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“La pollution intervient, c'est sûr, dans l'explosion des maladies allergiques” Pr Douagui, chef de service allergologie et pneumologie au CHU de Béni Messous, à “Liberté”
La pollution urbaine est principalement incriminée dans l'augmentation de la fréquence des maladies respiratoires, notamment l'asthme et la rhinite allergique qui touchent respectivement un million et trois millions d'Algériens. Les médicaments contre ces maladies coûtent au pays 1,2 milliard de dollars. Les allergies professionnelles explosent aussi, d'où la mise en place, au cours de 2009, d'un observatoire national. Liberté : Pouvez-vous nous présenter le 2e congrès euro-méditerranéen d'asthmologie et immunologie clinique, qui s'est tenu du 17 au 19 juin, à l'hôtel El Aurassi, ses objectifs et ses perspectives ? Pr Habib Douagui : Il s'agit donc du deuxième congrès euro-méditerranéen, qui voit la participation de 17 pays et de 35 conférenciers. Le premier objectif de cette rencontre est d'assurer une formation médicale de qualité en direction des médecins généralistes et spécialistes, à travers le territoire national, sur l'asthme et les maladies allergiques, qui posent un problème majeur de santé publique. En effet, les études internationales, auxquelles a participé l'Algérie, notamment l'enquête, concernant les enfants et l'enquête européenne sur les adultes, nous ont donné des informations précises en matière de chiffres et d'incidence de ces maladies. Entre 3 et 4% de la population est asthmatique chez l'adulte. Près de 8% chez l'enfant. Pour la rhinite allergique, environ 10% de la population en est atteinte. Nous avons, en Algérie, environ un million d'asthmatiques et au moins trois millions de personnes souffrant de rhinite allergique. Ce sont de vrais chiffres obtenus par des enquêtes scientifiques internationales. Il faut insister là-dessus, car on avance, à tort et à travers, des statistiques fantaisistes. Lors de cette rencontre, les médecins en formation auront l'occasion de connaître les derniers progrès diagnostiques et thérapeutiques de ces maladies chroniques. Le deuxième objectif – et il est de taille – est de pouvoir partager les expériences de part et d'autre de la Méditerranée. Nous avons des conférenciers européens (français, italiens et portugais) et des intervenants maghrébins et venant de l'Afrique subsaharienne. Parmi les autres domaines que nous avons retenus en vue de les débattre figure la lutte contre le tabagisme, qui constitue une grande préoccupation de santé publique, notamment dans les pays de la rive sud de la Méditerranée, parce que les cigarettes, vendues dans ces pays, contiennent plus de nicotine et plus de goudron et sont donc plus dangereuses. L'Algérie a mis en place, depuis de nombreuses années, des textes législatifs et un comité national de lutte contre le tabac. Mais nous sommes confrontés à la contrainte de non-application des mesures prises. Nous aborderons, en outre, le syndrome de l'apnée du sommeil. Ce sont des malades qui ronflent, car ils ont des apnées respiratoires pendant la nuit. Ils souffrent de somnolence durant la journée, qui peut provoquer des accidents de la circulation ou du travail. Pouvez-vous nous donner la prévalence de l'apnée du sommeil dans notre pays ? Non, parce que c'est un problème que l'Algérie prend en charge depuis seulement une année. Nous avons lancé, à travers la Société algérienne des maladies de l'apnée du sommeil, des enquêtes épidémiologiques au niveau national. Nous aurons les résultats au mois de septembre. La tendance générale dans les autres pays est de 3% de la population. Quels sont les facteurs enclenchant des maladies respiratoires ? On assiste à une augmentation de la fréquence de ces pathologies depuis une vingtaine d'années. Nous savons, aujourd'hui, grâce aux études internationales, qu'il y a doublement de ces maladies allergiques dans le monde. La pollution de l'environnement, l'automobile et la pollution industrielle interviennent, c'est sûr, dans l'explosion des allergies. Les causes sont à chercher aussi dans les nouvelles habitudes alimentaires et de vie. Et puis, les matériaux utilisés dans les habitations modernes (ciment, peinture… ) accroissent la pollution de l'environnement intérieur. Les allergènes les plus fréquents sont les acariens, les parasites, les moisissures, le pollen d'arbre et de fleur, les animaux d'accompagnement… Nous avons fait une enquête dont les résultats m'ont étonné. Un Algérien sur deux possède un animal d'accompagnement. Le sondage a été réalisé sur 200 malades du service de pneumo-allergologie au CHU Beni Messous. 40% d'entre eux disent avoir un animal domestique à la maison. Les autres allergènes sont les médicaments, ou professionnels comme la farine de boulanger, les produits de coiffure… D'ailleurs, je vais vous faire une confidence : c'est la mise en place de l'Observatoire national des allergies professionnelles au cours de cette année. C'est une recommandation du président de la République. Vous avez affirmé qu'il existe en Algérie un million d'asthmatiques et trois millions de personnes souffrant de rhinite allergique. Quelles sont les possibilités thérapeutiques et les défaillances de prise en charge ? Il n'y a pas de défaillances de prise en charge médicale à proprement parler. Le manque réside dans l'insuffisance des campagnes de sensibilisation des malades de la part des médecins. Un deuxième problème se pose uniquement pour ceux qui n'ont pas de couverture sociale. Il y a là obligation de prise en charge de l'Etat. Sinon, l'Algérie est l'un des rares pays en Afrique à disposer de tous les moyens diagnostiques et thérapeutiques de l'asthme et des allergies respiratoires. La facture des médicaments y afférents est estimée à 1,2 milliard de dollars. Nous allons former des médecins, de pays africains qui n'ont pas cette spécialité, en Algérie. Que représente le programme Gard ? Devant l'augmentation des maladies respiratoires dans le monde, c'est-à-dire 400 millions d'asthmatiques, 600 millions de rhinites allergiques, 100 millions de bronchites chroniques et 50 millions de syndrome de l'apnée du sommeil, l'OMS (Organisation mondiale de la santé, ndlr) a décidé de mettre en place le projet Gard (Global Alliance Against Chronic Respiratory Desease), dont l'Algérie est partie prenante. Il s'agit de réfléchir sur les meilleurs moyens de prendre en charge ces maladies.