Dans l'histoire du journalisme algérien, Kheiredine Ameyar demeure une figure à la fois attachante et exemplaire marquant le passage entre la génération des rares pionniers de la période coloniale, comme Abdelkader Safir, et celle en exercice actuellement. Décédé voilà sept ans déjà, il s'est distingué tout au long de sa carrière par le haut niveau de ses analyses, la qualité de son écriture et une personnalité hors du commun. Tous ceux qui l'avaient approché avaient été frappés par son exceptionnelle érudition à laquelle aucun domaine ne semblait échapper. Sciences, histoire, politique, littérature, etc., sa curiosité confinait à l'avidité intellectuelle. Dans ses articles, même sur les sujets les plus « anodins », il s'ingéniait toujours à proposer au lecteur une profondeur de vue et des perspectives de réflexion. Il professait d'ailleurs que dans la presse aucun sujet ne pouvait être anodin. Ainsi, lorsqu'il exerça un moment dans une rubrique sportive, il se refusa à négliger son travail, le menant avec la même passion et intérêt que les grands commentaires politiques qui le positionnèrent comme un observateur et éditorialiste émérite de la société algérienne, repris par les analystes du monde entier. Son verbe haut et sa personnalité frondeuse, à l'aise dans la rhétorique comme dans les controverses, en faisaient un personnage flamboyant, redoutable pour ses contradicteurs et admiré par ses compagnons. Ce talent polémiste, peut-être le tenait-il aussi de son violon d'Ingres, le jeu d'échecs, dont il était un excellent joueur, ce qui lui vaut à ce jour la reconnaissance de la fédération de ce sport d'esprit qui a institué un tournoi en son hommage ? Il était aussi célèbre pour ses expressions et mots d'esprit qui se diffusaient à la vitesse de l'éclair dans les milieux de la presse et de la culture. Tout le monde se souvient encore du qualificatif de « satrape » qu'il avait sorti des profondeurs de l'histoire perse pour en faire son anathème favori, affectueux ou incisif selon le ton qu'il y mettait. Aujourd'hui, il laisse un patrimoine journalistique fait de centaines d'articles dont la publication, même sélectionnée, serait une œuvre bien utile à l'histoire de la presse algérienne comme du pays. Il laisse également un quotidien important de la presse nationale, La Tribune, fondé en 1994 avec un groupe de professionnels et qu'il a marqué de son empreinte. Il laisse enfin un souvenir fort à ses lecteurs et ses confrères dont ceux d'El Watan qui s'inclinent aujourd'hui à sa mémoire avec autant de tristesse que d'affection.