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Tierno Monenembo. écrivain guinéen
Un vrai travail de sculpteur
Publié dans El Watan le 24 - 05 - 2007

Depuis 1969, cet auteur aujourd'hui mondialement reconnu n'est pas retourné dans son pays. Il a vécu, entre autres, en Algérie et a écrit un roman entre Batna et Tiaret.
Le mois dernier, vous étiez à Tamanrasset en qualité d'invité d'honneur d'une rencontre littéraire internationale au centre universitaire. Quel sentiment avez-vous éprouvé dans cette ville superbe de l'extrême Sud, voire ce lieu mythique ?
Eh bien, je me suis simplement senti heureux de m'y retrouver. C'est un lieu mythique comme vous le dites si bien ! Les régions du Hoggar et du Tassili sont des régions où les Peuls ont séjourné par le passé. Pour moi, il s'agissait en quelque sorte d'un retour aux sources, pour ne pas dire tout simplement d'un retour à la source. Parce que c'est dans cette région que les peuples noirs et berbère ont germé avant de se disperser aux quatre coins du continent.
Vous avez vécu en Algérie quelques années et je crois savoir qu'un de vos romans a été écrit justement dans notre pays ?
Absolument ! J'ai vécu en Algérie dans les années 1980 et mon deuxième roman, intitulé les Ecailles du ciel a été entièrement écrit à Batna et à Tiaret. J'ai enseigné en effet dans ces villes dans les années 1980.
Avec votre écriture fluide et votre verbe fort, vos romans ont suscité de nombreux commentaires, souvent élogieux d'ailleurs. Ce maniement particulier de la langue française, comment l'avez-vous acquis ?
Déjà, j'ai dû l'acquérir à l'école, au collège, au lycée où mes maîtres qui étaient issus de l'école coloniale avaient été façonnés avant tout pour manier et transmettre le bon français. Par la suite, évidemment, mes lectures dans cette langue ont été aussi diverses que les pays où j'ai dû séjourner en trente-sept ans d'errance et d'exil.
L'exil vous a marqué personnellement et a marqué votre production littéraire. Vous en parlez souvent et c'est sans doute votre thème majeur.
Cela s'explique par le fait que j'ai été obligé, en 1969, de quitter mon pays pour des raisons politiques. Et depuis, jusqu'à ce jour d'ailleurs, j'ai dû vivre différents états de l'exil, l'exil politique et physique. De là, j'en suis arrivé à l'exil de l'imaginaire qui est devenu, au fil des ans, la source principale de mon travail littéraire, la matière première de mes romans.
Pour la plupart des écrivains africains, la question des langues se pose comme un enjeu, voire une cause de conflits intérieurs. Considérez-vous que vous êtes pleinement arrivé à introduire votre part africaine et, à l'intérieur, votre part guinéenne, dans la langue française ?
Il est bien évident que lorsqu'on est un Africain et que l'on écrit en langue française, on ressent d'abord et avant tout le souci de ne pas disparaître corps et âme dans cette langue française qui est à l'origine la langue du colonisateur. On en arrive donc très vite à la nécessité de plier sa syntaxe à la syntaxe africaine et son imaginaire à l'imaginaire africain. C'est ce que je m'efforce de réaliser à travers mon écriture.
Oui, mais par quels procédés ? Pourriez-vous nous donner un exemple un peu plus précis de ce type d'adaptation pour illustrer votre propos ?
L'exemple précis n'est pas là. Il est dans le livre, il est dans le ton même du livre. Mais je peux vous en souligner un détail. Par exemple, pour dire que son personnage est mort, l'écrivain Ahmadou Kourouma dit : « Il a fini ». Ce n'est pas du français à proprement parler. C'est une expression typiquement malinké qui se trouve ainsi transposée dans la langue française.
Quelle place accordez-vous à la création linguistique, au travail sur la langue d'écriture ? Revenez-vous sur votre ouvrage ? Ou bien considérez-vous que le premier jet d'écriture reste le meilleur ?
Le premier jet est très important pour moi, car c'est lui qui lui donne sa saveur. Mais on n'a jamais fini de revenir là-dessus pour dégrossir les personnages et ajuster le ton. C'est un travail interminable en fait. C'est un vrai travail de sculpteur qui va d'ébauches en affinements.
Et avant d'entamer ce travail, est-ce que vous élaborez d'abord vos textes en pensée. Préfigurez-vous constamment à ce que vous allez créer ?
Exactement ! Vous savez, je vis longtemps mes livres avant de les écrire et j'ai une peur bleue de les relire une fois qu'ils ont été publiés. Quand il m'arrive de le faire, je n'ai alors qu'une seule envie, celle de les corriger du début à la fin.
Venons-en aux sujets de vos romans qui portent sur l'histoire de l'Afrique et surtout l'histoire de l'Afrique contemporaine. Pourquoi ce rapport étroit avec l'histoire immédiate ?
Tout simplement parce qu'il est difficile d'être un Africain aujourd'hui et de ne pas avoir le nez et les pieds englués dans l'histoire immédiate. Je suis même sûr que si les Africains font de la littérature, c'est d'abord et avant tout pour se dégager des démons de l'histoire, et surtout, en effet, de ceux de l'histoire immédiate.
La question de l'utilisation des enfants africains comme soldats vous révolte. Cette indignation est si forte que vous avez consacré un roman à cet état de fait. Est-ce un mal africain ? Que peut-on faire pour sortir de cette violence contre l'enfance africaine qui aura des conséquences graves à long terme ?
Il est clair que c'est un terrible fléau africain. On le retrouve au Libéria, au Sierra Léone, au Congo, en Somalie et c'est curieux de voir que c'est un sujet qui a envahi à lui seul le roman africain. Ahmadou Kourouma, Emmanuel Dangala et moi-même l'avons traité en même temps, sans même nous consulter, un sujet exactement commun dans les années 1980. Avec William Sassine, Sony Labou Tansi et moi-même, nous avions traité des littératures africaines alors que nous ne nous connaissions même pas encore...
Il ne revient sans doute pas aux écrivains africains de résoudre les problèmes de l'Afrique mais, d'après vous, que peuvent faire les intellectuels de notre continent ?
Le rôle des intellectuels africains est de parler de l'Afrique en toute liberté, de ne jamais cesser de parler de l'Afrique, car s'il n'appartient certainement pas à l'écrivain de résoudre les problèmes de ce continent en mouvement, c'est à lui et aux intellectuels en général qu'il revient de les poser.
La thématique du colloque de Tamanrasset était centrée sur la question : « Comment sortir du postcolonial ? » D'après-vous, peut-on en sortir ? Et doit-on sortir de cette référence constante au colonial ? Quelle est votre position sur ce concept ?
Le terme postcolonial n'est pas très important en lui-même. C'est le mot que les critiques on trouvé pour désigner des littératures complexes, issues des anciens pays colonisés et en perpétuelle naissance. Qu'on le veuille ou non, c'est une littérature qui a été déterminée par le fait colonial et qui fut d'abord et avant tout un instrument de libération, même si, il est vrai que cinquante ans après les indépendances, c'est une littérature qui a acquis une grande autonomie. Mais peut-être qu'il est temps de songer à un autre concept pour le désigner, vous avez raison.
Justement, dans ce monde de plus en plus globalisant, cette Afrique extrême, ou même cette Afrique de l'extrême, a toujours besoin d'un conteur qui la raconte pour la dire au monde.
Certainement, et vous le savez bien, je pense que l'histoire est d'abord et avant tout une narration. Les peuples n'existent que tant qu'ils se racontent. Il est vrai que la littérature africaine est condamnée, en se modernisant, à subir l'influence des autres, mais le vieux conteur africain sera toujours là, tapi dans l'ombre pour souffler à l'auteur, à l'écrivain, le plus intime de son inspiration, la part intime de cette inspiration.
Pour clore cet entretien, une question sur les frontières qui sont de plus en plus fermées pour les gens du Sud dont la mobilité est limitée, contrairement à celle des Européens. Comment vivez-vous cet état de fait ?
Il ne faut pas se faire d'illusion là-dessus. Les pays du Nord vont de plus en plus fermer leurs portes. Cela, les jeunes Africains le savent et ils préfèrent de plus en plus mourir sous les balles des tyrans africains que de se noyer dans la Méditerranée. Ils savent qu'avec un peu de sacrifice, à Alger, à Conakry ou à Dakar, ils peuvent changer les choses. A Paris, Londres ou New York, ils ne peuvent rien changer du tout.


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