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Yasmina Khadra
Littérature « J'étais un étranger parmi les miens »
Publié dans El Watan le 08 - 07 - 2004

Ces mots sont de Yasmina Khadra, l'auteur algérien le plus lu aujourd'hui à travers le monde. Ses derniers romans Cousine K. et La part du mort l'installent, définitivement, dans les deux genres littéraires : le beau texte et le polar.
La consécration mondiale est là, enfin là oserions-nous dire, pour cet écrivain pur jus, aîné d'une fratrie de 7 personnes, né il y a moins de 50 ans dans l'oasis de Kenadsa (Béchar). « Je suis issu d'un père sédentaire et d'une mère bédouine », précisera-t-il, comme pour insister sur une filiation qu'il lui est très chère. L'écrivain est un homme de mémoire. Un écrivain au parcours singulier qui nous avait, par ailleurs, déclaré, il y a quelques années, dans les colonnes de ce même journal que « la vraie maturité est de savoir reconnaître les mérites des autres ». L'homme encore sous les drapeaux, à la fin des années 1990, embarrassait déjà la hiérarchie militaire qui ne savait plus par quel bout le prendre. Et pas uniquement la hiérarchie militaire « parce qu'au sein de l'armée, je suis un intellectuel et chez les intellectuels, je suis un militaire », nous déclarait-il, éreinté qu'il était par cette suspicion à double tête. Au fil du temps, sa vocation littéraire, nourrie au conte du Petit Poucet transformé en « petit Mohamed » au tout début des années 1960, ne pouvait cohabiter avec une casquette envahissante. Mohamed Moulesshoul qui, « bouleversé par les martyrs des Algériens et terriblement choqué par la barbarie des GIA, consacre ses rares moments de répit à l'écriture à chaud de cette monstrueuse partie de la jeune histoire de l'Algérie indépendante ». « Je transcrivais l'histoire en temps réel », nous confiait-il, il y a quelque temps. Toujours dans la clandestinité littéraire « à l'intérieur d'une famille qui ne parle pas » et sous le pseudonyme de Yasmina Khadra, il publiera en 1997 Morituri chez un petit éditeur parisien, Baleine. C'est le déclic tant attendu. Un romancier sort à la lumière. Un romancier qui pense secrètement déjà à « une retraite anticipée » malgré une brillante carrière militaire. Ce roman va le propulser sur la scène internationale. L'œuvre du jeune commandant nommé en 1991 à la tête du Bureau de reconnaissance de la 2e région militaire expliquera en pleine décennie noire que l'anonymat ne le dérangeait pas, qu'il lui était même familier. Ayant « horreur de l'ostentation et des oiseaux de proie qui se font passer pour des phénix », il se trouvait à l'aise dans cette position d'anonyme « comme nos soldats, nos patriotes, nos orphelins, nos veuves, nos savants, nos philosophes, comme notre peuple qui n'a cessé de subir le lâchage des uns et la lâcheté des autres ». « Ma personne ne devra pas être plus importante que mon témoignage », répétera-t-il auprès de ceux qui insistaient à ce qu'il divulgue son identité véritable. Morituri obtient le trophée du meilleur roman francophone. Suivent deux autres livres Double Blanc et L'automne des chimères, celui-ci décroche le prix allemand du roman noir international. La trilogie traduite dans plusieurs langues (et depuis 2003 aux USA) est portée aux nues par le très sérieux Washington Post et la prestigieuse revue Philadelhia Inquirer La trilogie empruntant aux polars ses meilleurs ingrédients littéraires et ses meilleurs ressorts narratifs est longuement saluée par la critique spécialisée. Le succès de ces romans policiers suscitent quelques colères chez certains écrivains algériens qui dénient à l'auteur de Houria - un recueil de nouvelles, écrit à 17 ans et publié en 1984 chez l'ENAL, après 8 ans d'attente - la moindre crédibilité quant au sérieux de ses dénonciations, d'où l'écriture des Agneaux du seigneur et A quoi rêvent les loups édités en 1998 et 1999 chez Julliard, des produits littéraires devenus en Europe et ailleurs des romans historiques de référence, pour la qualité du style d'écriture et la sincérité du témoignage. Profondément « blessé par une institution ravagée par la ségrégation régionaliste et le favoritisme », Mohamed Moulesshoul, « l'homme qui essaya de s'identifier aux personnages qu'il créera lui-même », quittera l'armée et le pays en 2000 et ira s'installer avec ses enfants au Mexique grâce au soutien du Parlement international des écrivains. Il a, néanmoins, l'honnêteté de reconnaître qu'étant soldat « C'était une grande faveur de pouvoir écrire », ajoutant cependant dans ce dilemme qui ne le lâchait point : « J'étais en fait, un étranger parmi les miens. » En 2001, il publie L'Ecrivain (médaille de vermeil de l'Académie française) et rend publique son identité. L'auteur écrivant sous un pseudo de femme révèle sa masculinité. Le charme se rompt et le soldat-écrivain est mis en quarantaine par l'élite de France. Il est une nouvelle fois montré du doigt par certaines âmes malintentionnées des deux rives de la Méditerranée. Des compatriotes sensibles « aux normes bougnoulesques » et des chasseurs de girouettes avides de pantins. Yasmina Khadra ne rentrait pas dans leur moule du « prêt à penser ». Il déçoit les attentes d'un microcosme en mal de sensations. Interdit d'antenne, son image est dévalorisée, sciemment, dans tout l'Hexagone parce que l'enfant du Sud, Moulesshoul, qui avait passé 25 années de bons et loyaux services dans l'ANP, défendra la muette, son corps d'origine, ciblé par les médias français friands de casseroles et autres scandales grossis pour une consommation carnassière. Il déclinera des invitations, des prix et des honneurs parce qu'il refusera les questions jugées « humiliantes et indiscrètes » sur ses activités dans l'armée algérienne. L'intrépide commandant de la prestigieuse 38e brigade d'infanterie mécanisée gardera intact le sens du devoir. Il ne se laissera aucunement happer par une célébrité bâtie sur un déni d'histoire. Il ne pliera pas aux standards éditoriaux fixés aux écrivains goumiers par les maisons « métropolitaines ». L'institution militaire est une famille qu'on ne déteste pas, malgré la censure que celle-ci lui avait imposée alors qu'il n'aspirait qu'à dire par les mots la tragédie d'un peuple pris en otage par une secte de fanatiques, nourrie au sang d'un peuple pris en otage. Nullement impressionné par ce boycott, le digne descendant de la célèbre tribu des Doui Mnii, qui avait donné du fil à retordre aux contingents coloniaux « pacifiant » par le glaive et la goupille l'arrière-pays téméraire, publie en janvier 2002 L'imposture des mots, un ouvrage brulôt à partir duquel il règle des comptes à tous ces donneurs de leçon. Des donneurs de leçon que le spécialiste en communication, Belkacem Mostefaoui, décrit, à juste titre d'ailleurs, d'islamistologues « en chambre des capitales occidentales, plus prompts à monter, pratiquer et valider des hypothèses de laboratoires pour les vendre et se vendre que de prendre l'avion et visiter l'Algérie ». En septembre 2002, soit à peine six mois après L'imposture des mots où sont dénoncés les coups bas, l'arbitraire et la mesquinerie, sévissant dans les cercles parisiens, Yasmina Khadra sort Les hirondelles de Kaboul. Ce dernier roman rencontre immédiatement le succès. L'œuvre saluée par les plus grandes plumes de la planète est traduite simultanément dans plusieurs langues. On la lit aussi bien en Australie qu'en Afrique du Sud, en Pologne qu'aux Etats-Unis, en Grèce et en Turquie. L'ancien cadet de la révolution qui ne rêvait qu'« à une seule chose : écrire » a fini par réaliser ce rêve même si, resté modeste comme le sont tous les intellectuels authentiques Yasmina Khadra ne prétend pas être un grand écrivain il dit avoir peur de la notoriété et avec humilité, il ajoute : « Je suis un écrivain qui est sur le bon chemin ». « Mon éducation m'a enseigné d'être digne », dira-t-il. Digne parce que dans l'art d'écrire, il a été comme il le souhaitait : dans la tranchée où se trouvait l'Algérie qui ne se vend pas pour une bouchée de pain.

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