Habitant à Relizane, Mohammed Smaïn est un fervent militant des droits de l'homme. Nous l'avons rencontré à Barcelone, vendredi dernier, pour parler du drame qui a endeuillé l'Algérie, particulièrement sa région durant les années 1990 et surtout, il a présenté son livre : « Relizane dans la tourmente : silence, on tue ! » Un témoignage poignant. « On n'est pas sorti de l'auberge », affirme-t-il, convaincu. Vous êtes invité par une association espagnole des droits de l'homme, vous avez été reçus à l'institut européen de la Méditerranée et vous avez rencontré des politiques de cette région. Une activité très chargée, il faut en convenir… Il n'y a rien d'étonnant à cela, je fais partie de la ligue de la défense des droits de l'homme en Algérie, chargé du dossier des disparus, et je suis régulièrement invité par des instances internationales pour parler des droits humains. J'en ai fait mon métier. Mon seul souhait, c'est de faire éclater la vérité sur les disparus et, sans vraiment me décourager, je dirais que ce n'est pas demain la veille. Cependant, je n'abdiquerai pas. On a découvert, surtout, que vous êtes l'auteur d'un livre-témoignage, avec des faits précis, des photos… que le public algérien ne connaît malheureusement pas ?! Et est-ce de ma faute si personne n'a entendu parler de ce livre ? Est-ce de ma faute si aucune maison d'édition algérienne n'a voulu l'éditer ? Ce n'est pas de ma faute, non plus, si les journaux de mon pays n'ont pas jugé nécessaire d'en parler, malgré mon insistance. Vous savez, le dossier des disparus fait peur, parce que c'est une vérité amère, mais par respect aux familles des victimes et pour l'histoire de notre pays, surtout dans le contexte de la charte sur la réconciliation nationale, ne serait-il pas noble de dire la vérité ? Bien qu'il ne soit pas diffusé en Algérie, le livre vous a valu des problèmes… J'ai été poursuivi pour diffamation et crimes imaginaires, rien que cela… Cela nous rappelle les années de plomb. Je ne suis quand même pas l'auteur des charniers découverts près de Relizane, les photos parlent d'elles-mêmes. De toute façon, moi je ne cherche pas la célébrité, mon avenir est derrière moi. Tout ce que vous venez d'entendre à la conférence, je l'ai dit dans mon pays… et je le fais pour mon pays. Vous avez reçu des propositions pour la traduction de votre livre en espagnol… Oui, et cela me peine un peu, parce que mon témoignage est d'abord destiné aux Algériens, mais que voulez-vous, personne n'en veut. Ce n'est pas faute d'avoir essayé et je n'ai donc rien à me reprocher sur cette question.