C'est coudes serrés que beaucoup, à Cannes, se collent comme du mastic dans les réceptions. Pas un soir sans cocktail-party. Beaucoup considèrent aussi qu'avoir un Blackberry dans la poche, c'est l'assurance de ne rien rater dans ce festival World-Class. Et qu'ils ne sont pas forcés de se lever aux aurores pour les premières projections, pour aller approfondir les produits de la haute pensée cinématographique du programme officiel. Sur l'écran de leur génial petit engin, ils peuvent faire défiler les images du cinéma universel... Et comme il fait beau et chaud à Cannes en ce moment, pourquoi ne pas faire un tour à la plage où se trouve une stupéfiante concentration de belles nageuses ?... Ce programme, pourtant, est fort peu réalisable pour la bonne majorité des confrères. Si l'un d'entre nous se réveille après 9 h du matin, il a déjà raté une vingtaine de projections au choix. Et les séances se succèdent à un rythme incessant. Tout cela pour dire qu'il y a deux façons de séjourner sous la Croisette, où il fait bon vivre aussi dans le noir des salles. Comment, sinon, apprécier un film qu'en le voyant dans une bonne copie 35 mm ? Cette année, il y a, au bas mot, 5000 films inscrits, la plupart au marché, qui tous cherchent un débouché, un distributeur. Cannes, c'est aussi business-business. Cette année, paraît-il, l'Asie qui produit beaucoup de films se ferme à l'importation et met l'accent sur l'exportation. Au marché, il faut signaler la présence de l'Afrique du Sud et du Nigeria, deux pays africains où il y a une intense activité de production. Mais, comment et où écoulent-ils leurs films ? A Cannes, on voit sur leurs tables surtout des catalogues de produits vidéo. Cela dit, si ces derniers jours c'est Michael Moore qui a réussi à polariser l'attention et l'enthousiasme du Festival afin de célébrer le 60e anniversaire, un film collectif A chacun son cinéma a fait sensation dimanche. C'est le travail de cinéastes réunis, originaires de 5 continents et de 25 pays. On citera Youcef Chahine, Théo Angelopoulos, Chen Kaige, Wim Wenders, Zhang Yimou, Manuel de Oliveira... Gilles Jacob, le président du Festival de Cannes, a précisé qu'au départ il y avait un pari : comment fêter le 60e anniversaire sans porter de regard nostalgique sur les années passées. Il a pensé à rassembler 35 cinéastes qui sont venus souvent à Cannes. Ils ont eu 25 000 euros chacun pour exprimer en 3 minutes (chacun), leur état d'esprit inspiré par la salle de cinéma, lieu de communion par excellence des cinéphiles du monde entier. Sur les 35 cinéastes, seuls Godard et Coppola n'ont pas répondu. Au final, on a vu 33 petits films légers ou graves, pétillants ou parfois pesants (Chahine a raté sa partie). Les meilleurs films ont été faits par Walter Salles (Brésil). Chen Kaige et Zhang Yimou (Chine), Takeshi Kitano (Japon). Tout comme Chahine, le cinéaste palestinien Elia Souleiman a fourni un bien mauvais film, sans rythme, sans imagination. On est loin des éclairs d'humour de son film précédent.