Quand il n'est pas la conséquence d'un handicap de départ entre la naissance et six ans (hyperactivité, dyslexie et autres retards ou troubles du comportement) l'échec scolaire est souvent imputé à l'élève et/ou à sa famille. L'institution relayée par les enseignants se donnera bonne conscience en se dédouanant. Des appréciations du type : « Ne veut pas travailler », « N'est pas motivé pour les études », « Manque de volonté », « Ne fournit pas d'efforts »… viennent sonner le verdict. S'est-on penché sur les raisons objectives qui peuvent amener un enfant à échouer dans les études alors qu'il est normalement constitué ? Et si le mal n'était pas en lui ? Nous ne parlons pas ici de ceux desservis par la nature, ou trop bien servis comme les surdoués. Ces questions ne sont nullement évoquées au soir des résultats/sanctions de fin d'année. Et pourtant, certains pays ont pris la mesure de la responsabilité directe de l'Etat dans le devenir scolaire des enfants. A titre d'exemple, 95% des élèves scolarisés terminent leur scolarité secondaire en Corée du Sud ou en Finlande. Le niveau académique d'un maçon coréen peut aisément tenir la comparaison avec des universitaires issus de certaines contrées. Cet artisan jongle avec l'informatique, les plans et les calculs d'architecte. Sa formation n'a plus rien à voir avec celle de ses aînés. Dans un tel cas de figure, l'éducation scolaire devient « une véritable stratégie du progrès social et humain » pour reprendre la définition d'un célèbre pédagogue français. Un devoir de l'état Dans cet ordre d'idées, la réussite scolaire devrait consister à amener l'enfant du primaire jusqu'à la fin des études secondaires. Ce qui permet à l'adolescent l'adaptation au monde du travail et/ou aux études supérieures. Il s'agit là, d'un Smig scolaire imposé par la révolution technologique et la société moderne. Il est bon de signaler que ce Smig a évolué avec le temps. Au début du siècle dernier, il se confondait avec le certificat de fin d'études primaires (CEP) et vers les années 1960/70 avec le brevet (fin des collèges ou encore école fondamentale). C'est là un défi majeur que doivent négocier les pays en ce début du IIIe millénaire. Qu'est-ce qui empêcherait un pays d'assurer ce Smig scolaire ? La réponse coule de source : soit une mauvaise stratégie pédagogique ou un choix politique délibéré, soit une dépréciation des deux principes fondateurs de toute école républicaine à savoir : les principes d'égalité des chances et celui d'égalité des possibilités (des moyens). Pour la clarté de l'analyse, écartons la première réponse et admettons que les méthodes d'enseignement, les programmes et la qualité de l'encadrement ne posent pas problème. Il nous reste à lorgner du côté des deux principes évoqués ci-dessus. A travers le temps et conditionnée par le discours officiel, l'opinion publique mondiale a perçu l'école comme une institution uniforme et égalitaire où le centralisme jacobin aurait imposé des règles communes. L'on parle d'un ministre français de l'éducation nationale qui aurait un jour, jadis, annoncé en regardant sa montre : « Il faut qu'à ce moment précis sur toute l'étendue de la République, tous les élèves d'une classe donnée soient en train de faire le même exercice ou la même leçon. » Tant vanté dès le lancement de l'école de la République vers la fin du XIXe siècle, ce principe d'égalité des chances a vite montré ses limites. Et les raisons sont connues. Un tel état d'esprit ne se soucie guère des inégalités sociales voire, des particularismes individuels et de l'hétérogénéité entre les élèves. L'idée consiste à placer tous les élèves sur la même ligne de départ d'une course d'obstacles dont l'objectif, difficilement avouable, est la sélection précoce dès le primaire. Il n'y qu'à voir l'origine sociale de nos étudiants en médecine … et la tendance va se renforçant. Forcément, à défaut de respecter totalement le principe d'égalité des chances, un tel système produit de l'inégalité. Il a négligé l'essentiel : assurer l'accès de tous, aux mêmes moyens et possibilités. Il est facile d'anticiper sur le destin scolaire d'un enfant issu d'une famille pauvre. Son échec est inscrit dans son état civil. Il est du devoir de l'Etat de ne pas alourdir la facture du déclassement social payé par cet enfant par une injustice scolaire. Tous les moyens nécessaires doivent être mobilisés pour que cette fatalité ne survienne pas. L'enfant n'est pas responsable de la pauvreté qui frappe sa famille. L'institution scolaire soutenue financièrement par l'Etat, est appelée à combler les carences des parents sur des aspects décisifs. Parmi ces derniers, nous citerons la généralisation du préscolaire dès trois ans, le transport, la restauration, le trousseau, la bourse, l'internat , l'étude du soir encadrée et les colonies de vacances. Il serait judicieux de mettre en place des dispositifs d'aide sociale et non de charité folklorique comme nous le constatons en Algérie. Toutefois, il serait malhonnête de ne pas reconnaître les efforts consentis ces dernières années par le ministère de l'Education pour alléger un tant soit peu les difficultés des enfants déshérités. Mais seul, ce département ministériel ne pourra jamais répondre à la demande exorbitante en la matière. Les sources d'argent existent. à travers un plan de solidarité nationale qui pourra engager outre des départements ministériels le sponsoring éducatif privé et public ainsi que le mécénat, nos établissements scolaires pourront bénéficier de toutes les commodités pour bien fonctionner. Les élèves ceux qui en ont le plus besoin jouiront ainsi des moyens adéquats pour se consacrer aux études, se motiver et fournir des efforts sans avoir à stresser sur l'état de précarité de leur famille. C'est beaucoup plus les privations dont souffre l'enfant qui sont à l'origine de la majorité des décrochages scolaires. Certes, d'autres causes interviennent, là n'est pas l'objet de notre article. L'équation est claire à résoudre, il suffit de vouloir mettre en application ce concept de la réussite pour tous (le fameux Smig scolaire). Il s'agit là d'un des droits de l'enfant, même s'il n'est pas clairement formulé dans la Déclaration universelle. Pour l'Etat républicain, ce droit de l'enfant à la réussite scolaire s'impose en tant que devoir... impérieux. 2e partie : Le droit à l'épanouissement individuel