Abdelaziz Belkhadem est le premier officiel à avoir brûlé publiquement la Commission nationale de surveillance des élections. Le chef du FLN ne fait confiance qu'au Conseil constitutionnel, une institution sans aucune indépendance. Jusque-là, les modèles de type CNPSEL, mis en pratique depuis l'élection présidentielle de 1995, étaient présentés comme une solide « garantie » contre la fraude. Le chef du gouvernement vient de détruire définitivement cette thèse, jetant une nouvelle ombre sur les scrutins précédents. Dans une lettre adressée au président de la République, la commission de Saïd Bouchaïr a mis à l'index le FLN, coupable d'irrégularités massives au vote. C'est un geste inédit qui n'a pas plu au ministre de l'Intérieur. Yazid Zerhouni a même eu recours au cynisme pour vider de leur substance les soupçons de trafic aux législatives du 17 mai. Il a expédié une conférence de presse durant laquelle il s'est montré irrité. Il a vite fait de minimiser les faits inventant même des « excuses » qu'auraient faites Saïd Bouchaïr. Celui-ci a démenti formellement avoir demandé pardon. « C'est à l'administration de s'excuser », a-t-il lancé, regrettant que le ministre de l'Intérieur ait réduit la CNPSEL, créée par décret présidentiel, à une simple police de circulation à El Bayadh ! C'es là un signe évident d'une crise qui commence à prendre comme le feu dans la paille. Une faille dans le système ? Les pratiques politiques dans le pays, dont les ressorts sont opaques, font que la commission Bouchaïr ne peut pas agir seule. Autrement dit, elle ne peut pas affronter le duo Zerhouni-Belkhadem sans être appuyée. Par qui ? Là est toute la question. Dans ce genre de conflit, qui met en jeu la crédibilité de l'institution de l'Etat, c'est au président de la République de trancher, d'avoir le dernier mot. Or, Abdelaziz Bouteflika se tait. Il ne dit rien sur le processus électoral qui vient de s'achever. Ni en bon ni en mauvais. La communauté internationale, à commencer par les Etats-Unis et l'Union européenne, a, elle aussi, gardé le silence. Attitude à analyser avec sérieux. Avec un taux de participation historiquement faible et des soupçons de fraude, les législatives, les deuxièmes que gère le ministre de l'Intérieur actuel, sont doublement entachées. Quelle que soit la couleur de la vitrine, la future APN aura une aile cassée et un pied dans le plâtre. Autre problème : le Conseil constitutionnel n'aura, probablement, pas ce courage d'avaliser les observations de la CNPSEL dans leur globalité. Il ne l'a jamais fait par le passé. Il n'existe aucune raison pour qu'il le fasse cette fois-ci. Sauf que le traumatisme créé par la polémique actuelle risque de déteindre sur les murs de l'auguste Conseil. Cela dit, il ne sert à rien de vouloir charger les partis, comme tendent à le faire Yazid Zerhouni et la télévision d'Etat. L'urgence est de « faire » quelque chose pour améliorer l'image ternie de l'administration. A moins que l'on veuille, à un niveau ou à un autre de la décision, consacrer une démocratie, même de façade, sans partis, dévitaliser à mort une chambre parlementaire déjà ligotée et ignorer la colère de plus de treize millions d'Algériens qui n'ont pas voté ou qui ont mis des bulletins, chargés de « douceurs » à l'adresse du pouvoir, dans les urnes.