Aïn Laloui, la soirée du mardi 15 mai était festive et douce à souhait. Et pour cause ! Il y avait, ce soir-là, la projection d'un film en plein air et la température ambiante était idéale. Beaucoup connaissaient par cœur Les Déracinés de Lamine Merbah. Un film époustouflant qui nous ramène vers les années 1888, dans l'Ouarsenis, à l'époque coloniale qui coïncidait avec les expropriations des terres, un film qui, par certains côtés, n'est pas sans rappeler les Raisins de la colère de J. Steinbeck. Mais, qu'importe que Les Déracinés ait été déjà vu par la plupart des habitants de ce village, à 15 km à l'ouest de Bouira ? L'essentiel était d'être ensemble pour 1h15mn, le temps que dure ce long métrage et, comme le dit si bien Saint-Exupéry, en parlant de l'amour (du prochain), de regarder dans la même direction. Et, ce soir, la direction vers laquelle, par le pouvoir du son et de l'image, regardaient enfants et hommes de tous âges, c'était le mur du centre culturel qui, avec la poste et le siège de l'APC, limite la place où le public se trouvait réuni. C'était ce moment de bonheur partagé, offert aux villageois par le cinébus, qu'a voulu ensuite immortaliser Djamel Azizi dans son documentaire fiction. Le travail qui a consisté à faire parler plus d'un spectateur sur ce film, pendant et après son déroulement, a été très difficile, car il fallait dire les répliques inventées par le scénariste et réalisateur Djamel. C'était un film sur le film, en somme. Cela fut long, mais à force de répétition et de ténacité, qui ont dû bouffer pas mal de pellicules et coûter tant d'efforts, l'objectif a été atteint. Satisfait des résultats, Djamel et son équipe pourront ranger leur matériel et rentrer à Bouira. Il était près de minuit. Avant, c'était à Taghzout, dans la daïra de Haïzer, que le spectacle filmé a eu lieu, un spectacle qui a drainé une immense foule et duré jusqu'à une heure du matin. On y a projeté la Montagne de Baya. Djamel, qui nous a déclaré beaucoup devoir à l'auteur de Les Déracinés, rend un hommage appuyé à ce dernier. Diplômé de l'Ecole de cinéma et du journalisme, à Paris en 1989, puis de la Sorbonne, il débute sa carrière par de courts métrages avant de se consacrer aux productions de longue haleine. Définition à ce propos du 7e art, un pont entre les cultures. « Pas de cloisons, pas de bannières entre les cultures », martèle-t-il. Le cinéma, qui apprend à tout le monde à regarder dans la même direction pour se rapprocher et communier ensemble, ce n'est pas, au fond, autre chose : épaule contre épaule, face à l'écran, une prière, quoi !