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Gestion anarchique et informelle des plages
Saison touristique 2008
Publié dans La Tribune le 25 - 06 - 2008


Photo :Sahel
Par Amel Bouakba
C'est la saison des vacances. Le soleil se fait plus que jamais caressant, invitant agréablement à l'évasion ; la nature explose, exulte ; les sens s'épanouissent, les couleurs de l'été se font chatoyantes… S'enfuir, le temps des vacances, vers les stations balnéaires titille nos envies. Nous jetons volontiers notre dévolu sur la plage. Celle-ci reste la destination favorite des vacanciers qui veulent s'offrir des moments de détente et de plaisir, loin du bruit assourdissant de la ville.
Des plages magnifiques et des paysages de rêve parsemés d'estivants s'offrent à nous, mais une panoplie de désagréments fait ombre au tableau et empêche les estivants de profiter pleinement des plaisirs de la mer et des vacances : pollution, absence d'aménagement, d'animation, gestion anarchique…
caractérisent les plages algériennes. Un décor désormais récurrent durant la saison estivale. Une virée aux plages du littoral algérois, de R'mila, en passant par Franco, jusqu'à Sidi Fredj pour ne citer que celles-là, illustre l'état déplorable de nos plages.
Sur les lieux, la même scène revient. Des sachets en plastique jonchent le sable et flottent sur la mer.
Des restes de repas, des bouteilles, des ordures de toutes sortes…
Quand l'aménagement fait défaut !
Dès que vous vous approchez d'une plage, des jeunes surgissent de nulle part et vous accostent : un parasol ? des chaises ? Ces prestations sont de plus en plus chères. Si le parking est à 50 dinars, la location d'un parasol est à 200 dinars et celle d'une chaise à 100 dinars. La saison touristique a démarré le 1er juin, mais de façon discrète, sans qu'au préalable soient mis en place des commodités ou des aménagements spécifiques. Il n'y a pas non plus de mesures prises par les autorités locales pour assurer un meilleur accueil des estivants. L'opération des concessions des plages accuse, elle aussi, un énorme retard. La plupart des APC n'ont pas encore délivré l'autorisation de concession des plages. Des jeunes et des adolescents ont accaparé de façon informelle des parcelles de plage et font la loi, en l'absence des pouvoirs publics. Il n'y a pas trace de gestionnaire ou d'un quelconque responsable sur les lieux visités.
Une halte à la plage Franco, de Raïs Hamidou, le confirme. Seule la lumière du soleil, le sable chaud pour réjouir les amateurs de plage. Ces derniers s'en accommodent comme ils peuvent. Cette petite plage est littéralement envahie par des adolescents en cette journée au soleil de plomb. Une grande partie est issue des quartiers défavorisés, à l'image de ces jeunes venus de Oued S'mar. «Nous fréquentons de façon quotidienne cette plage.» Ces jeunes n'ont pas besoin de grand-chose pour s'amuser. Exclus de l'école, ils ont à peine 12 à 15 ans. Ne pouvant se permettre de louer un parasol, ils supportent malgré eux le soleil torride. Pour la restauration, ils ne se compliquent pas la vie : un morceau de «garentita» fera l'affaire. Elle est vendue sur place chez un gargotier, le seul qui est installé ici et qui propose aussi des pizzas et des boisons. D'autres confient préférer apporter des provisions de la maison car cela leur revient nettement moins cher. Quant aux vendeurs ambulants, il n'y en a pas. Tout est fait pour éviter les risques d'intoxication alimentaire. «Dernièrement, un vendeur est venu proposer des sandwichs aux merguez mais on l'a chassé», rétorque un agent de la Protection civile. La sécurité des lieux est assurée par la présence de la Protection civile et de la police.
Les agents de sécurité, s'affichent cette année avec des Quads, des motos tout terrain pour circuler sur la plage et faire régner le calme et la quiétude.
Depuis le début du mois, les pompiers ont porté secours à une vingtaine de nageurs, la plupart des enfants ou des adolescents. Ils en ont sauvé beaucoup de la noyade. Ceux qui s'aventurent au large courent un grand danger. Nombreux sont ceux qui se blessent dans les rochers ou dans des détritus et des carcasses de véhicules. C'est que les inondations de Bab El Oued n'ont pas laissé que des souvenirs douloureux et indélébiles. Elles ont aussi laissé au fond de la plage Franco des carcasses de véhicules emportés par «El Hamla». Le bureau exigu de la Protection civile les accueille à toute heure. Un adolescent entre, la jambe tout en sang. Le pompier lui porte les premiers secours. Mais les moyens très minces dont il dispose ne permettent pas de soigner convenablement le blessé. La boîte à pharmacie ne contient qu'un petit flacon d'alcool et un autre de Bétadine. Ces produits sont censés tenir tout un mois. Chose impossible quand on sait le nombre de blessés qui affluent.
Le nettoyage de la plage est assuré quotidiennement par les services de l'APC. Mais l'incivisme des estivants est à chaque fois pointé du doigt.
«Ils partent mais laissent leurs ordures qui jonchent et salissent la plage», s'insurge-t-on. La cimenterie de La Pointe rejette ses déchets vers la plage et constitue une source de pollution considérable.
Les habitants riverains de la plage Franco se plaignent quant à eux que la propreté des plages ne soit d'actualité qu'en été.
Des plages de plus en plus polluées !
«C'est bien en été, mais essayez de faire un tour en hiver et vous verrez un tout autre décor.
Cette plage baigne dans la saleté», confie un groupe de jeunes habitants de La Pointe. L'enlèvement des ordures est tout aussi nécessaire durant la période hivernale, ajoute-t-il. S'agissant des agressions, ils reconnaissent que, depuis la fermeture il y a à peu près trois ans des bars environnants, le calme est de retour. «Auparavant, les agressions étaient quasi quotidiennes et maintenant, el hamdoulah, les choses se sont fort heureusement améliorées.»
Les familles peuvent désormais fréquenter ce lieu paisiblement. Autre destination : la Plage Caryo de Sidi Fredj. La même situation est constatée.
La plage est sale. Sur les lieux, des dizaines de parasols loués à 200 dinars chacun sont plantés.
Mais l'absence de commodités et de restauration est criante et fortement critiquée par les estivants.
Seuls des sanitaires et des douches à 20 dinars sont implantés. Ce qui fera dire à un émigré résidant en Belgique rencontré sur place : «Cette saison touristique n'a apporté aucun changement.» Cela fait six ans qu'il fait un come back estival au pays mais il dit n'avoir constaté aucune amélioration dans les prestations de services. «Il y a eu tant d'encre qui a coulé sur les préparatifs de cette saison, sur les engagements des acteurs du tourisme dans le cadre du plan qualité tourisme, mais sur les lieux les choses ne se sont guère améliorées», avoue ce compatriote rencontré à Sidi Fredj. «Qu'en est-il des engagements du ministre de l'Aménagement du territoire et du Tourisme, Cherif Rahmani, de faire de l'accueil et de l'aménagement des plages une priorité pour cette saison ?» s'interroge-t-il encore.
Pour se restaurer, il faut faire plus de 500 mètres avant de trouver de quoi étancher sa soif et calmer sa faim. C'est inconcevable, lâche-t-il. A Sidi Fredj comme un peu partout ailleurs, le démarrage de la saison touristique semble prendre un sacré retard.
R'mila, la plage des pauvres
La plage R'Mila, de Bab El Oued, est noire de monde. Les occupants, une majorité sont des habitants de la région et des quartiers limitrophes qui peuvent se déplacer aisément sans avoir besoin de transport. Ils y trouvent leur bonheur. Un bonheur tout simple qu'ils ont enfin retrouvé depuis qu'elle a été rouverte à la baignade. Cela fait trois ans que cette plage accueille à nouveau les estivants, après s'être enfin remise des tristement célèbres événements des inondations de Bab El Oued. R'mila est la plage des pauvres. Ceux qui semblent se contenter du soleil et du sable chaud. Ceux qui ne recherchent qu'à profiter des plaisirs simples de la vie, à l'image de cette jeune femme, une habitante de Bab El Oued. «Cette plage est toute proche de chez moi et j'en profite au maximum. Cela me permet de venir me détendre après le travail avec mes enfants, sans avoir à me déplacer ailleurs», confesse-t-elle.
A la plage R'mila, même topo. Des jeunes louent des parasols, mais à des prix moins chers, à savoir 100 dinars. Les autorités locales ont oublié cette plage qui pourtant connaît une grande affluence, regrettent des habitants des quartiers riverains et des pêcheurs qui s'adonnent à leurs heures perdues au plaisir de leur loisir favori. Ces enfants de la mer chérissent la plage R'mila et attendent plus d'attention de la part des autorités locales. Ils font part de l'absence d'éclairage et d'entretien.
«Beaucoup de familles fréquentent cette plage.
Durant l'été notamment, les sorties se font de plus en plus fréquentes et douces le soir mais l'absence de projecteurs les découragent», déplorent nos interlocuteurs. La fin du mois de juin approche mais les plages ne sont toujours pas aménagées. La pollution continue de ternir l'image de notre beau littoral et décourage les touristes de venir en Algérie. L'absence d'infrastructures d'accueil, de restauration, de sanitaires se fait cruellement ressentir. Quant aux collectivités locales, elles brillent par leur absence.


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