Fréha n'est plus le petit village de campagne des années 1980. La folie de construction a fortement métamorphosé sa physionomie. La ville a poussé, charriant dans son sillage de nouvelles préoccupations pour la collectivité. En débarquant pour la première fois dans ce chef-lieu de commune, le visiteur est ébahi par l'anarchie ambiante générée par les commerçants ambulants qui vendent en plein carrefour. Il n'y a ni policiers ni gendarmes pour rétablir l'ordre. La ville ne paie pas de mine. Les routes sont sales et défoncées. Première escale : le marché des fruits et légumes. Les étals sont achalandés de marchandise. Les prix affichés sont très abordables comparativement à ceux pratiqués ailleurs. Juste derrière les échoppes de fortune, des ouvriers communaux s'échinent à enlever une succession de toute sorte d'immondices. « Cela fait presque un mois que cette décharge sauvage n'est pas nettoyée. C'est tout le monde qui vient y déverser ses sacs d'ordures. Les bouchers et les commerçants sont les plus grands pollueurs », peste un riverain. Autre constat : les cafés sont bondés de chômeurs. « C'est notre lieu de rendez-vous quotidien », ironise Smail, fraîchement diplômé en sciences juridiques. Comme ses semblables, il s'est retrouvé dans une situation embarrassante après avoir « perdu »inutilement quatre années sur les bancs de l'université. Des projets ? Un seul : partir à l'étranger. Rachid son copain de table ne regrette pas d'avoir raté son baccalauréat. « Les études ne mènent à rien dans ce pays », professe t-il. Il explique avec amertume que les diplômes ne sont plus un moyen garantissant aux universitaires un avenir professionnel à la mesure de leurs ambitions. Sans boulot et donc sans ressources, les jeunes de Fréha broient du noir. Les plus chanceux bossent à droite et à gauche quand l'occasion se présente. Pour meubler la journée, à chacun ses « trucs » : errer du matin au soir, regarder la télévision, dormir, faire la chasse aux filles. Saïd, 31 ans, est cordonnier. Cela fait dix ans qu'il a été recruté par son patron. Il gagne 10 000 DA par mois. Il paye 3000 DA de loyer. Le reste du budget est consacré à sa petite famille. Auparavant, il avait tenté une aventure à Tamanrasset. « Personne n'a voulu de moi. Pour dénicher un job là- bas il faut être pistonné ». Saïd veut travailler à son compte. Toutefois, il avoue que son « projet » est difficile à réaliser. « Le matériel nécessaire pour démarrer me reviendra à dix millions environ. La location est à 10 000 DA ». Les filles sont logées à la même enseigne en matière d'inoccupation et d'ennui. La maison de jeunes est leur seul refuge. Plusieurs formations telles que l'informatique, la comptabilité, la coiffure, la couture, la peinture sur soie, la broderie berbère y sont dispensées. Le centre accueille 130 stagiaires femmes. Elles viennent des villages de la commune mais aussi d'Azzefoun,d'Aghribs, de Timizart et même de Tigzirt. La formation d'une durée de sept mois est gratuite. « Le seul critère exigé, la volonté de l'élève », explique Arezki Ferhat le gestionnaire du centre. Ce foyer dispose également d'une bibliothèque. Près de 700 livres mais très peu de lecteurs fait remarquer le même responsable. « Les jeunes préfèrent la télé et l'Internet (...) Nous avons aussi deux troupes de théâtre et de musique. On aimerait bien se produire mais il n'y a pas de salle de spectacle », notera t-il. Une trentaine de femmes au foyer sont inscrites aux cours d'alphabétisation. D'autres viennent solliciter l'aide morale de la psychologue qui anime la cellule d'écoute depuis décembre 2006.