Ainsi donc, les treize millions d'Algériens qui n'ont pas voté il y a une semaine, ont simplement succombé à la paresse hebdomadaire ! Ils ont juste voulu s'amuser, pour une fois, de ne pas répondre à l'appel du Pouvoir pour profiter du soleil et de la plage comme l'a suggéré Zerhouni… Le patron du FLN, Abdelaziz Belkhadem, a été très dur avec le peuple, ce mardi soir, dans l'émission « Fi Samim ». Il a tenté maladroitement de brûler vif cet espoir né jeudi 17, d'une réelle prise de conscience populaire. « Je le dis et le répète, le peuple n'a transmis aucun message politique à travers le taux d'abstention. » Quoi de plus insultant pour l'intelligence des Algériens que de leur jeter une telle contre-vérité à la figure ? Mais diantre, pour qui M. Belkhadem prend-il ces millions d'Algériens qui ont tourné le dos aux urnes pour qu'il les considère à ce point apolitiques voire ignorants ? A moins qu'il ne soit encore sous le choc de ce séisme électoral qui a lézardé la forteresse de son FLN, au point de s'emmêler les pinceaux. Et cela se voyait très bien au demeurant à travers sa mine défaite au petit écran. Belkhadem a invité les Algériens à un exercice de politique-fiction qui consiste à faire le discernement entre « ne pas aller voter, et boycotter » ! Difficile, vraiment difficile de démêler l'écheveau d'un tel échafaudage sémantique, plus proche de la philosophie que de la politique plutôt terre à terre. Sans le citer, le chef du FLN voulait visiblement réduire « le message politique » aux seuls partisans du FFS qui ont obéi à la consigne de leur direction. Pour le reste, tout le reste, de ces bataillons d'abstentionnistes, ils n'auraient, aux yeux de Belkhadem, aucune motivation politique qui les aurait poussés à bouder le scrutin. Ils ont juste voulu ne pas voter, comme ça, par plaisir… Mais, quand on ne juge pas utile d'aller glisser son bulletin dans l'urne en citoyen civilisé, c'est qu'il y a précisément un problème. Il y a donc une motivation, une bonne raison et des millions d'autres arguments qui ont rendu possible ce constat de carence. Et ces raisons, qu'elles soient sociales, culturelles, économiques ou simplement de défiance vis-à-vis de cette assemblée inodore et insonore qui ne relaye pas les cris de détresse de ces abstentionnistes sont, en définitive, politiques ! C'est quoi finalement la politique, sinon la somme de toutes ces « politiques » menées par le gouvernement de l'Alliance présidentielle dans tous les domaines de la vie publique ? C'est donc une sanction populaire d'une politique. Oui M. Belkhadem, les 13 millions d'Algériens qui ont déserté les bureaux de vote ont transmis un message politique limpide. Sauf si l'objet de la politique au FLN serait autre chose que l'art de gérer la cité, ou vous ne voulez simplement pas le décoder comme tel. Réduire la maturité politique aux seuls militants encartés c'est prendre la majorité des Algériens pour des canards sauvages. Abdelaziz Belkhadem croit trouver un argument massue à son indéfendable thèse en soutenant que la foule était au rendez-vous lors du déplacement du Président à Annaba, donc il n'y avait, d'après lui, aucun message politique à tirer de l'abstention. Pourquoi donc ce mélange des genres qui lui fait prendre les sympathisants du Président - si tant est que la foule soit réellement spontanée !- pour des militants du FLN forcément ? A trop vouloir dédouaner le président de la République de la désaffection populaire, M. Belkhadem s'est enfermé dans un raisonnement politiquement incorrect. Omar Bouacha a traité les Algériens d'inconscients. Belkhadem a dit la même chose autrement… Heureusement que Ahmed Ouyahia a « sauvé » la soirée en appelant à prendre « très au sérieux » la majorité silencieuse.