« Un rocher illuminé par l'homme et les oiseaux à toujours. » C'est par ces quelques mots consignés dans le Livre d'Or du phare qu'un architecte-paysagiste a résumé ses impressions après son passage en ce lieu incontournable pour tout visiteur de la région. Par une matinée légèrement brumeuse et nuageuse de ce mois de juin, nous nous sommes rendus, une fois encore, au Grand Phare à moins d'une dizaine de kilomètres à l'ouest de Jijel, un phare débordant amplement de sa vocation de guide pour les bateaux dansla nuit pour s'insérer tout simplement dans le patrimoine local. Nous n'en sommes pas à notre première virée dans cet édifice intégré agréablement au site en valorisant même la valeur, mais on s'y presse, tout charmé, comme si on allait à sa découverte. Après avoir traversé la localité d'Ouled Bounar (5 km à l'ouest de Jijel), et sitôt le virage qui surplombe deux magnifiques criques abordé, s'offre, au regard charmé, le cap Afia sur lequel trône majestueusement, telle une sentinelle, le phare Ras El Afia. En quittant la RN43, il faut prendre une petite route, qui mérite bien une réfection, menant jusqu'au portail avancé du phare. L'écueil de la salamandre C'est sur la pointe rocheuse ouest de Leghrifat du cap Afia, une langue de terre qui avance en Y dans la mer que fut construit en 1867 le phare de Ras El Afia, communément appelé Grand Phare, pour avertir les navires de la présence de l'écueil de la salamandre à quelques milles nautiques au nord. La presqu'île qui abrite le phare et où l'on note la présence de matériels lithiques préhistoriques de différentes époques est longée à l'est par une magnifique plage avec son sable rouge caractéristique et à l'ouest, une anse très prisée par les pêcheurs invétérés. Le coin qu'on désigne par Leghrifat (chambrettes) serait probablement une allusion à l'emplacement dont subsistent, au sommet d'une colline plus au sud, les ruines d'un campement romain. Quant à Afia, bien que l'origine ne soit pas bien établie, on soupçonne une vraisemblable corruption par l'arabe du mot afia (lumière) du berbère ancien en référence à un sémaphore antique qui s'élevait dans le campement, indiquant la proximité d'Igilgilis Colonia (Jijel). Avant de longer les trois palmiers qui balisent le chemin menant vers l'escalier en pierre qui zigzague jusqu'à la porte d'accès au phare, nous rencontrons Mourad Azzoune, un des gardiens du phare, qui s'est fait une joie de nous faire visiter cette merveille. Lanterne rouge L'imposante bâtisse rectangulaire réalisée en maçonnerie et peinte d'un blanc éclatant est couronnée d'une tour octogonale que termine à une hauteur de 43 m la lanterne de couleur rouge qui protège la lampe et l'optique des intempéries. Un feu auxiliaire se trouvant plus bas est destiné à guider les petits bateaux qui longent la côte vu la présence de trois bancs rocheux qui émergent de l'eau à quelques centaines de mètres du phare. Le soubassement qui ceinture tout le tour de l'édifice est de pierres apparentes qui lui donnent l'aspect d'une forteresse. Ras El Afia est classé parmi les phares de jalonnement des côtes qui précisent le tracé d'une route maritime très fréquentée. A l'intérieur de la bâtisse de deux étages, nous remarquerons qu'il y a, dans ces lieux maintenus dans une propreté impeccable, assez d'espace pour y avoir aménagé deux chambres spacieuses, une cuisine et des locaux de service. De la terrasse, le visiteur découvre une vue imprenable sur la mer au nord, El-Aouana et ses pitons en cascade, à l'ouest et Lalla Mezghitane, la montagne qui veille silencieusement sur la ville de Jijel, au sud. Pareil spectacle demeure un enchantement, gravé pour toujours dans la mémoire du touriste de passage. Pour accéder au sommet de la tourelle, il faut escalader les 36 marches d'un escalier en colimaçon qui tourne dans la cage. Le dispositif optique, que protège la lanterne vitrée et colorée en rouge, est accessible par un petit escalier de neuf marches. Durant la journée, et afin de protéger les équipements des rayons du soleil, le vitrage est recouvert complètement d'une bâche. A ce niveau se trouve la lampe fixe produisant la lumière et le système optique pour la concentrer en la dirigeant vers l'horizon. Ce dernier est composé d'une lentille de Fresnel du nom de l'inventeur français de la lentille convergente formée de prismes concentriques décalés. Le dispositif mu par un moteur baigne dans une cuve de mercure, qui assure la sustentation du plateau, et le fait tourner docilement. Le phare, dont les coordonnées géographiques sont de 36°49'N et 5°42'E, émet dès la tombée de la nuit un éclat rouge avec une période d'occultation de cinq secondes, soit le temps d'une rotation. Ras El Afia est sans conteste la cerise sur le gâteau succulent qu'est la corniche jijelienne qui n'a de cesse envoûté le touriste par ses ingrédients de choix : la mer, la forêt et la montagne.