Il y a ceux qui écrivent l'histoire avec les armes et ceux qui la font avec la musique. Pour Abdallah Oumbadougou, chanteur et compositeur emblématique chez les Touareg, ce sera donc la guitare. Une guitare électrique accompagnée d'une voix rocailleuse et grave. Paris : De notre bureau Deux instruments amplement suffisants pour exprimer les complaintes et les souffrances de la communauté targuie du Niger. Ces hommes et ces femmes, libres et fiers, rentrés des années durant en résistance et en rébellion contre l'Etat central. La musique sera le fils conducteur de leur lutte. Quand les artistes se connectent, l'histoire se raconte avec force et admiration. Tout est parti donc d'un branchement nocturne et anodin de guitares électriques sur les batteries des voitures 4x4 pour voir s'improviser un concert en plein désert nigérien. Mieux que cela, un projet culturel et solidaire prend forme grâce à la rencontre entre Farid Merabet et François Bergeron d'une part, et le chanteur targui Abdallah Oumbadougou, d'autre part. Résultat : naissance des Ishumars, les rockers oubliés du désert. L'aventure de Desert Rebel, du voyage musical commencé sur le sable chaud du Niger et achevé sur les côtes froides et ventées de la Bretagne est le premier volet d'une série de documentaires sur les cultures en résistance à travers le monde. Une autoproduction qui s'inscrit dans une économie alternative de développement durable. 6% des bénéfices seront consacrés au développement des écoles de musique de Abdallah Oumbadougou. L'aventure débute en mars 2005 dans le nord du Niger. Dès 2004 déjà, le projet séduit de nombreux artistes internationaux de renom, à l'image du chanteur Guizmo de Tryo, d'Amazigh Kateb (Gnawa Diffusion) et de Daniel Jamet de la Mano Negra. Elle se poursuivra jusqu'à la sortie d'un film documentaire sur l'histoire tourmentée des Touareg du Niger et un album de 16 titres, tiré des tripes du légendaire targui Abdallah Oumbadougou. « Il a une idéologie rebelle car ses chansons ont vu le jour avec la résistance. Ses chants militent en faveur de la rébellion. L'histoire lui a donné raison », explique Ibrahim Manzo Diallo, directeur du journal nigérien Air info. Le documentaire est un mélange d'histoire et de poésie souvent triste et mélancolique. Il articule les différentes étapes de la création musicale accompagnée de récits de lutte du peuple targui. Prisons et torture Abdallah, lui, ne coulera pas toujours des jours heureux. Pris dans le collimateur du régime nigérien, il a été maintes fois emprisonné. « J'ai été frappé au fouet jusqu'à perdre connaissance. Pourtant, avec la musique, je ne blesse personne », a-t-il témoigné à l'écran. Mais Abdallah Oumbadougou ne désespère pas et s'investit davantage dans la musique comme arme de lutte et de recouvrement de l'indépendance targuie. Il finance une première école à Arlit, suivie d'une seconde à Agadez, la plus grande ville du nord du Niger. De nombreux jeunes ont appris à se servir de la guitare, de la batterie ou des tambours... Ils les utilisent aujourd'hui pour propager leur combat identitaire et politique. La musique de Abdallah Oumbadougou raconte aussi l'union perdue des Touareg et l'émiettement de la résistance, déchirée en plusieurs fronts. Des chants d'honneur et de nostalgie qui ont fait le tour de la France et de l'Europe avant d'arriver en Amérique du Nord. Le collectif Desert Rebel s'est déjà produit sur plus de 70 scènes, en France et à l'étranger, devant plus de 250 000 personnes. Transmusicales de Rennes, Esperanza en Belgique, Festival d'Agadir au Maroc, BAM à Barcelone, Festival d'été au Québec… Tous les podiums sont bons pour prêcher la sage parole des hommes bleus.