La situation sociale et économique de nos jeunes émigrés qui ont tenté l'aventure en Europe, surtout, est loin d'être cet eldorado qui les a fait rêver au point de risquer tout pour obtenir le précieux visa. Le constat vient du Centre de recherches en économie appliquée pour le développement (CREAD) qui vient de publier les résultats de son enquête sur ce thème. Il en ressort que 23 319 émigrés algériens sont revenus au pays entre 2000 et 2005. Cette enquête menée durant l'année 2006 sur un échantillon de 320 ménages répartis sur quatre régions du pays, que sont le Nord, l'Ouest, les Hauts-Plateaux et la Kabylie, se propose « d'analyser le degré d'intégration des émigrés de retour ». Auteur d'une communication hier à l'occasion d'un colloque en hommage à Abdelmalek Sayad sur le retour des émigrés algériens dans leur pays d'origine, le sociologue Hocine Labdelaoui de l'université d'Alger a noté que ce phénomène de retour des émigrés « enregistre une tendance à la stabilisation des effectifs au cours des cinq dernières années ». Se fondant sur ce constat, il estime que les chercheurs et les analystes devront s'interroger sur les « thèses de non-retour des émigrés ». S'agissant de l'enquête elle-même, le conférencier a abouti à des résultats intéressants. « Elle nous a permis de comprendre que le sens profond du projet migratoire, dans ses deux dimensions, à savoir le retour au pays d'origine et stabilisation dans le pays de séjour, n'est saisi qu'à la condition d'englober le projet de vie initiale et sa confrontation avec les réalités rencontrées », devait-il préciser. La nostalgie, facteur décisif En d'autres termes, l'entreprise d'émigration est appréhendée sous l'angle du vécu social des sujets dans leur pays d'origine et dans celui d'accueil. Et la décision de se stabiliser ou de revenir résulte précisément de l'évolution des ces conditions de vie ou de survie, c'est selon. Résultat significatif également, M. Labdelaoui révèle que la catégorie sociologique de ces émigrés de retour se recrute en majorité parmi « les personnes salariées, dont le nombre est de 21 838 personnes ». Quant aux étudiants, 461 seulement ont jugé utile de revenir au pays depuis l'année 2000. Ce qui dénote à l'évidence que cette catégorie d'émigrés est la plus prisée par les pays occidentaux, notamment le Canada où une très forte communauté de diplômés algériens s'y est installée et dont une bonne partie occupe des postes supérieurs. Analysant le traitement sociologique de ces retours, l'intervenant a expliqué que pour définir leur modèle, plusieurs catégories de variables ont été prises en compte, entre autres, « le profil du retour (définitif ou pas), le projet de retour, l'expérience migratoire acquise, les résultats de l'intégration et les perspectives d'une nouvelle migration ». Et aussi curieux que cela puisse paraître, l'enquête conclut que la majorité des émigrés sont retournés au pays, par… « nostalgie ». Plus généralement, M. Labdelaoui certifie que l'ensemble des retours a été décidé en fonction de « facteurs socioculturels ». Il fera observer, cependant, que certaines personnes « n'ont pas été satisfaites de leur retour ». Pourquoi ? Et au chercheur de répondre : « Elles n'ont pu se transformer en acteurs économiques. » Tout compte fait, certains parmi ces émigrés déçus envisagent sérieusement de prendre le chemin du retour. C'est ce que le sociologue a appelé « reconstruire une stratégie d'une autre migration ». Quid des problèmes rencontrés dans les pays d'accueil ? L'enquête souligne notamment « des problèmes de logement, de pertes d'emploi, d'intégration et de racisme ».