Les 10 et 11 mai a eu lieu une rencontre de qualité avec pour thème : Ciyoyennneté-droits de l'homme : quel rôle pour l'école ? La Fondation Friedrich Ebert a abrité cette manifestation organisée par le Syndicat autonome des travailleurs de l'éducation et de la formation (Satef). Un bon point donc pour ces syndicalistes qui ouvrent des pistes de réflexion inédites jusque-là dans le monde syndical. La date choisie – imposée par le calendrier de la Fondation – n'a pas drainé beaucoup de monde. Et les absents ont eu tort. La première conférence donnée par Daho Djerbal, directeur de la revue NAQD a été un moment fort. L'universitaire a mis à nu le déficit en citoyenneté que connaît le pays et ce, en apportant cet éclairage historique indispensable pour comprendre ce qui nous arrive en 2007. Il a remonté au temps de la colonisation où le Code de l'indigénat gommait le statut de citoyen aux Algériens de souche. Quant aux partis nationalistes Etoile nord-africaine, PPA - MTLD et ensuite le FLN historique, ils préféraient la notion de peuple-citoyen à celle de l'individu-citoyen. En situation révolutionnaire – celle d'avant 1962 – le primat de l'homme porteur d'arme l'emportait sur celui de l'homme porteur d'idée. C'est ainsi que la lutte pour le pouvoir (crise de l'été 1962) a éliminé de la scène politique des hommes de talent formés intellectuellement et nourris aux valeurs de la démocratie et de la citoyenneté. En tant que monopole de l'Etat et donc de l'exécutif, l'école ne pouvait échapper aux contradictions nées de ce conflit. Elle devient au fil des ans un appareil idéologique bon à formater des sujets respectueux du discours officiel. L'histoire de l'Algérie, par exemple, sera enseignée en dehors de la vérité des faits. Et M. Djerbal de nous citer ce grand patriote, Ahmed Bouda, membre de la direction du PPA de 1937 à 1954. Avant sa mort, il lui a délivré ce témoignage : « Mon fils, déjà adulte ne cessait de me dire : ‘‘ Papa, tu nous as menti. Le livre d'histoire que nous avons en classe dit exactement le contraire de ce que nous racontes''. » Au cours du débat, les constats des enseignants sont allés dans le sens des explications du conférencier. Ce dernier mettra en relief le rapport que développe l'élève algérien – très tôt – avec le savoir. L'adolescent comprend vite que le porteur d'idées est dévalorisé au sein de la société algérienne. Il agira pour contourner cet écueil et s'adonnera non pas aux études mais au « bizness ». C'est ainsi que le message de l'école finit par sombrer dans le discrédit face aux réalités du terrain. A l'évidence, pour pouvoir donner une saine éducation à la citoyenneté – cet ensemble de valeurs universelles –, l'institution scolaire doit s'affranchir de la mainmise des appareils idéologiques et s'en tenir à l'humanisme d'un message ouvert sur la liberté et la responsabilité individuelle. Mais l'école peut-elle contribuer à la formation de cet individu citoyen, lorsqu'elle est mise sous tutelle par le régime politique qui la gère dans ses moindres détails ? La question est valable sous tous les cieux. Elle prend plus de gravité dans les pays où sévit la dictature d'une oligarchie. Pour libérer l'école des chaînes de la manipulation idéologique et de l'endoctrinement, il nous faut libérer le citoyen du parapluie paternaliste d'un pouvoir populiste. Un peuple adulte peut s'assumer dans une citoyenneté pleine et entière. Mais comment ? Il appartient à d'autres associations et organismes à emboîter le pas au Satef par l'organisation de ce type de manifestation. Elles sont d'une urgente nécessité. Doublement vitales, ces manifestations : pour la pérennité de notre nation algérienne et l'avenir de nos enfants.