Le sommet du G8 de Heiligendamm, en Allemagne, a été marqué par la très vive tension russo-américaine sur le déploiement d'un bouclier antimissile en République tchèque et en Pologne. Le président russe Vladimir Poutine, l'un des grands acteurs du G8, récuse avec virulence cette option, arguant que le projet américain d'installer un radar de surveillance et une batterie de missiles antimissiles aux frontières de la Russie est loin d'être innocent. Du coup, le président russe s'est montré menaçant en laissant envisager que son pays pourrait riposter en orientant ses propres missiles vers un certain nombre de sites européens. De toute évidence, Vladimir Poutine n'a pas été convaincu par les explications rassurantes des Américains qui justifient le bouclier antimissile en Europe de l'Est comme une parade contre d'éventuelles attaques de l'Iran et de la Corée du Nord. Une thèse que seules les capitales amies des Etats-Unis prennent en compte. Mais pour les analystes, la thèse américaine relève pour le moment de la prospective car l'Iran, dont le programme nucléaire est contesté par les puissances occidentales, ne dispose pas de missiles de longue portée capables d'atteindre des objectifs fortement éloignés. Et même si les plus forts soupçons pèsent à son encontre, il n'est pas avéré que les Iraniens ont la maîtrise scientifique et militaire suffisante pour armer les missiles qu'ils voudraient lancer, d'ogives nucléaires. Vladimir Poutine s'affiche comme étant de ceux qui ne croient pas que l'Iran a, pour le moment, les moyens d'inquiéter l'Europe. Il croit que le scénario américain concerne en fait la Russie puisque non seulement il y a l'installation d'un bouclier antimissile en Pologne et en République tchèque, mais l'installation de bases américaines en Bulgarie et en Roumanie, opérationnelles dès juillet, et le vraisemblable établissement d'un radar mobile en Géorgie. Ce qui revient à dire que le Caucase Sud, dont la portée stratégique est colossale pour la Russie, tombe sous influence américaine. Ces éléments additionnés peuvent sonner à la Russie d'être en face d'une manœuvre d'encerclement appuyée, pour convaincre les opinions, sur le spectre d'une attaque nucléaire irano-nord-coréenne. Vladimir Poutine a-t-il voulu démontrer à son homologue George W. Bush qu'il n'était pas dupe des intentions américaines et que la Russie, au sortir de l'effondrement de l'Union soviétique, était redevenue une puissance ayant la capacité de faire valoir son poids dans le monde ? Dans cet ordre d'idées, Moscou pourrait adopter des positions conformes à son poids dans la gestion de dossiers sensibles comme le Kosovo ou le Darfour. En haussant le ton comme il l'a fait au G8, le président russe entendait-il, face à l'unilatéralisme hégémonique des Américains, délimiter l'espace vital sans lequel la Russie serait réduite à une portion congrue sur l'échiquier international ? L'accueil mitigé, pour ne pas dire hostile, réservé à sa proposition de bouclier commun en Azerbaïdjan montre à quel point son message a été entendu, mais pas forcément reçu par une Europe qui s'aligne sur la stratégie américaine.