Dans une région aux potentialités agricoles riches, des jeunes sont installés dans le chômage, l'oisiveté, le trabendo ou pris dans la navigation Internet dans les divers cybercafés ouverts à travers le chef-lieu communal. En empruntant la RN 12 pour aller de Tizi Ouzou vers Azazga (37 km), à 7 km avant le chef-lieu de la commune de Fréha, un panneau représentant une brebis lève le voile sur l'aspect agricole de la localité. Regardée de loin en ces matinées glaciales de février, la localité offre à la vue un épais nuage de brouillard flottant à la surface du sol, laissant apparaître à peine les terrasses des derniers étages des bâtiments de la cité des 300-Logements, située à l'entrée de la ville. La percée des premiers rayons du soleil annonce déjà une journée ensoleillée, pendant que la fragile brume l'enveloppant entamait sa fonte en se dissipant peu à peu. En pénétrant au centre de Fréha, le visiteur verra, comme première image devant ses yeux, des gens se dépêchant à rejoindre leurs lieux de travail au rythme incessant des klaxons de véhicules se croisant et s'arrêtant aux embouteillages permanents, devenus ces derniers temps à ce niveau un véritable casse-tête pour les automobilistes. À moins de 40 km du chef-lieu de la wilaya, la commune de Fréha, avec ses 25.000 âmes réparties sur 21 villages et bourgs, est considérée comme l'une des plus importantes de la daïra d'Azazga, vu la densité de sa population mais aussi sa position géographique se caractérisant par différents chemins d'accès et de liaisons qui permettent de rejoindre les autres cités, telles que Aghrib, Azazga, Souk El Hed (Timizart), Azeffoun… Le nombre important de personnes qui transitent quotidiennement pour rallier Tizi Ouzou illustre amplement le caractère de la densité d'une population diversifiée la fréquentant ou y vivant. Malgré cette vivacité de marées humaines et d'un trafic routier intense à longueur de journée, Fréha accuse néanmoins un énorme retard en matière de développement local. Une situation qui se répercute négativement sur la vie des habitants en général et des jeunes en particulier. En effet, mis à part les petits jobs et les bricoles occasionnelles, le chômage est devenu un cauchemar qui hante l'esprit des jeunes, dont certains, pour y échapper momentanément se résolvent à verser dans l'alcool et la petite délinquance, une pratique qui, à terme, aboutit plutôt dans la dépression et le désespoir. Dans un cybercafé, les yeux rivés sur l'écran, comme des dizaines d'autres internautes, Hamid, technicien en électricité bâtiment, dit qu'il s'est retrouvé au chômage forcé après avoir travaillé tout juste quelques mois chez un privé, alors qu'il ne cesse de sillonner les chantiers de la région dans l'espoir d'être embauché. En vain ! “L'Internet, c'est un autre moyen d'évasion pour oublier un tant soit peu notre amer quotidien”, s'est-il désolé. Avec l'arrivée de l'ADSL dans cette commune depuis l'an dernier, le Net est devenu quelque chose qui “se consomme 24/24 et sans modération”, une autre façon pour eux de “tuer le temps”, non sans quelque espoir de croiser sur leur chemin une Européenne ou une Américaine à inviter… avec comme objectif une proposition de mariage, acte perçu ici par la jeunesse comme une lueur d'espoir dans leur horizon bouché. “J'ai un ami qui s'est marié avec une Française l'été passé, malgré le refus de sa famille, car beaucoup plus âgée que lui, mais la différence d'âge n'est pas importante de son point de vue, surtout quand il s'agit de s'extirper du bourbier de la misère pour aller s'installer définitivement à l'étranger”, ajoute notre vis-à-vis d'un air convaincu. Des potentialités agricoles à l'abandon Il faut rappeler que la commune de Fréha recèle d'énormes potentialités en matière d'agriculture, avec ses surfaces cultivables, ses sources d'eau en abondance, une main-d'œuvre disponible et expérimentée…. Les exploitations agricoles se comptaient par dizaines, voire par centaines, tant l'élevage de bovins et d'ovins faisait la renommée de toute la contrée. “Je me souviens encore, il y a quelques années, de la beauté de ces vaches paissant à satiété dans les vastes champs d'herbe et qui, en fin d'après-midi, se précipitaient vers une fontaine d'eau fraîche qui jaillissait juste à la place de ce bâtiment”, dira Dda Mohand, le doigt levé en direction de l'un des immeubles de la cité des 300-Logements, comme pour nous expliquer à quel point le béton abâtardit la majorité des terres agricoles des plaines qui faisaient la fierté de Fréha. Aujourd'hui, il n'en reste que quelques lopins semés de cultures vivrières, tout juste suffisantes pour une famille. Ce secteur est délaissé par la majorité des paysans attirée vers d'autres activités plus avantageuses, comme le commerce, le transport, la maçonnerie… “La physionomie de cette commune a beaucoup changé. Les constructions poussent comme des champignons… Le temps où les pastèques et autres melons de Fréha, qui pesaient jusqu'à 15 kg l'unité, se vendaient à un prix symbolique est décidément révolu”, ajoute Dda Moh avec un air plein d'amertume et de nostalgie. Pour donner un nouvel essor à l'agriculture dans cette région, l'Etat a encouragé des agriculteurs par des aides allouées aux éleveurs en zones rurales. Dans le cadre du programme de l'habitat rural, la commune a bénéficié ainsi de quelque 360 aides dites des 50 millions de centimes. Toutes les aides ont été distribuées à leurs bénéficiaires et l'opération se déroule dans de bonnes conditions, apprend-on. Ce programme est lancé afin de permettre de fixer les habitants dans les villages et de mettre un terme à l'exode rural qui ne cesse d'étouffer les centres urbains. C'est encore une forme d'encourager les villageois à reprendre les activités liées à l'agriculture. Hacène AOUIDAD