L'expansion de la ville est en train de prendre l'allure d'une métastase. Confinée jusqu'à la veille de la décennie sanglante à des proportions quasiment héritées de l'ère coloniale, la cité de Sidi Saïd n'en finit plus de croître dans toutes les directions et sous toutes les formes. Après avoir, pendant plus de 20 années, vécu sous le règne de l'opulence, la ville finira par oublier de s'urbaniser. Durant les premières années de Chadli, l'érection d'une nouvelle cité sur des vergers d'orangers vieillissants s'était apparentée à un crime contre la nature. La cité du 5 juillet, avec plus de 1 100 logements, avait été considérée comme un non sens. Tout le monde lui trouvera des défauts. Pour le président de la République de l'époque, c'était « haram alikoum », sous entendu que c'était péché que d'avoir sacrifié ces terres agricoles pour y ériger un ensemble immobilier. Pour le citoyen lambda, rien ne justifiait la construction d'un aussi grand ensemble. Pourtant, une fois la construction terminée, le nombre de demandeurs dépassera largement celui de l'offre. En l'espace de 36 mois, la ville était passée du statut de ville sans problème à une cité où les demandes de logements finiront par encombrer toutes les administrations. Très vite, de ville excédentaire, Mostaganem était passée au statut peu enviable de ville déficitaire. Ce qui obligea les responsables à chercher à desserrer l'étau autour du secteur public. Une première tentative sera testée au niveau de ce qui deviendra la cité Djebli. Cet ancien terrain vague sur lequel s'étendait une ferme coloniale, sera érigé en zone d'expansion immobilière. Ce fut une véritable cohue vers ce nouvel eldorado où aucune commodité, ni règle ne viendront codifier les constructions. La demande explose C'est à peine si quelques ingénieux bénéficiaires oseront ériger quelques règles que le bon sens dictait à tout un chacun. Dans la précipitation, personne ne songea à une esquisse d'urbanisation ou de viabilisation. Si bien qu'au bout de quelques années d'errance, il devenait urgent de parer au plus pressé tout juste pour sauver la face. Rien qu'en observant la largeur des rues et des ruelles, l'observateur averti des choses de l'urbanisme ne pourra que constater le formidable gâchis. Toutes ces erreurs n'étaient possibles que parce qu'à l'époque, le prix de cession du mètre carré était pratiquement symbolique, comparé à ce qui se pratique aujourd'hui. Lorsqu'il atteindra le tarif unitaire de 400 DA, le mètre carré sera considéré par certains comme inaccessible. Pourtant, quelques années plus tard, lorsque les premières coopératives immobilières verront le jour, la frénésie de la construction- pas toujours de bon goût comme on peut le constater tous les jours et à travers l'ensemble des espaces bâtis- reprendra de plus belle. La demande devenant exponentielle, il fallait à tout prix dégager de plus en plus d'espaces. A la fin de la décennie 80, Mostaganem était encore une région où il était possible de s'acheter un petit pied à terre pour 50 millions de cts. C'est incontestablement avec l'émergence de la décennie 90 et ses terribles conséquences -sur l'exode des populations chassées de leurs terroirs par un terrorisme violent et sanguinaire- que la pression se fera plus forte. La cote de l'immobilier ne cessera alors d'augmenter au point qu'un minuscule F3 situé sur la route d'Oran sera vendu à plus de 600 millions de centimes. Dans une cité voisine, les maisons individuelles ne se négocient plus en dessous 1,6 milliard de centimes. De simples carcasses, avec parfois la seule dalle du rez-de-chaussée, sont proposées entre 280 et 500 millions de centimes. Dans les toutes nouvelles cités de Kharrouba et de Salamandre, le mètre carré nu est proposé entre 1 et 2 millions de centimes. Quand une première dalle est déjà coulée, un lot de 240 mètres carrés peut allègrement atteindre le milliard. Avec la rareté des offres et l'arrivée des émigrés qui constituent une clientèle à part, il est fort à parier que le prix de l'immobilier local atteignent des sommets. Après avoir été épargné par la spéculation, la ville de Mostaganem et sa périphérie immédiate, grâce à une relative propreté et à ses sites ; dont la plupart avec vue sur mer, ne pourront plus échapper à une spéculation immobilière digne des grandes métropoles.