Actuellement, le Maghreb constitue un bassin géographique important pour l'immigration au Québec, et d'ici 2006 cette tendance ira en augmentant : l'Algérie et le Maroc pourraient absorber toute la capacité d'accueil du Québec, soit entre 40 000 et 45 000 candidats par an. C'est bien simple, en trois ans, les demandes en provenance du Maghreb ont augmenté de 320% ! Elles sont passées de 5000 à 16 000 si bien que cette progression fulgurante a pris de court les services québécois d'immigration qui se disent incapables de traiter les demandes dans des délais raisonnables, puisque avec les ressources actuelles. Il faut compter entre 5 et 7 ans pour voir aboutir un dossier d'émigration. On parle déjà d'un arriéré de 19 000 dossiers qui se sont accumulés provenant essentiellement du Maroc et d'Algérie qui forment le plus gros contingent de candidats alors que la Tunisie arrive loin derrière en troisième place. Certes, partir au Canada séduit de plus en plus, mais le rêve du paradis canadien tourne parfois au cauchemar à l'arrivée. Selon plusieurs études consacrées à l'immigration maghrébine, son insertion professionnelle se fait sous le signe de la précarité, même après plusieurs années d'établissement. Plusieurs immigrants, notamment des cadres supérieurs algériens, ont connu une perte de leur statut d'avant l'immigration. Aussi, on constate qu'une non-reconnaissance effective de leur diplôme et/ou de leur expérience crée en eux une terrible frustration et limite leur possibilité d'insertion. Usant d'un humour satirique, l'ancien ministre de l'Immigration du Canada, Denis Coderre, préoccupé par l'insertion professionnelle des immigrants, aimait à répéter en privé que les chauffeurs de taxi au Canada parmi lesquels on retrouve des médecins, des ingénieurs et des cadres supérieurs, représentaient l'une des catégories de la population les plus scolarisées de tout le pays. En plus des barrières individuelles telles que l'âge, le niveau de scolarité, ou le domaine de spécialisation, la fermeture des corporations, figurent également des barrières systémiques de l'ordre de la discrimination. Par exemple, la discrimination basée sur l'appartenance culturelle ou religieuse. D'autres problèmes touchent particulièrement les couples et les familles avec des enfants. D'abord, on relève un taux assez élevé de divorce. D'une part, le couple confronté à d'énormes pressions finit par se disloquer et d'autre part, les femmes envisagent plus sereinement de vivre seules dans une société d'accueil qui leur est plus favorable. Puis, viennent les problèmes qui touchent les enfants. Souvent lorsque surviennent des cas de violence, la direction de la protection de la jeunesse intervient en écrouant les parents dans la plus part des cas et en plaçant les jeunes dans une famille d'accueil. Cette situation, constatent des médecins, crée des traumatismes et serait facteur d'inadaptation psychologique chez les jeunes. Trop souvent, les parents ignorent le cadre juridique de la société québécoise et ne sont pas suffisamment au fait des valeurs de la société d'accueil. La direction de la protection de la jeunesse, pour sa part, véhicule trop d'amalgames, de préjugés et de raccourcis à l'égard des familles musulmanes, en particulier lorsque surviennent des conflits de valeurs ou de générations. Pour pallier ces nombreux problèmes, le ministère des Relations avec les citoyens et l'Immigration vient de mettre sur pied une table de concertation qui réunit une quinzaine de membres de la communauté maghrébine. Cette dernière est chargée d'établir un plan d'action pour essayer de rétablir l'équilibre entre l'immigrant et son nouveau milieu. Cela étant, il ne faut pas penser que l'expérience migratoire est dénuée de bien-être et d'émancipation. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, elle est également cela.