La vulgate résume la profonde crise de l'été 1962, qui mit devant un péril mortel la République algérienne à peine née, par laSi les conseils des six Wilayas ont effectivement joué un rôle, en apparence, de premier plan, ils n'ont, en fait, été que les instruments d'une partie de roulette russe à laquelle se livraient, pour le pouvoir évidemment, l'état-major général (EMG), autrement désigné par le nom générique « Armée des frontières », et des hommes forts de la direction de la guerre de Libération, entre autres ceux que la presse appelait « les trois B ». Le GPRA pas plus que le CNRA, instances dirigeantes, n'ont pas résisté au jeu des alliances. Ces deux institutions « légales » ayant été vidées de leur sens par la réunion de Tripoli de mai-juin 1962 et de leur contenu par le jeu des alliances et mésalliances auquel se sont livrés ses membres adoubés par cooptation. Les événements de cet été meurtrier peuvent, à juste titre, être considérés comme la « deuxièmemort » du Congrès de La Soummam qui voulait prendre la précaution d'assurer « la primauté du politique sur le militaire » et « la primauté de l'intérieur sur l'extérieur ». Tout n'a pas commencé en 1962. Ce n'était qu'un acte, pas le dernier malheureusement, d'une tragédie dont l'auteur demeure le hasard des hommes et des événements. formule lapidaire : l'Affaire des Wilayas. 27 mai 1962 : Le CNRA se réunit à Tripoli (Libye) pour, en principe, entériner les termes des accords d'Evian. L'ordre du jour est rapidement débordé. A la hâte, la conférence adopte, après amendements, un programme de gouvernement préalablement élaboré à Hammamet (Tunisie) par un groupe de travail composite, présidé par Ben Bella, constitué de jeunes intellectuels, à la voilure décisionnelle limitée, qui n'avaient, hélas ! d'autre pouvoir que celui de leur incontestable talent. Ce document que l'histoire retient sous le nom de programme ou parfois charte de Tripoli établit le régime socialiste comme modèle de développement et impose le parti unique comme système politique. L'atmosphère est tendue. Les premières alliances, parfois « curieuses », se dessinent dès qu'il s'est agi de la composition du bureau politique. Boudiaf libéré des prisons de France refusera d'ailleurs d'en faire partie et quittera la réunion. Les débats se déroulent en termes crus, aux limites de l'irrévérence. Les luttes pour le pouvoir s'exacerbent. La politique est aux vestiaires. L'irrespect dans la pochette. Les ambitions éclatent au grand jour. Nourrie de compromis, animée par le sempiternel esprit de la cooptation, la crise prévisible, comme une colère contenue, sous incubation durant (à tout le moins) toute la période que couvrait le conflit armé, fait voler en éclats la cohésion spécieuse et les apparences de fraternité. Les héros sont nus. Durant tout l'été qui allait suivre, ils offriront, au peuple, qui attend le retour de ses enfants prodiges, un spectacle déchirant. 7 juin : Toujours à Tripoli, Ben Khedda, président du GPRA, est vertement tancé. Son action est critiquée. Ben Bella, jusqu'en mars, le plus célèbre des prisonniers de France qui goûte aux premiers mois de liberté, s'en prend à l'ancien centraliste, dissident du MTLD, en des termes que tous les témoins jugent grossiers et licencieux. Se sentant déjà vaincu, dès les premières passes d'armes, le deuxième président de l'histoire politique de l'Algérie quitte les travaux du congrès du CNRA. La réunion, qui devait être celle des retrouvailles et de la fraternité recouvrée, capote. Après une violente altercation entre Ben Bella et le colonel Salah Boubnider, la séance est suspendue et les assises avec. La direction, qui se voulait jusque-là collégiale et consensuelle, explose. Le FLN implose. Un chassé croisé sans équivalent dans toute l'histoire, va suivre l'échec politique de la capitale libyenne. Comme un vol de perdrix, éclaté et bruyant, les membres du CNRA vont se répandre dans les capitales des pays arabes et même chez l'ancien ennemi après l'indépendance, pour s'assurer alliances et appuis divers nécessaires à la conquête d'un pouvoir qui semble, à tous, comme à portée de main. 24 au 25 juin : Deux semaines après la débâcle de Tripoli, en Algérie, après permission des pouvoirs français, les accords d'Evian ne les y autorisant pas avant le référendum, débarquent Krim Belkacem, membre du puissant triumvirat que l'on appelait les trois « B » (avec Boussouf, Ben Tobbal) et Mohamed Boudiaf. Ils seraient les inspirateurs de la démarche des responsables des Wilayas II, III, IV, de la Zone autonome d'Alger et de délégués de la Fédération de France auprès du GPRA à Tunis, qui se réunissent à Zemmoura (Wilaya III) pour « examiner la crise entre le GPRA et l'état-major général (EMG) ». A l'issue de la rencontre, ils créent un « comité interwilayas ». Ils condamnent « la rébellion » de EMG, alors dirigé par le colonel Houari Boumediène, assisté par les commandants Ali Mendjeli et Kaïd Ahmed, le quatrième membre, en l'occurrence le commandant Azzedine, ne figurant plus, étant rentré à Alger, avec un ordre de mission du GPRA pour organiser la lutte contre l'OAS. Il siégera lors de cette réunion en qualité de chef de la Zone autonome d'Alger (ZAA). Le comité nouvellement créé demande au GPRA de dénoncer l'EMG. Ils appellent les Wilayas I, V et VI à se rallier à leur action. Mais ces derniers ont d'autres projets, ils rejoignent l'état-major. 27 juin : Une délégation du comité interwilayas né à Zemmoura se rend à Tunis où elle est reçue par quatre ministres du gouvernement provisoire. Les délégués présentent leurs doléances et leurs exigences, notamment la dissolution de l'état-major et l'arrestation de ses membres. La réunion est houleuse, elle se termine par le retrait de Mohamed Khider, un autre parmi les cinq de l'avion piraté par les autorités françaises le 22 octobre 1956 et détenu en France jusqu'au lendemain des accords d'Evian. Ben Bella quitte discrètement Tunis pour Le Caire après une brève escale à Tripoli à bord d'un avion égyptien. 30 juin : Suite aux exigences du conseil interwilayas, le GPRA annonce à Tunis la décision de décapiter EMG et dégrade le colonel Boumediène ainsi que les commandants Mendjeli et Slimane (Kaïd Ahmed). Boumediène quitte Ghardimaou pour se rendre en Wilaya I commandée par Tahar Z'biri. 1er juillet : Le référendum consacre l'Algérie indépendante par 99, 72 % de « oui » (5 994 000 sur 6 034 000 votants et 530 000 abstentions). Ignorant avec une superbe remarquable les affrontements entre les factions et leurs représentants, le peuple algérien se consacre entièrement à sa joie et à ses peines en ces jours uniques dans son histoire. Un hymne, un emblème, ces centaines et centaines et centaines de milliers de morts et puis un mot. Plus doux que le miel qui coulera au paradis, plus blanc que le lait des rivières de l'Eden : Algérie... Ce jour-là, seule la petite histoire, mais alors la toute petite, aura retenu que Ben Bella avait désapprouvé la décision du GPRA de « dégrader » les officiers de l'EMG. 2 juillet : Dans les villes et les campagnes, dans les dunes, dans les montagnes, le colonisé mutant en citoyen ne cesse pas de métamorphoser ses peines en joie et de libérer dans un cri immense ses souffrances avalées de 132 ans de domination, sans doute la plus humiliante que puisse vouloir un homme pour un autre homme. Ce jour-là aussi, l'état-major du « front ouest » (Oujda) s'est déclaré solidaire du colonel Boumediène et de l'EMG. 3 juillet : Proclamation officielle de l'indépendance de l'Algérie. La France reconnaît l'Etat algérien. L'ancienne puissance occupante remet tous les pouvoirs au chef de l'Exécutif provisoire, Abderahmane Farès. Jean-Marcel Jeanneney est désigné comme premier ambassadeur de France en Algérie. Le GPRA, affaibli par la terrible crise qui secoue le landernau politique algérien, fait son entrée à Alger sans Ben Bella (au Caire) et Khider (à Rabat). La voix fluette du président Ben Khedda, les chants patriotiques que déversent les haut-parleurs sur la foule en délire cachent mal les tourments qui menacent le pays. Les premières unités de l'ALN, stationnées au Maroc et en Tunisie, franchissent les frontières conformément aux accords d'Evian. 4 juillet : Moment hautement symbolique s'il en est, pour la première fois le GPRA, contesté par Ben Bella, qui se trouve toujours auprès de Gamal Abdenasser au Caire, et l'EMG désormais dans les frontières intérieures, se réunit à Alger, capitale du jeune Etat algérien. 5 juillet : Nul ne comprendra pourquoi le GPRA prend la décision de mettre fin aux manifestations populaires et ordonne la reprise du travail. 6 juillet : Dans un entretien avec un journal cairote, Ben Bella accuse le GPRA « d'agissements contre-révolutionnaires » et réclame une réunion urgente du CNRA. 7 juillet : Plusieurs démarches sont entreprises pour essayer de désamorcer la crise entre Ben Bella et le GPRA. 9 juillet : Le comité interwilayas tente d'apaiser la situation et lance des appels à qui veut bien les entendre, chacun étant arc-bouté sur ses positions, cherchant plutôt à en renforcer les défenses, à éviter l'affrontement. Il propose en outre la création d'une nouvelle direction. M'Hamed Yazid, habile communicateur et redoutable diplomate, accompagné de Rabah Bitat, membre du « groupe des six » qui ont décidé du déclenchement du 1er Novembre, sont dépêchés à Rabat pour y rencontrer Ben Bella, Mohand Ou El Hadj (wilaya III) et le colonel Hassan (Youssef Khatib de la Wilaya IV) se joignent à eux. Les entretiens sont infructueux. 11 juillet : Le conseil de la Wilaya IV empêche Ben Khedda, président du GPRA, de tenir un meeting à Blida. Tandis qu'à l'ouest du pays, Ben Bella entre à Tlemcen où il s'établit. 12 juillet : Ben Bella arrive à Oran avec Ahmed Francis et Ahmed Boumendjel, tous deux anciens proches de Ferhat Abbès au sein de l'Union démocratique pour le manifeste algérien (UDMA). 16 juillet : Boumediène ainsi que d'autres membres du CNRA rejoignent Ben Bella à Tlemcen. Ferhat Abbès, premier président du GPRA, écarté le 27 août 1961, futur premier président de l'Assemblée nationale constituante (ANC), rallie les partisans de Ben Bella, tout en désapprouvant le principe de parti unique retenu par le programme de Tripoli. 17 au 22 juillet : Réunion de toutes les wilayas à El Asnam (Chlef). Aucun accord de sortie de crise n'a été dégagé. 19 juillet : Nasser, (Egypte), le roi Idriss 1er (Libye), Sékou Touré (Guinée) et Modibo Keita (Mali) offrent leur médiation entre le groupe d'Alger et celui de Tlemcen. C'est un échec malgré la volonté de conciliation du GPRA. 22 juillet : Ahmed Boumendjel, porte-parole du « groupe de Tlemcen », annonce que Ben Bella et ses alliés ont constitué un bureau politique (BP) « chargé de prendre en main les destinées de l'Algérie ». Le BP est composé de MM. Ben Bella, Aït Ahmed, Boudiaf, Mohammedi Saïd, Bitat, Khider et Hadj Ben Alla. On notera que les cinq compagnons de cellule de Ben Bella figurent dans cette institution. Toutefois, Aït Ahmed et Boudiaf refusent d'y figurer. 23 juillet : Ayant décliné l'offre du « groupe de Tlemcen », Boudiaf et Aït Ahmed se retirent à Tizi Ouzou. Ils décident de contrer leur ancien camarade de détention ainsi que ses alliés. Ils leur prêtent « l'intention d'instaurer une dictature en Algérie ». De son côté le GPRA adhère au principe du bureau politique sous condition de son acceptation par le CNRA. 24 juillet : Attentive aux événements qui se déroulent dans son ancienne colonie, la France menace d'intervenir « si la situation s'aggravait... pour protéger ses nationaux ». 25 juillet : Malgré les engagements de Ben Bella auprès du colonel Boubnider, le commandant Larbi Berredjem de la Wilaya II rejoint le camp des partisans de Ben Bella et prend le contrôle de la ville de Constantine. Il y a des affrontements, on y dénombre des morts. Boubnider et Ben Tobbal sont arrêtés. Boudiaf appelle les Algériens à s'organiser pour « faire échec au coup de force ». 27 juillet : Krim Belkacem et Boudiaf s'installent à Tizi Ouzou d'où ils appellent à la création d'un « comité de liaison et de défense de la Révolution » dont le siège serait dans la capitale du Djurdjura. Ainsi, après Alger et Tlemcen, voilà que Tizi Ouzou, à son tour, devient une troisième « Baïkonour » pour l'accession au pouvoir. La Wilaya IV refuse de se joindre à ce qui est désormais le « groupe de Tizi Ouzou ». Deux jours après son arrestation à Constantine, Ben Tobbal est libéré et il gagne Alger d'où il envoie un signal on ne peut plus clair à Ben Bella. Il déclare en effet : « Le GPRA avait donné son accord sur la composition du bureau politique et Mohammedi Saïd était parti à Tlemcen en émissaire... Un bureau politique, c'est mieux que le vide politique. » De leur côté, Saâd Dahlab et Hocine Aït Ahmed, qui n'appartiennent encore à aucun groupe, quittent le GPRA et l'Algérie. On relèvera également, à Alger, des entretiens entre Khider, cheville ouvrière du « groupe de Tlemcen », et Ben Khedda, stoïque président du GPRA lequel n'est plus que l'ombre de lui-même, Ben Tobbal, se joint à eux. 28 juillet : Ben Khedda demande une réunion du CNRA. Les fils ne sont pas coupés, aussi Khider rencontre Krim Belkacem et dans ce tourbillon frénétique qui s'est emparé des dirigeants de la guerre de libération naît l'espoir d'un compromis entre les différentes factions. L'issue pacifique de ces dangereuses tractations semble, en effet, proche. 29 juillet : Brutalement, la Wilaya IV prend le contrôle de la capitale qui relevait jusque-là de la Zone autonome d'Alger. Khider se rend à Paris pour y chercher l'appui et l'alliance des dirigeants de la Fédération de France. Boussouf et Ben Tobbal se rendent à Tunis. 30 juillet : On annonce une rencontre entre Khider, Krim et Boudiaf. Mais ce dernier est enlevé par des éléments de la, Wilaya I à M'sila. A Alger, sur décision du conseil de la Wilaya IV, le commandant Azzedine, chef de la Zone autonome d'Alger, est placé en résidence surveillée alors que son adjoint le commandant Omar Oussedik est arrêté. A Tizi Ouzou, l'avocat Me Bouzida annonce la création du comité de liaison pour « la défense de la Révolution » préconisé par Boudiaf et Krim. 1er août : Sur intervention du BP, Boudiaf est libéré. Il regagne Alger accompagné de Rabah Bitat. Il y rencontre Khider en présence de Krim et du colonel Mohand Ou El Hadj. 2 août : Un compromis intervient entre Boudiaf, Krim et le colonel Mohand Ou El Hadj (Wilaya III) d'une part et Khider et Bitat d'une autre. L'accord stipule que « le BP est reconnu à titre provisoire » et est chargé de préparer les élections à l'Assemblée nationale constituante. Sa durée de vie est d'un mois. Le CNRA doit se réunir un mois après les élections afin de réexaminer la composition du BP. 3 août : Ben Bella fait son entrée à Alger avec le BP auquel s'est joint Boudiaf. Aït Ahmed refuse d'y siéger. 4 août : Le BP procède à la répartition des attributions de ses membres. Khider est désigné comme secrétaire général et chargé de l'information et des finances. Ben Bella est responsable de la coordination avec l'Exécutif provisoire. Boudiaf est à l'orientation et aux affaires extérieures tandis que Hadj Ben Alla se voit confier les affaires militaires. Mohammedi Saïd est à l'éducation et à la santé publique. Bitat, enfin, est à l'organisation du parti et des groupements nationaux. Pour ce qui les concerne, Dahlab et Aït Ahmed sont à Genève. Boussouf et Ben Tobbal sont à Tunis. Krim est en Kabylie. Le grand absent de ce casting est Ben Khedda qui se trouve à Alger, mais isolé, il est exclu de la distribution des rôles. Tout comme le CNRA, le GPRA a été sacrifié sur l'autel des idiosyncrasies des personnalités composant le personnel politique légitimé par la guerre. Désormais et jusqu'à nouvel ordre, le BP sera le prête-nom du deus ex machina qui gérera les affaires politiques de l'Etat algérien naissant. 6 août : Ben Bella se rend à Constantine pour procéder à la conversion de l'armée et à la séparation entre le FLN et l'ALN. 8 août : Le BP proclame qu'il exerce tous les pouvoirs détenus jusqu'alors par le GPRA. 10 août : Confronté au refus des Wilayas III et IV de s'autodissoudre, Khider prononce au nom du BP une allocution dans laquelle il affirme que « la conversion de l'ALN présente un caractère d'urgence incontestable ». 13 août : Après consultation des conseils de Wilaya, le BP annonce la formation d'un « comité national chargé d'organiser le parti ». 19 août : Publication des listes des candidats aux élections de l'Assemblée nationale constituante, prévues pour le 2 septembre. La Wilaya IV met ses troupes en état d'alerte. 20 août : Khider, secrétaire national du BP, annonce la création de « comités électoraux » et de « comités de vigilance ». 22 août : Les partisans du BP manifestent à Alger contre les éléments de la Wilaya IV aux cris de « l'armée dans les casernes ». 23 août : Courte est l'accalmie, ténus les espoirs d'un règlement « fraternel ». En effet, une fusillade à La Casbah d'Alger. La Wilaya IV, qui entend faire valoir son autorité sur ce qu'elle considère comme son territoire, instaure la censure à la radio et les journaux, interdit les déclarations du BP et organise des manifestations. 24 août : Les Wilayas III et IV annoncent que leurs conseils respectifs resteront en place jusqu'à la constitution d'un « Etat algérien élu légalement ». La ZAA continue de se livrer à une guerre de communiqués autour de l'autorité dans la capitale. 25 août : Khider annonce qu'en raison de « l'obstruction » de la Wilaya IV, le BP ne peut plus exercer ses responsabilités. Sur décision unilatérale, il ajourne les élections du 2 septembre. Le conseil de la Wilaya III s'insurge contre cette mesure. Boudiaf démissionne du BP. 27 août : L'escalade ne connaît pas de bémol. Des membres du BP sont arrêtés sur décision du Conseil de la Wilaya IV. Ce dernier considère que la création d'un « comité FLN d'Alger » est en violation de l'accord du 2 août, aux termes duquel les prérogatives du BP provisoire se limitent à la préparation des élections et de la réunion du CNRA. Les Wilayas I, II, V et VI ainsi que l'EMG apportent leur soutien au BP. Les conseils des Wilayas III et IV déclarent qu'ils « feront face à toute agression ». 28 août : Veillée d'armes à Sétif. Les commandants des Wilayas I, II, V et VI se réunissent dans la capitale des Hauts-Plateaux. 29 août : De violents affrontements ont lieu à la Casbah d'Alger entre des partisans du BP et de la Wilaya IV. L'insécurité s'installe. Enlèvements, perquisitions, racket. De nouveau, la France menace d'intervenir pour « protéger ses ressortissants ». Encore présentes sur le territoire de la jeune République, les troupes françaises opèrent un mouvement dans la région d'Alger. L'UGTA appelle à la grève générale. A Alger et à travers tout le pays, le peuple, celui du 1er novembre 1954, du 11 décembre 1960, du 8 mai 1945 - le peuple qui sait mourir utilement, descend dans la rue aux cris de « Sebaâ sinin barakat ! » (« sept ans ça suffit ! »). 30 août : Le BP fait intervenir « ses forces » pour « rétablir l'ordre à Alger ». 1er septembre : Meeting à Alger, à la Maison du peuple, contre « la guerre civile ». 3 au 5 septembre : Tandis que Bitat et Khider se sont réfugiés à l'ambassade d'Egypte, Ben Bella gagne Oran et donne l'ordre aux troupes de l'EMG qu'on appellera aussi l'armée des frontières, qui le soutiennent, de marcher sur Alger. Des affrontements violents entre djounoud de la Wilaya IV et ceux de l'EMG provoquent plusieurs centaines, voire plus d'un millier de morts dans les régions de Boghari, Sidi Aïssa, Sour El Ghozlane, Chlef. 5 septembre : A la demande du colonel Mohand Ou El Hadj de la Wilaya III, un accord intervient entre le BP et les Wilayas III et IV. Il prévoit la démilitarisation de la capitale et l'organisation d'élections à brefs délais. 6 septembre : Une fois de plus, la population descend dans la rue et exige l'arrêt du conflit fratricide. Ben Bella et les chefs de la Wilaya IV se rendent sur les lieux pour arrêter les combats. 9 septembre : Ben Bella et l'armée des frontières commandée par Boumediène entrent dans Alger. Les élections sont fixées au 20 septembre. 13 septembre : Publication d'une nouvelle liste des candidats à l'Assemblée nationale constituante. Ben Khedda et Boussouf n'y figurent plus. 20 septembre : Les électeurs algériens sont appelés à « ratifier » la liste des candidats à l'Assemblée qui leur est soumise. Des listes uniques sont imposées. On y dénombre 196 candidats dont 16 Européens. On relève des combats sporadiques entre éléments de la Wilaya IV et forces favorables au BP. Ben Bella déclare que « la démocratie est un luxe que l'Algérie ne peut encore s'offrir ». 24 septembre : Khider affirme admettre les partis politiques « à condition qu'ils œuvrent dans le cadre de la Constitution ». 25 septembre : Ferhat Abbas est élu président de l'Assemblée nationale constituante par 155 voix contre 36 blancs ou nuls, proclame la naissance de la République algérienne démocratique et Populaire. Par 141 voix sur 189, Ben Bella est désigné pour former le premier gouvernement. L'Exécutif provisoire remet ses pouvoirs au président de l'Assemblée constituante. 28 septembre : Ben Bella présente son gouvernement à l'Assemblée. Il prend pour « programme provisoire » la Charte de Tripoli, dont il avait supervisé les travaux. Boudiaf crée le Parti de la révolution socialiste (PRS). Il relève l'illégitimité du BP de Ben Bella. 29 septembre : Ben Bella est investi par l'Assemblée constituante comme premier président du Conseil des ministres de l'Algérie indépendante. 8 octobre : L'Algérie devient le 109e Etat de l'Organisation des Nations unies.