L'échange de propos virulents entre le patron du Kremlin et celui de la Maison-Blanche relègue au second plan les autres sujets à l'ordre du jour du sommet des pays les plus industrialisés, le G8, qui s'est ouvert hier en Allemagne. À la veille de ce rendez-vous, qui se voulait déterminant pour l'avenir de la planète menacée de réchauffement climatique, les présidents américain et russe ont volé la vedette aux autres participants en raison de la “guerre des mots” à laquelle ils se livrent depuis quelques jours. La question du bouclier antimissile que Bush veut installer en Europe et ses critiques sur le recul de la démocratie en Russie ont irrité, au plus haut point, Vladimir Poutine qui n'a pas hésité à rendre au président américain la monnaie de sa pièce. Avant même son arrivée en Allemagne, George Bush a haussé le ton, mardi, en critiquant depuis Prague, où il était en visite officielle. Il a affirmé qu'en Russie “on a fait dérailler les réformes qui promettaient de donner le pouvoir au peuple, avec de troublantes conséquences pour l'évolution démocratique”. Ces déclarations ont rapidement fait réagir le porte-parole du Kremlin, Dimitri Peskov, qui se trouvait à Kühlungsborn à proximité de la ville de Heiligendamm où se déroule le sommet du G8. Il répliquera que la Russie partage des “valeurs européennes et mondiales communes” dans ce domaine et ne peut “être d'accord avec les propos du président Bush sur le fait que les réformes démocratiques ont déraillé”. Outre cette divergence sur l'évolution démocratique en Russie, Bush et Poutine ont étalé leur différend sur le projet américain de déployer un bouclier antimissile en Europe de l'Est. Rejetant violemment cette option, le patron du Kremlin menace même de pointer ses missiles sur l'Europe si jamais Washington passait à l'action. Ainsi, la confrontation entre MM. Bush et Poutine menace d'occulter les âpres débats prévus sur le réchauffement climatique, annoncé comme thème central du sommet. Ceci étant, le président américain affirme vouloir ouvrir un nouveau cycle de négociations avec les grandes économies mondiales sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre, mais hors du cadre de l'ONU. Par contre, l'Allemagne, qui bute déjà sur le refus américain de fixer des objectifs contraignants de réduction du CO2, s'y oppose. La chancelière allemande et le Premier ministre japonais Shinzo Abe avaient affirmé, mardi, qu'ils étaient prêts à s'engager pour la mise en place d'un accord de réduction des gaz à effet de serre après expiration du protocole de Kyoto en 2012. Avant même l'ouverture officielle du sommet, les Etats-Unis ont refroidi Angela Merkel sur le sujet en faisant savoir que le sommet n'énoncerait pas d'objectif global à long terme de réduction des gaz à effet de serre. Selon Jim Connaughton, un responsable de l'administration américaine pour l'environnement, Washington tient à ce qu'un tel objectif à long terme donne lieu à des discussions au cours des 18 prochains mois avec les principaux pays émetteurs de gaz à effet de serre. L'aide aux pays africains, qui constitue la priorité de la présidence allemande du sommet, sera au centre des débats. Sur un autre plan, les organisateurs redoutaient toujours des violences en marge du sommet parce que la tension était, par ailleurs, toujours vive. Des affrontements entre des groupes extrémistes et la police, samedi, avaient fait un millier de blessés. Les altermondialistes ont prévu de bloquer les routes d'accès à Heiligendamm hier. K. ABDELKAMEL