Le rendez-vous des pays les plus industrialisés du G8 s'est ouvert hier dans la station balnéaire d'Heiligendamm (nord-est de l'Allemagne) pour deux jours d'entretiens et de travaux. Par la force d'une actualité brûlante dominée par le récent haussement de ton entre la Russie et les Etats-Unis, au sujet du bouclier antimissile, l'ordre du jour a été pratiquement relégué en préoccupation secondaire. Le monde entier est rivé sur le tête-à-tête « Bush-Poutine » avec l'espoir de désamorcer une énième crise en gestation. Pourtant d'importantes questions liées au développement durable figurent dans l'agenda du sommet. Outre l'incompatibilité de position sur le dossier du réchauffement climatique, les huit « puissants » sont tenus, moralement du moins, de justifier la fuite en avant « collective » à l'égard du continent africain qui a cru en les promesses formulées lors de la rencontre de 2005 à Gleneagles. Ce sera l'occasion d'y revenir lors de la session de travail consacrée à l'Afrique prévue demain avec les représentants d'Egypte, d'Algérie, du Nigeria, du Sénégal, d'Afrique du Sud, d'Ethiopie, du Ghana, le président de la commission de l'Union africaine et le secrétaire général de l'ONU. En terre d'Ecosse, pour rappel, le G8 avait convié à sa table certains pays en difficulté et des initiateurs du Nepad (nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique), dont le président Abdelaziz Bouteflika. L'objet n'était autre que de discuter des voies à emprunter pour aider le monde sous-développé, l'Afrique en priorité, à participer et à bénéficier du développement. Deux promesses furent prises alors : désendetter les pays les plus vulnérables et doubler d'ici 2010 l'aide allouée à ces nations pour arriver à 50 milliards dollars US par an (dont 25 milliards USD pour l'Afrique). Lors du G8 écossais, les pays participants s'étaient engagés à consacrer à l'aide aux pays pauvres au moins 0,51% de leur PIB en 2010 et 0,7% en 2015. En 2005, à titre indicatif, la moyenne de l'aide au développement du G7 (le G8, moins la Russie) n'était que de 0,3%. A l'exception d'un « petit » geste consistant en l'effacement d'une insignifiante dette multilatérale pour 18 pays des plus démunis, le second engagement est resté un vœu pieux. Oxfam, une ONG française de lutte contre la pauvreté en Afrique, révèle que les membres du G8 s'apprêteraient à opérer une nouvelle volte-face. Sous la pression du Canada et de l'Italie, l'éventualité de ne pas renouveler l'engagement pris en 2005 est évoquée par cette ONG qui estime à 30 milliards USD le retard cumulé sur les promesses initiales. Injustifiable, d'autant plus que la croissance économique des cinq dernières années est la plus forte depuis trois décennies. Pis encore, l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), dans un rapport publié en avril dernier, a signalé un recul de 5,1% en 2006 de l'aide pour les pays pauvres. Le document de cette organisation, qui compte en son sein les économies les plus développées dont celles du G8, a émis un signal d'alarme fort en prédisant « un nouveau recul pour l'année 2007 ». Au-delà de la subvention directe, le continent noir, qui fait tourner avec ses matières premières le moteur de la croissance économique mondiale, se heurte à un système commercial inéquitable. Le blocage des négociations de l'OMC dans le cadre du cycle de Doha aggrave la situation, notamment sur la question des subventions à l'agriculture. Le Quartette UE, USA, Inde et Brésil campe sur ses positions, mais il est espéré de cette rencontre du G8 de dégeler le cycle. Sans trop de convictions, les Africains se permettent, néanmoins, de nourrir l'espoir. En contrepartie, les pays du G8 exigent des gouvernements africains davantage de transparence dans la gestion des affaires économiques et des subventions.