Le mouvement altermondialiste en quête d'une refondation depuis deux ou trois ans tient l'opportunité d'un grand déploiement pour la tenue du G8 à partir de jeudi prochain près de Rostock au nord de l'Allemagne. En effet, le succès de la mobilisation contre « le gouvernement informel du monde » est assuré. La police elle-même attend 100 000 personnes autour de la station balnéaire de Heiligendamm, transformée en camp retranché par les autorités allemandes avec 12 km de barrière de 2,5 m de haut estimée à 12 millions d'euros. Les grands maîtres du monde ont pu apercevoir sur leur moniteur, ce week-end, un avant-goût de l'ampleur du contre-G8 organisé à Rostock pour leur venue. L'altermondialisme reste vivace. Il a besoin d'en faire encore la preuve au moment où de partout est annoncé « le début de son déclin ». Paradoxalement, le sommet du G8 du 6 au 9 juin consacre une de ses premières victoires. Le capitalisme industriel va réfléchir – par sa tête politique - sur ses modèles de production et de consommation et donc sur sa manière d'exploiter la terre. A Rostock, le réchauffement de la planète est en tête de l'ordre du jour, sur insistance de la maîtresse de cérémonie Angela Merkel, mais surtout sous la pression des évènements. De ce point de vue Rostock peut marquer un tournant comme Seattle en 1999. L'irruption exceptionnellement puissante dans les médias planétaires des manifestants anti-OMC sur la ville cossue de la côte pacifique a laissé des traces sur le cours des évènements. L'ouverture du commerce mondial s'est ralenti au profit d'un réarmement des pays émergents. Plus question de généraliser la libre concurrence dans les services si l'ouverture ne touche pas l'agriculture secteur protégé dans les économies dominantes. L'OMC ne s'est pas dissoute. Elle s'est rééquilibrée. L'essor des labels du commerce équitable sur les étals de la grande distribution depuis cinq ans est l'autre grand acquis de la fulgurante percée des mots d'ordre altermondialistes. Le forum social mondial a tourné au show politique par son gigantisme ces dernières années. Il n'en reste pas moins qu'il a accompagné – souvent précédé - une évolution de l'Amérique latine vers d'autres solutions que le grand marché libre avec les Etats-Unis et l'Alena. Quelles nouvelles conquêtes peut déclencher une nouvelle poussée de la mobilisation altermondialiste à partir de cet été sur les bords de la mer Baltique ? Le rapport de force politique est chancelant. Berlusconi est parti en Italie, mais Sarkozy est arrivé en France. Bush a beaucoup perdu de ses certitudes en Irak mais l'effort de guerre est toujours là et la croissance mondiale toujours assise sur un baril explosif. La mise en concurrence des salariés des citadelles industrialisées par ceux du pays émergents voire de pays pauvres n'a pas cessé d'avancer. Elle entretient la confusion des combats. Souvent travailleurs du Nord contre travailleurs du Sud. Le mouvement altermondialiste va continuer à se fédérer autour des idées qui ont fait sa force : « contre la marchandisation du monde », « contre la guerre impérialiste », « contre l'échange inégal entre le Nord et le Sud ». Cette fois, c'est son noyau dur écologique qui peut lui donner un nouvel élan. La bataille pour ralentir le réchauffement du climat est au cœur des enjeux de société dans les vingt prochaines années. Et c'est d'abord l'affaire des grands pollueurs. Entre les Européens qui veulent donner une suite plus contraignante à l'accord de Kyoto et les Américains qui veulent gagner du temps pour préparer une négociation hors ONU entre les 15 principaux pollueurs, le fossé s'est à nouveau creusé, à la veille de Rostock. Une fois de plus l'intervention extérieure tout en flamme des altermondialistes peut aider la planète à se tourner vers la bonne direction. Plus vite que si on laissait les plus riches seuls entre eux dans un club de talasso.