha. Selon lui, les pouvoirs publics doivent prendre conscience du drame des situations dramatiques causées par le tabac. Des études et enquêtes nationales sur le sujet doivent être réalisées en urgence.« C'est à partir de là que des programmes nationaux peuvent être établis et par la suite lutter contre ce phénomène », a t-il dit. Le Dr Kadi a fait référence, lors de son intervention, au rapport sur le tabagisme passif réalisée par la Direction générale de la santé en 2001 en France. Ce rapport, indique le Dr Kadi, analyse les données scientifiques disponibles qui prouvent l'existence du risque associé à l'exposition à la fumée du tabac des autres et font suspecter d'autres effets (maladies bénignes, ou aggravation de maladies existantes ou de cancers). Puis, il fait un certain nombre de recommandations, notamment : aménager des locaux recevant des fumeurs (lieux de travail ou non), ajouter dans le code du travail la protection des non-fumeurs dans les missions des inspecteurs du travail, supprimer toute dérogation faite aux élèves de fumer dans les lycées, établir un plan d'extension des zones de non-fumeurs dans les transports, permettre aux associations de consommateurs d'ester en justice dans le domaine de la réglementation du tabac. Pour sa part le Dr Soltane Ameu a, par ailleurs, insisté sur « la mobilisation des non- fumeurs dans les campagnes anti-tabac, car ils sont plus exposés que les fumeurs ». « En dépit de l'augmentation du prix du tabac dans le but de réduire le tabagisme, le phénomène persiste », a-t-il ajouté tout en relevant l'extension du phénomène de contrebande et une commercialisation soutenue par les producteurs. Dr Soltane Ameur, spécialiste en chirurgie thoracique, a estimé que « la législation ne suffit pas à elle seule, pour faire face à ce phénomène qui provoque à 90 % le cancer du poumon en Algérie », appelant au « renforcement des campagnes d'information et la mobilisation de la société civile à l'instar des pays développés ». Par ailleurs, la pollution de l'air, ont expliqué les spécialistes, est à l'origine de plusieurs maladies dont les maladies respiratoires. La pollution touche de plus en plus les villes et le trafic automobile est considéré comme le premier facteur polluant. Le Pr Zidouni, chef de service de pneumo-phtysiologie à l'hôpital Béni Messous, affirme que plus de 60% des consultations, en citant une enquête réalisée au niveau de la commune de Sidi M'Hamed, sont liées à la pollution de l'air notamment les maladies respiratoires. L'insuffisance respiratoire et l'asthme, selon lui, sont les complications généralement rencontrées. Pour ce qui est des allergies professionnelles, plusieurs produits chimiques sont mis en cause. Selon les professeurs Lamara et Joucdar respectivement chef de service au CPMC et à l'hôpital de Douéra, il est urgent de répertorier tous les produits disponibles sur le marché et procéder à l'étude de leur traçabilité sanitaire. Ils constituent un danger sérieux pour la santé. Ces deux praticiens ont appelé les pouvoirs publics à répertorier ces produits chimiques et à les soumettre à une législation. « Il y a un travail qui doit être fait pour identifier tous ces produits en collaboration avec tous les partenaires, tel que le laboratoire de toxicologie. L'Etat doit veiller à la traçabilité sanitaire de ces produits », ont-ils ajouté. Pour le Pr Joucdar, ces produits chimiques causent des maladies graves qui laissent des séquelles invalidantes et irréversibles. « Rien ne remplacera la prévention de ces brûlures. Ces produits ont un impact hématologique sur le cœur, les reins, les globules rouges et leurs antidotes sont aussi dangereux », met-il en garde, d'autant que le danger de la manipulation de ces produits dans certains milieux professionnels reste fréquent. Il est ainsi recommandé aux producteurs et aux revendeurs de différencier d'autres produits, qu'il s'agisse de conditionnement ou d'étiquetage. Le Pr Fethi Merad Boudia, de la clinique des Orangers, a indiqué que cette clinique effectue une intervention par semaine pour les personnes qui prennent des produits toxiques accidentellement ou intentionnellement. Le recours à la chirurgie, a-t-il souligné, est souvent contracté en raison de la gravité des cas. « Pour les personnes dont l'oesophage est touché, il est remplacé par une partie du colon », a-t-il précisé avant d'ajouter que ces personnes sont alimentées pendant plusieurs mois par tubage gastrique.